Acte de l’Indépendance | Boisrond Tonnerre explique dans ses « Mémoires » les raisons portant Dessalines à choisir son texte au lieu de celui de Charairon

0
1417

Acte de l’Indépendance | Dessalines cité par Boisrond-Tonnerre dans ses « Mémoires » publiés par St-Rémy en 1851.

St-Rémy des Cayes (1851): « l’indépendance d’ Haïti n’a été que le simple triomphe d’un peuple vaincu sur son ancien vainqueur ».

Introduisant les pages retrouvées de « Mémoires de Louis Boisrond-Tonnere » rédigées par le rédacteur de l’Acte de l’Indépendance d’ Haïti, lui-même, le talentueux écrivain haïtien Saint-Rémy des Cayes, dans une étude historique et critique publiée en 1851, décrivit l’ Indépendance du pays comme « une époque remarquable, solennelle dans l’humanité, elle l’est surtout pour Haïti, cette île que les Européens appelaient la Reine des Antilles« .

Ces Mémoires, écrit Saint-Rémy, sont ceux de Boisrond-Tonnerre. Tirés à un très-petit nombre d’exemplaires, ils sont devenus excessivement rares, et pour l’auteur qui remonte aux faits d’avant le 1er janvier 1804, ce n’a été qu’après beaucoup de recherches et de peine qu’il est arrivé à s’en procurer deux vermoulus et mutilés, mais heureusement se complétant l’un l’autre, ce qui lui a permis d’en donner une édition complète, à laquelle il a joint les manifestes de Boisrond-Tonnerre, un grand intellectuel de son temps.

Rencontre Dessalines et Boisrond-Tonnerre

Boisrond-Tonnerre resta néanmoins témoin en apparence impassible de la guerre sacrilège qui s’éleva entre Toussaint-L’Ouverture et André Rigaud. L’animosité des deux partis se calmait à peine que l’expédition française dirigée par le général Leclerc vint remuer de nouveau toutes les passions. Boisrond-Tonnerre entre alors dans la lutte, où il va s’élever de toute la hauteur de sa violente complexion. Un incident vint à cette
époque attacher pour toujours, et jusque dans la tombe, son sort à celui du général Dessalines.

Malgré l’occupation par les Français du Port-au-Prince, de Léogane, des Grand et
Petit-Goâves, de Miragoâne, d’Aquin et de Cavaillon, Dessalines allait à travers la montagne du Rochelois, au camp Gérard, rejoindre dans la plaine des Cayes, les généraux Geffrard et Gérin, pour organiser leur armée. Dans cette con-
joncture, il eut besoin d’un secrétaire. Boisrond-Tonnerre à cette même époque, habitait avec sa famille Saint-Louis-du-Sud, place fortifiée jadis par la compagnie des Indes. Dessalines le rencontra. Le ton brusque de ce jeune homme, comme aussi son affectation à parler le créole le plus grossier, plut au général qui le prit dès lors à son service.

Boisrond-Tonnerre entra ainsi, en juillet 1803, dans la carrière politique. Il fit la guerre de l’indépendance comme officier d’état-major et secrétaire ; il parvint au grade d’adjudant-général. Après cette guerre mémorable qui amena l’indépendance de Saint-Domingue, ce fut lui qui fut chargé d’en rédiger le manifeste.

Voici comment cela arriva.

Les vainqueurs résolurent de proclamer leur triomphe. Le général en chef de l’armée indigène, Jean-Jacques Dessalines, avait porté les yeux pour l’écrire, dit-on, sur Charairon, adjudant-général comme Boisrond-Tonnerre. Charairon ne
pouvait plaire à des hommes passionnés, détaille Saint-Rémy en feuilletant les manuscrits de Boisrond-Tonnerre.

Charairon, mulâtre à mœurs douces, élevé en France, pensait qu’il s’agissait, dans ce manifeste, d’annoncer non-seulement aux siens leur victoire, mais encore au monde civilisé. Il avait préparé un projet où il cherchait à montrer le calme et la dignité d’un peuple fort de ses droits : enfin une oeuvre de raison.

Boisrond-Tonnerre, ce jour-là, tout en ébriété, assistait Charairon à la lecture du discours. Il balbutia en présence de Dessalines. « Tout ce qui a été fait n’est pas en harmonie avec nos dispositions actuelles; pour dresser l’acte de l’indépendance, il nous faut la peau d’un blanc pour parchemin, son crâne pour écritoire, son sang pour encre, et une baïonnette pour plume. »

Dessalines, frappé de ces odieuses paroles, qui répondaient parfaitement aux sentiments de vengeance qui lui gonflaient le cœur, chargea Boisrond-Tonnerre de la besogne de Charairon, en lui disant : C’est çà, Mouqué, c’est çà même mon vlé ! C’est sang blanc, mon besoin.

Dès lors, Boisrond-Tonnerre fut en faveur plus que jamais ; il aimait le sang et il faisait sentir à son maître l’avant-goût de ce breuvage infernal. Là fut une des causes de son crédit, qui ne fit que croître avec la puissance de Dessalines. Lorsque celui-ci fut arrivé à l’empire, il était en possession de toute sa confiance.

Procès-verbal de la proclamation de l’indépendance d’Haïti.

LIBERTE OU LA MORT.

ARMEE INDIGENE.

An premier de l’Indépendance.

Aujourd’hui, premier janvier mille huit cent quatre, le général en chef de l’armée indigène, accompagné des généraux, chefs de l’armée, convoqués à l’effet de prendre les mesures qui doivent tendre au bonheur du pays.

Après avoir fait connaître aux généraux assemblés, ses véritables intentions d’assurer à jamais aux indigènes d’Haïti, un gouvernement stable, objet de sa plus vive sollicitude ; ce qu’il a fait par un discours qui tend à faire connaître aux puissances étrangères, la résolution de le rendre indépendant, et de jouir d’une liberté consacrée par le sang du peuple de cette île ; et après avoir recueilli les avis, a demandé que chacun des généraux assemblés prononçât le serment de renoncer à jamais à la France, de mourir plutôt que de vivre sous sa domination, et de combattre jusqu’au dernier soupir pour
l’indépendance.

Les généraux, pénétrés de ces principes sacrés, après avoir donné d’une voix unanime leur adhésion au projet bien manifesté d’indépendance, ont tous juré à la postérité, à l’univers entier, de renoncer à jamais à la France et de mourir plutôt que de vivre sous sa domination.

Fait aux Gonaïves, ce 1er janvier 1804, et le 1er jour de l’indépendance d’Haïti.

source:

Titre :  Mémoires pour servir à l’histoire d’Haïti, par Boisrond-Tonnerre, précédés de différents actes politiques dus à sa plume et d’une étude historique et critique par Saint-Remy (des Cayes, Haïti)
Auteur :  Boisrond-Tonnerre, Louis (1776-1806).
Éditeur  :  Paris
Date d’édition :  1851

rédaction et recherches: cba

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.