Vendredi 28 octobre 2022 ((rezonodwes.com))–
En septembre-octobre 1922, des dizaines de milliers de « chemises noires », les bandes armées du fascisme, se mobilisent dans une grande partie du pays, occupant villes et villages. Ils créaient une atmosphère propice à la prise de pouvoir de Mussolini en Italie.
Le fascisme italien
Benito Mussolini (1883-1945) est né dans une petite ville près de Bologne, dans le nord de l’Italie. Il était enseignant et a rejoint le PSI (Parti socialiste italien), où il est devenu rédacteur en chef de son journal Avanti ! Il a abandonné le parti lorsque le PSI a rejeté massivement la guerre inter-impérialiste. Le 23 mars 1919, il fonde les Fasci de Combattimento (groupes de combat), soutenus par des groupes armés et en uniforme (les « chemises noires »). Des élections sont organisées à la fin de cette année-là, mais aucun des candidats fascistes (y compris Mussolini lui-même) n’est élu. En septembre 1920, il y a eu une occupation massive des usines, principalement dans le nord.
La défaite de cette révolution ouvrière en Italie a ouvert la voie à Mussolini. Léon Trotsky a déclaré : « Le fascisme en Italie est le produit direct de la trahison par les réformistes de l’insurrection du prolétariat. Depuis la fin de la guerre, le mouvement révolutionnaire italien était en pleine expansion et, en septembre 1920, les travailleurs en étaient arrivés au point d’occuper des entreprises et des usines. L’écrasement du mouvement révolutionnaire a été la prémisse la plus importante du développement du fascisme. En septembre, l’offensive révolutionnaire du prolétariat est interrompue et en novembre, a lieu la première manifestation importante des fascistes (la prise de Bologne) ». (1)
Lors de l’année 1921, le fascisme ne cesse de croître, dans le feu des actions violentes des « squadristes « qui, armées de matraques, de couteaux et de revolvers, s’en prennent aux ouvriers et aux paysans, en particulier aux socialistes et aux communistes. Le nombre de membres est passé de 80 746 en avril à 217 256 en novembre. La croissance était rapide et le mouvement s’étendait de son cadre urbain d’origine dans le nord pour se répandre dans toute l’Italie.
En avril, le PSI (dont la majorité réformiste s’est retirée de la Troisième Internationale) signe un « pacte de pacification » avec les fascistes, ce qui encourage leurs bandes à agir et aggrave la confusion dans les rangs des ouvriers et des paysans. Dans les campagnes, ils se consolident en promettant aux paysans pauvres et aux travailleurs journaliers de leur céder des terres. Dans le même temps, ils renforcent leurs relations avec les « agrariens », riches paysans et propriétaires terriens, dont beaucoup font partie de la noblesse traditionnelle. Il comptait sur la passivité des carabiniers et la complaisance croissante de l’armée et du Vatican.
En juin, le parti national fasciste fait un bon score aux élections législatives. Mussolini est le député le plus voté à Milan et à Bologne. De plus, il faisait partie des dix personnes les plus votées dans tout le pays. La grande bourgeoisie, les banquiers et les industriels, les propriétaires agricoles et le roi Victor Emmanuel sont de plus en plus enclins à négocier avec le fascisme.
La marche vers le pouvoir, qui était à Rome.
En 1922, la plupart des villes du nord de l’Italie sont aux mains du fascisme. Mussolini pense déjà que le moment est venu d’exiger que le gouvernement lui soit remis. L’instrument pour y parvenir sera l’appel à la capitale, Rome. L’échec d’une tentative de grève générale appelée par la gauche en août l’enhardit. Il fixe aussi au 28 octobre la date du point culminant de la mobilisation de centaines de milliers de partisans dans les principales villes et l’occupation de Rome.
La soi-disant marche sur Rome a été précédée d’une prise violente planifiée de villes et de villages qui ont été violemment mis à sac par les « chemises noires » qui ont brûlé les imprimeries et les locaux socialistes, par exemple, et se sont retirés.
Avec des négociations fiévreuses, les fascistes ont exigé non seulement que Mussolini soit premier ministre, mais encore que les principaux ministères soient entre leurs mains. La pression sur Victor Emmanuel augmente. Son cousin, l’archiréactionnaire duc d’Aoste, lui répète depuis 1920 qu’il faut imposer une dictature anti-ouvrière et répressive semblable à celle de Horthy en Hongrie. La reine mère Marguerite de Savoie, veuve d’Humbert 1ᵉʳ, soutient les fascistes.
Le 27 octobre, le cabinet démissionne. L’échec d’une tentative d’ordonner l’état de siège accentue le vide. Autour de Rome, 70 000 hommes armés et impatients parcourent les rues. À Milan et dans tout le Nord, l’Association des banques (qui a rassemblé 20 millions pour soutenir la « marche sur Rome ») et la Confédération de l’industrie et de l’agriculture insistent sur le fait que la seule solution est Mussolini. Enfin, le dimanche 29 au matin, le Roi envoie le télégramme tant attendu : « S.M. le Roi, désireux de vous charger de former un gouvernement, vous demande de venir à Rome le plus tôt possible ». Mussolini, heureux et peu pressé, prendra ce jour-là le train de 20 heures pour la capitale. Il sera à Rome avant ses partisans. Alors, il a triomphé. En tout cas, pour maintenir l’épopée et la légende, quelques milliers de personnes seront autorisées à entrer, après trois jours sous la pluie.
La passivité et l’indifférence ont prévalu dans la majeure partie de la population. La plupart des antifascistes ne mesurent pas la gravité de la situation. Beaucoup pensent : « ils ne dureront pas plus de deux mois » (2).
Ce sont plus de vingt ans d’un régime féroce, répressif et anti-ouvrier, qui feront de l’Italie un allié du génocide nazi. Le 28 avril 1945, alors qu’il tentait de fuir en Allemagne, le « Duce » a été capturé et exécuté par des partisans (guérilleros) de la Résistance antifasciste. Son corps sans vie et celui de son amante Clara Petacci ont été exposés à Milan.
Mercedes Petit
Membre de l’Unité Internationale des Travailleuses et de Travailleurs – Quatrième Internationale (UIT-QI)
1.La lucha contra el fascismo en Alemania. Pluma, 1973
2. Angelo Tasca: El nacimiento del fascismo. Ediciones Ariel, Barcelona, 1969.
Pour les amateurs de bon cinéma, nous recommandons le film de 1962 « La marche sur Rome », réalisé par Dino Risi, avec Vittorio Gassman et Hugo Tognazzi.

