Ariel Henry : Un An et demi de Néant

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On dira ce qu’on dira, il faudra bien reconnaître au docteur Henry un certain talent. La capacité de s’accrocher au pouvoir pour ne rien faire. Pour tuer le temps. La doctrine de sa primature, c’est « Vivre et laisser mourir. » 

Du train où vont les choses, le sieur Henry pourrait demeurer au pouvoir pendant longtemps. Sinon davantage. Qui sait ? Ce n’est pas l’envie qui lui manque. Son mandat n’a pas de date d’expiration. En plus, il a en face (ou à côté de lui) une opposition en quête de positions. Une opposition qui cherche sa voie dans les couloirs du pouvoir de facto.         

Dans le meilleur des cas, ceux qui négocient avec Ariel Henry pourraient obtenir quelques postes : le Ministère de la crème à la glace, le Ministère des affaires étranges, le Ministère du beurre et de l’argent du beurre, le Ministère de la culture des roses et des candélabres, le Ministère à la condition masculine. En l’occurrence, l’un des délégués d’Ariel Henry à ces pourparlers pour trouver un accord consensuel, n’est autre que l’incontournable inculpé de viol : Josué Pierre-Louis.

Ainsi, en termes de Salut Public et de rupture avec le règne des « bandits légaux », rien ne peut se faire dans le cadre de parler en pile, d’aller-mener-venir, de roulez-moi deux bords, avec un PM évasif, maître d’armes, soupçonné d’avoir été parmi les cerveaux de l’assassinat de l’illustre disparu. 

Pour le chirurgien Ariel Henry, Jovenel Moïse n’était que tumeur.       

Point n’est besoin de se casser la tête pour imposer à Ariel Henry un président de tutelle. Dans sa configuration actuelle, le gouvernement de facto est déjà bicéphale. C’est un gouvernement de doublure. A l’avant-scène, il y a le PM Henry (dans son rôle de Doctor Dolittle) et au fond, il y a le vrai pouvoir derrière le trône, Michel Martelly (dans le rôle de Parrain de la Cosa Nostra.)          

A force de tergiversations, de tolalito et de tête-à-tête interminables avec l’énigmatique chirurgien, l’opposition risque de devenir elle-même acéphale. 

Jovenel Moïse a signé sa condamnation à mort le jour où il a accepté Ariel Henry comme Premier ministre. La succession une fois assurée, toutes les conditions étaient réunies pour l’exécution du plan PHTK3 : l’assassinat de JoMo par des malfaiteurs colombiens. C’est ainsi que l’ancien planteur de bananes est devenu petit mil sans gardien. 

Monsieur Moïse n’était qu’un pion entre les mains de la mafia martellyste et des oligarques qu’il conspuait en public et cajolait en privé. Lorsqu’il a voulu se comporter comme un morpion, il a été mitraillé par des mercenaires sans état d’âme, habitués à tuer sans le moindre remords.  

Un an après son ascension au pouvoir dans les circonstances que l’on sait, le docteur Henry n’a rien à son actif sinon que ses tweets funéraires. Messages de condoléances et vaines résolutions de trouver un médicament contre la mort et les enlèvements à la   « capitale de la douleur. » 

Ne venez surtout pas lui demander des nouvelles de son compère Felix Badio. C’est un secret d’État. La dernière fois qu’ils se sont rencontrés à huis clos, après le sept juillet, Badio portait un costume marron. 

Un an après le drame de juillet, la machine de la mort qui a emporté Jovenel au pays sans chapeau continue sa course folle dans les rues tourmentées de Port-au-Prince. Le processus de martellysation du pays haïtien se poursuit avec le décherpillage, la course aux armements et l’équilibre de la terreur. C’est la mort en direct, la mort partout avec vous avec ses escarmouches entre martellystes, jovenelistes, ariélistes et toutistes.     

Les gorges chaudes avaient bien rigolé lorsque Martine Moïse invitait la population à « planter de l’eau ». Maintenant, c’est la récolte des larmes.  Et personne ne rit plus. 

Il serait illusoire de compter sur Ariel Henry pour faire quoi que ce soit. Il est anesthésié et ne sait pas ce qui se passe à deux pas de la Primature. Il vit dans les nuages de la béatitude. Adventiste du septième jour, il prend au pouvoir un long repos sabbatique en attendant l’apocalypse locale et l’extermination de « la dernière goutte d’homme. »  

L’aveuglement politique, ça regarde tout le monde. La surdité aussi. L’heure est grave. Le moment ne se prête pas aux deals infâmes, aux dilatoires et aux conciliabules ad nauseam avec Ariel Henry. Tout accord politique qui envisage le maintien au pouvoir du croque-mort de la Primature équivaudrait en fait à l’acceptation du suicide collectif.    

Castro Desroches

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