Haïti | Gouvernance et stabilité politique : De la grandeur à la déception, vœu de renaissance

0
1595

Haïti : gouvernance et stabilité politique

Dimanche 1er janvier 2022 ((rezonodwes.com))–

1.  De la grandeur à la déception

Le 1e  janvier 2023, la République d’Haïti aura 219 ans. Son profil global est celui d’un pays qui se tient debout sur le chaos. En effet, moins de deux ans après son indépendance, Haïti est entré dans un cycle de turbulences politiques chroniques, caractérisé par des coups d’état  intempestifs. Ce qui affecte son économie, sa population, son environnement, sa souveraineté et son image.    Les mesures ingrates de l’international  (notamment  la  France,  les  États-Unis  et  les  institutions  de  Breton  Wood)  et  les  pratiques mafieuses de l’oligarchie très peu d’origine haïtienne et de la classe politique, alliées à des fonctionnaires corrompus et aux intérêts internationaux, ont finalement transformé Haïti en un véritable cauchemar.

Après 1986, le pays s’est ouvert à un nouveau régime politique, dit démocratique, avec pour mode de renouvellement  préférentiel  des  élections.   Là  encore,  pour  protéger  leurs  intérêts  et  perpétuer  leur domination,  les  acteurs  susmentionnés  ont  travaillé  à  faire  échouer  la  démocratie  en  Haïti.   Le  pays devient  à  la  fois  plus  dépendant  et  plus  instable,  avec  un  affaiblissement  scandaleux  des  institutions publiques, qui aura aussi entrainé la débâcle des autres institutions éducatives, morales, communautaires et combitiques du pays.   L’occupation des Nations Unies, d’une durée plus longue que celle des États- Unis d’Amérique, ajoute son lot de misères : choléra, viols, et autres.  Dans ce jeu macabre, les gangs ne sont pas un électron libre.   Par moments, il semble qu’ils ont une fonction de créer des turbulences, en particulier chaque fois qu’il est question de renouveler le mandat d’une des missions des Nations Unies. Dans  d’autres  contextes,  on  a  l’impression  qu’ils  exécutent  un  mandat  de  protection  des  intérêts  de membres puissants tant de la classe d’affaires et politique que de l’impérialisme international.

Après  l’assassinat  crapuleux  du  président  Jovenel  Moïse,  on  assiste  à  une  flambée  de  l’insécurité,  du kidnapping, des violences, des crimes, notamment au niveau de la Capitale, causant chez la population la peur, des préjudices psychologique, moral et matériel.  A cela s’ajoutent le lock, la crise du carburant, la fermeture  prolongée  des  écoles,  l’impunité,  l’inflation,  la  faillite  des  entreprises  et  les  mises  à  pied, l’aggravation de l’insécurité alimentaire et de la décote de la gourde.  C’est aussi une crise de leadership et de vision partagée, une incapacité d’arrêter la fuite des jeunes vers des terres hostiles. Le peuple est en  mode  d’observation  et  cultive  un  doute  prudentiel,  étant  victime  de  l’opportunisme  de  certains leaders politiques. C’est le désenchantement.

Échec et mat

Dans  cet  imbroglio,  il  faut  tout  simplement  constater  l’échec  non  seulement  de  l’élite  qui  n’a  pas  su prendre de la hauteur et assurer un leadership qui fait la différence, comme l’a déjà souligné Jean Price Mars à son retour en Haïti, mais plus globalement du peuple qui est redevenu esclave de l’international, en particulier du blanc.  Celui-ci se comporte comme un nouveau colon sur le sol haïtien, le gouverneur étant le Core groupe. Notre incapacité du moment, expression d’un manque de méthode, de courage et de morale, montre que nous choisissons collectivement de vivre à genoux contrairement à nos ancêtres, dont  le  slogan  était  de  « vivre  libre  ou  mourir ».  Haïti,  jadis  terre  de  liberté,  est  devenu  un  laboratoire d’expérimentation de méthodes et de mécanismes de renouvellement du système impérialiste.

L’international  se  complait  dans  une  sorte  de  valse  adoucissante,  dont  les  mouvements  vont  de  la reconnaissance de son propre échec à des sanctions captivantes, sans toutefois administrer des preuves et donner à Haïti la possibilité d’entamer des poursuites (bien sûr quelle justice ?), et à une guerre d’usure qui finalement semble avoir raison de tout le monde.   Pendant qu’il dit que les solutions doivent venir des Haïtiens, il manipule pour faire passer son propre agenda.  Montana aurait pu être une réponse d’un moindre mal, s’il avait pris la route des provinces pour rencontrer les organisations et la population, au lieu  de  passer  le  plus  clair  de  son  temps  à  parlementer  dans  les  médias,  à  faire  des  discours,  à  agir comme  un  club  de  copains  à  Port-au-Prince  ou  à  tergiverser  entre  eux  et  à  s’asseoir  avec  des responsables et des chargés de missions internationales qui ne font que rouler ses représentants dans la farine.    Alors,  vu  que  l’international  a  rallié  à  sa  cause  les  opportunistes  et  est  proche  du  but,  qui consiste  à placer  au pouvoir  ses  poulains  pour  être toujours  au  contrôle, en  suivant  un processus  qui

doit déboucher sur des élections et lui donner un satisfecit de retour maquillé à la démocratie, tout ce qu’il  nous  reste  est  d’être  réaliste  et  vigilant  pour  avoir  un  moindre  mal  qui  facilitera  un  minimum  de stabilité et de progrès.  Sinon, une autre synergie consensuelle s’impose avec force et intelligence.

Vœu de renaissance pour 2023

En  cela,  nous  croyons  opportun  de  recourir  à  un  nouveau  paradigme  « le  pouvoir  aux  plus  capables, pour le bien-être du plus grand nombre », différent toutefois dans ses assises théoriques des idéologies du  Parti  libéral  et  du  Parti  national.   Est-ce  faisable, donc  possible  et  réaliste ?  Pour que  cette théorie fonctionne  et  ait  la  chance  de  fructifier  et  prospérer  longtemps,  voire  permettre de  faire  un  saut qualitatif, ces 4 éléments paraissent déterminants : le savoir, le pouvoir, l’avoir et la morale éthique.

Le   savoir   fait   ici   référence   au capital   humain,   en   termes   de :   connaissance, intelligence,  éducation,  culture,  probité  intellectuelle  (« science  sans  conscience  n’est que ruine de l’âme »).  Le pouvoir renvoie au capital social en termes de leadership et de charisme, donc à la capacité autant de mobiliser et de recoudre le tissu social et politique   déchiré   que   de   négocier   avec   différents   interlocuteurs   nationaux   et internationaux et de protéger les intérêts  collectifs.  L’avoir s’adresse aux actifs matériels et immatériels, notamment en termes d’expériences, de réalisations et de capacité de création de richesses. C’est la nouvelle grille d’appréciation à laquelle doit satisfaire tout aspirant au pouvoir ou à un poste de responsabilité majeure.

Si les 3 premiers éléments se retrouvent à des moments dans la vie politique,  par contre  la  morale  éthique  fait  en matière  d’application  des  valeurs général  défaut  dans  le  système  haïtien,  tant  en fondamentales,  des  normes  et  des  règles,  qu’en termes  de  mécanismes  de  contrôle  et  d’évaluation  pour  assurer  la  transparence,  la crédibilité, la participation et la reddition de compte. Elle symbolise la flamme qui éclaire, guide, incite à prendre  les  bonnes  décisions  pour  répondre  aux  besoins  et  satisfaire  les  attentes  du  peuple.  Elle constitue  donc  les  vaisseaux  qui  alimentent  les  institutions  en  énergie  et  qui  en  font  leur  force  pour protéger la société, sanctionner ou pénaliser quand on s’écarte du droit chemin et des règles du jeu.

Mais, qui va mettre la cloche au cou du chat ?  La société n’a pas d’autre choix que de se réveiller, agir et se battre.  Personne n’est au-dessus de la loi, en même temps que celle-ci doit être la même pour tous. C’est  à  cette  seule  condition  que  la  stabilité  s’établira  en  Haïti  et  sans  laquelle  le  pays  ne  pourra  ni prospérer  ni  s’améliorer.    Ce  ne sera  plus  la  dictature  des  dirigeants,  du  béton, des  gangs  ou  de l’international, mais plutôt celle des lois, en tant qu’expression des droits et devoirs des citoyens, pour une  société  juste  et  équitable.    C’est  aussi  à  cette  condition  que  l’Haïtien  reprendra  le  bouton  de contrôle qui, pour le moment, lui échappe et est commandé à distance.

Il vient le temps de rendre l’accès au pouvoir une entreprise méritoire, comme le prêche l’évangile selon lequel  « il  est  plus  facile  à  un  chameau  de  passer  par  le  trou  d’une  aiguille  qu’à  un  riche  d’entrer  dans  le royaume de Dieu ».  Il vient le temps de sanctuariser le bien collectif, de rendre l’exercice du pouvoir une avenue  pavée  de  bonnes  intentions  et  une  ascèse,  de  moraliser  la  vie  du  citoyen  même  si  cela  doit restreindre  certaines  libertés  individuelles.   Les  grandes  dérives  de  notre  société  actuelle,  expression d’une mutation dramatique précoce, sont en grande partie liées aux ouvertures libertaires prônées tant par  la  bamboche  démocratique  que  par  les  égarements  inhérents  à  la Constitution de  1987,  dans  une sorte  de  mimétisme  des  sociétés  occidentales  dont  les  cultures,  les  structures  de  gouvernance  et  le niveau d’avancement sont tout à fait différents des nôtres.   Il vient donc le temps de rectifier le tir, de remettre  le  citoyen  et  le  pays  sur  les  rails  d’une  société  qui  assume  sa  réalité  ontologique  pour  se reconstruire en tant qu’être de lumière et pour faire face tant à la mondialisation qu’au défi climatique.

Abner Septembre

Le 31 décembre 2022

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.