Procès Digicel-Haïti vs UPM : qui défendra les intérêts de l’État haïtien le 14 novembre aux États-Unis

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Qui représentera et défendra les intérêts de l’État Haïtien le 14 novembre prochain aux USA  dans ce procès où la Digicel-Haïti réclame plusieurs dizaines de millions à une entreprise américaine ?

Dimanche 30 octobre 2022 ((rezonodwes.com))–

C’est la question que l’on est tenté de se poser après avoir pris connaissance de l’ordonnance publiée par le tribunal de l’État du district de l’Oregon ce 28 octobre dans le cadre de la Phase I de ce procès opposant le principal opérateur de téléphone mobile en Haïti (Digicel-Haïti) à une entreprise américaine de l’État de l’Oregon ( UPM Technology) pour une affaire de fraude téléphoniques par dissimulation.

En effet dans ce procès  où fondamentalement Digicel-Haïti se plaint qu’une partie du trafic téléphonique international entrant d’Haïti  ait été frauduleusement payée à  (9) neuf cents/minute en lieu et place des 23 cents/minute prévus par l’État Haïtien pour les appels internationaux entrants, ce dernier partage les préjudices et les dommages avec la compagnie de Denis O’Brien , puisque (5) cinq cents/minute devraient lui revenir de ces 23 cents , soit 21%, selon le même texte fixant les 23 cents.

Cependant l’État Haïtien n’est pas représenté à ce procès et ses intérêts ne sont pas pris en compte et défendus.

Pire, dans ladite ordonnance on apprend que la Digicel-Haïti, à travers ses avocats, ont proposé au Tribunal de l’Oregon « d’exclure les références aux dépenses du gouvernement haïtien ou à sa taxation des appels internationaux «,  c’est-à-dire d’ignorer l’existence et les intérêts de l’État haïtien à cette phase de ce procès.

En réponse à cette proposition de la compagnie présidée par Maarten Boute en Haïti, le Tribunal déclare « convenir que, d’une manière générale, ces questions sont sans pertinence juridique. « 

Cependant l’entreprise américaine  tient à souligner que le gouvernement haïtien a imposé des frais de 5 cents par minute sur les appels internationaux entrants pour lesquels Digicel-Haïti a facturé un total de 23 cents par minute.

 Le 27 octobre 2022, lors de son audience en vertu de la règle 702, le témoin expert de Digicel-Haïti, Charles Castel, l’a confirmé et a expliqué que 5 cents par minute sont des frais, et non une taxe, facturés par le gouvernement d’Haïti, note le juge Michael H. Simon dans  cette ordonnance.

Et la compagnie américaine a profité de l’absence de l’État Haïtien pour affirmer une contre-vérité  tendant à faire croire «  que le gouvernement haïtien n’impose pas ces frais (5 cent/minute) sur les appels qui se terminent en Haïti par voie de contournement. « 

Ainsi, l’entreprise américaine en conclut, qu’elle devrait être autorisée à faire valoir que si Digicel-Haïti a été endommagé en ne pouvant pas facturer le plein tarif international de 23 cents par minute, seuls 18 cents par minute reflètent fidèlement la perte de Digicel-Haïti.

Il y aurait donc une entente, sur ce point là, entre les deux parties représentées pour  ignorer les 5 cents par minute devant revenir à l’État Haïtien.

Malheureusement à ce stade de ce procès, il n’y a aucun représentant de l’État haïtien pour faire valoir les intérêts du pays . Digicel-Haïti et l’entreprise américaine sont les seules à défendre leurs intérêts.

Notons à cette Phase  I de cette affaire qui a été initiée par Digicel en 2015, la Cour a déjà statué que le contournement, en soi, n’est pas une fraude en vertu de la loi de l’Oregon. Ainsi, les seules questions de fraude alléguée dans ce procès sont :

 (1) si les défendeurs UPM et M. Tran, son PDG, ont activement dissimulé leurs activités à Digicel-Haïti en utilisant un logiciel de simulation du comportement humain ;

(2) si tel est le cas, si l’utilisation par UPM du logiciel HBS a causé un préjudice à Digicel-Haïti ; et

(3) si c’est le cas, quelle est une estimation raisonnable de ce préjudice, sans spéculer.

Plus précisément, la première question est de savoir si UPM et M. Tran ont utilisé un logiciel de simulation du comportement humain pour imiter les modèles d’appelants humains individuels afin de dissimuler le fait qu’ils étaient une entreprise utilisant plusieurs cartes SIM et mettant fin à plusieurs appels sur le réseau de Digicel-Haïti.

 UPM et M. Tran nient avoir utilisé HBS, et Digicel-Haïti allègue qu’ils l’ont fait.

Il faut souligner également le rôle de l’ancien Gouverneur de la Banque Centrale, M. Charles Castel , un des experts choisis et présentés par Digicel-Haïti au tribunal.

A ce sujet la Cour du District de l’État de l’Oregon conclut que M. Castel, un économiste, est qualifié par son expérience, sa formation et son éducation pour fournir un témoignage d’expert concernant un modèle de dommages-intérêts approprié dans cette affaire.

Et  M. Castel est d’avis qu’un modèle de détermination de dommage ou préjudice approprié peut être envisagé :

(1) en supposant une capacité appropriée ;

(2) en actualisant cette capacité par une réduction appropriée pour refléter qu’elle ne fonctionne pas à pleine capacité cent pour cent du temps ;

 (3) en supposant le nombre de minutes par jour qui serait utilisé ;

 (4) en supposant le nombre de jours, de semaines ou de mois utilisés ;

 (5) en supposant un taux de perte approprié par minute ; et

(6) en supposant une considération appropriée pour savoir si et combien de temps le logiciel HBS a été utilisé.

Donner son avis sur un tel modèle de dommages relève de son expertise et sera utile au jury, estime le juge américain Michael H. Simon.

En outre, l’avocat du plaignant (Digicel -Haïti) peut demander à M. Castel de « présumer » certains chiffres pour ce modèle et les résultats obtenus, s’il existe une base de bonne foi pour croire que des preuves recevables à l’appui de ces hypothèses seront présentées au jury lors du procès. Toutefois, M. Castel ne peut divulguer au jury des ouï-dire inadmissibles ou autrement servir de conduit pour la divulgation d’éléments de preuve autrement inadmissibles devant être présentés au jury, souligne cette ordonnance

En outre, M. Castel dispose d’un modèle de dommages alternatif basé sur les raisons pour lesquelles il soutient qu’il s’agit d’hypothèses sur la part de marché d’UPM. Comme indiqué dans le dossier lors de l’audience Daubert, cependant, M. Castel a mal compris ou déformé ces hypothèses, qui découlent des demandes reconventionnelles suspendues d’UPM en vertu de la Loi sur les communications, note le Tribunal.

 En lien avec les demandes reconventionnelles (les accusations de violations des lois américaines d’UPM) , le témoin expert d’UPM, M. Don Wood, a émis un avis sur la perte financière supplémentaire pour UPM causée par Digicel-Haïti empêchant UPM de revendre le service RLYH de Digicel-Haïti aux États-Unis, indique la Cour.

Selon M. Wood, si Digicel-Haïti n’avait pas interféré avec la capacité d’UPM à revendre les services RLYH aux États-Unis, M. Wood suppose qu’UPM aurait atteint une part de marché de 15 pour cent en 2014, augmentant de cinq pour cent à chaque calendrier année jusqu’en 2021. . Cela, cependant, n’est pas la même chose que la « part de marché » d’UPM résultant du contournement dans le pays ou du RLYH sans interférence de Digicel-Haïti. Ainsi, le modèle de dommages alternatif de M. Castel est apparenté  au rapport de M. Wood, conclut l’ordonnance sur ce point précis.

Beaucoup se demandent , cependant, si Charles Castel , l’ex-gouverneur de la Banque de la République d’Haïti(BRH) , en servant aujourd’hui les intérêts de Digicel au Tribunal (Il n’y a aucun mal à cela) se souviendra aussi de ceux  de l’État haïtien dans son évaluation des dommages subis par cette dernière dans cette affaire l’opposant à UPM Technology aux USA ?

En particulier se rappellera t- Il des 5 cents/minute de l’État destinés au programme d’éducation dans son modèle de calcul de dommages-intérêts, c’est-à-dire le droit pour l’État haïtien de disposer de 21% des dommages-intérêts et punitions  qui pourraient être décidés par le Tribunal et le jury et réclamés à UPM Technology ?

Bref, aura t-il « l’audace » et le courage de signaler à l’attention du tribunal que Digicel-Haiti, même si elle est seule à porter plainte, n’est pas la seule entité à subir des préjudices et par conséquent à avoir droit à des dommages dans cette affaire ?

En tout cas, nous présenterons  dans un prochain texte les réponses faites par le tribunal aux différentes  requêtes présentées par Digicel-Haiti et UPM Technology et qui serviront de guide aux membres du jury qui doivent décider sur les réclamations de l’opérateur de téléphone mobile haïtien  lors de  la tenue de ce procès le 14 novembre prochain.

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