Nord Alexis: « Je ne veux pas attacher mon nom à semblables opérations. Je suis, avant tout, conservateur de l’héritage« .
On a beau me parler d’emprunt, je n’en veux ni à l’intérieur, ni surtout à l’extérieur. C’est par là qu’on perdra notre autonomie… Et puis, est-ce que le pays a jamais profité de nos emprunts à l’étranger? De celui de 1875, pas un centime n’est entré dans les caisses de l’Etat. Il a été un véritable scandale.
En 1896, cela a été la même chose. Le pays n’a guère profité des millions empruntés. Et le but principal, qui était le retrait du papier- monnaie, n’a même pas été tenté. Le plus clair de l’opération fut d’enrichir à nos dépens des banquiers étrangers… Quant à nous, nous sommes restés aussi pauvres, plus pauvres…
Ces deux emprunts réunis, tout en nous soutirant annuellement de grosses sommes, nous endettent pour l’éternité de près de soixante-quinze millions.
Je ne veux pas attacher mon nom à semblables opérations. Je suis, avant tout, conservateur de l’héritage, fût-il délabré.
Secouant sa tète d’octogénaire à peine blanchie, et souriant malicieusement, il re-
prenait un instant après :
« Ma vieille expérience m’a enseigné aussi que généralement un emprunt à l’étranger est toujours le signal de désordres à l’intérieur… C’est parfois les agents, les auxiliaires du Gouvernement lui-même qui, feignant de les appréhender, les provoquent au besoin pour avoir une occasion de dépense. Mais ce sont les mécontents qui s’organisent, tentent un mouvement, prennent les armes pour empêcher le Gouvernement de jouir de l’argent et s’en emparer à sa place. Il ne faut pas exposer la paix publique à semblables tentations. Je ne ferai pas d’emprunt à l’extérieur. »
Titre: Finances d’Haïti, emprunt nouveau, même banque…
Auteur du texte : Marcelin, Frédéric (1848-1917).
Éditeur : impr. de Kugelmann (Paris)
Date d’édition : 1911