Église Épiscopale | Saisie d’armes : Le RNDDH exige toute la lumière autour de ce dossier

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Saisie d’objets illicites à la douane de Port-au-Prince : Le RNDDH exige toute la lumière autour de ce dossier

Vendredi 14 octobre 2022 ((rezonodwes.com))–

Sommaire

Pages

I.          INTRODUCTION                                                           2

II.         METHODOLOGIE                                                          2

III.       MISE EN CONTEXTE                                                     2

IV.       SUR LES FRANCHISES ACCORDEES PAR L’ETAT HAÏTIEN A DES INSTITUTIONS           3

V.         RECONSTITUTION DES FAITS                         4

a)   Faits précédents                                                                                                            4 b)   Scandale du 14 juillet 2022
       5 c)   Liste des objets saisis
        5 d)   Informations sur le Booking List et sur le Booking Ship                      
             6 e)   Identité des personnes indexées dans le scandale du 14 juillet 2022      7

VI.       ENQUETE MENEE AUTOUR DU DOSSIER                
               9 a)   Protection de certaines parmi les personnes indexées dans le dossier  10

b)   Déclarations du magistrat Jacques LAFONTANT                             11

VII.      COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS                                                12

I.          INTRODUCTION

Le  14  juillet  2022,  des  armes  et  des  munitions  ainsi  que  d’autres  objets  illicites vraisemblablement   couverts   par   la   franchise   accordée   par  l’Etat  haïtien  à  l’Eglise Episcopale d’Haïti, ont été saisis à la douane de Port-au-Prince.

Le caractère inédit de cette saisie ainsi que l’institution indexée ont retenu l’attention de la population en général et du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) en particulier qui depuis, a décidé de diligenter une enquête.

Aujourd’hui, trois  (3)  mois  après  cette  saisie,  le  RNDDH  estime  de  son  devoir  de partager avec l’opinion publique, les résultats de ses investigations.

II.        METHODOLOGIE

4.       Dans le cadre de cette enquête, le RNDDH s’est entretenu avec :

•   La Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) ;

•   Le parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince ;

•   Le propriétaire des containers dans lesquels se trouvaient les colis illicites ;

•   Des agents douaniers affectés à la douane de Port-au-Prince.

III.       MISE EN CONTEXTE

Depuis  l’avènement  au pouvoir  de  cette coalition  politique  dirigée par  le premier ministre de facto Ariel HENRY, la situation sécuritaire du pays s’est aggravée. Les bandits continuent de semer la terreur. Ils étendent leur territoire, s’adonnent ouvertement à des actes  attentatoires  aux  vies  et  aux  biens,  violent  des  femmes,  des  filles  ainsi  que  des hommes, sous le regard complice des autorités étatiques. Le pays ainsi que le pouvoir sont gangstérisés. Les gangs eux-mêmes se sont mis en coalition et s’imposent de plus en plus sur l’échiquier politique.

La population de son côté n’a jamais cessé de dénoncer les liens  de  complicité  qui existent entre les bandits armés et ceux qui dirigent le pays. Le trafic juteux des armes et des munitions est souvent revenu dans les débats d’autant plus que depuis un certain temps, l’évidence de la provenance des armes – en l’occurrence  les  Etats  Unis,  pour  la grande majorité, en passant par les ports – avait déjà été établie.

Le  1er   juillet  2022,  le  jour-même  de  l’installation  de  Julcène  EDOUARD  à  titre  de nouveau    directeur    général    de    l’Administration    Générale    des    Douanes    (AGD)    en remplacement de Romel BELL, une saisie spectaculaire d’armes à feu, de fusils de longue portée  ainsi  que   de  munitions   a   été   réalisée   à   la   douane   de   Port-de-Paix,   dans   le département  du  Nord-Ouest.  Pas  moins  de  cent-vingt-mille  (120.000)  cartouches  étaient réparties dans  cent-cinquante-sept  (157)  caisses.  Les  grossières  démarches  effectuées  par des autorités judiciaires en vue de faire éviter la prison à des personnes indexées dans ce dossier  ont  exacerbé  la  colère  de  la  population  qui  exige  pour  les  trafiquants  et  leurs complices, des sanctions proportionnelles aux crimes perpétrés par les bandits armés.

C’est dans  ce  contexte  où  le  dossier  de  Port-de-Paix  faisait  encore  des  vagues  –  en raison de l’arrestation du magistrat Michelet VIRGILE commissaire du gouvernement près le   Tribunal   de   première   instance   de   Port-de-Paix   d’alors  et   de   Maître   Robenson PIERRE-LOUIS, secrétaire général de la Fédération des Barreaux d’Haïti et membre influent du cabinet du ministre de la Justice et de la sécurité publique – que de nombreuses armes de long calibre, plusieurs boites de munitions, des faux billets de dollars américains ainsi que d’autres objets illicites ont été saisis.

Depuis, des fouilles et perquisitions, des arrestations ainsi que des convocations ont été réalisées ; des mandats d’amener et des interdictions de départ ont été émis, tout ceci, à grand renfort de publicité.

Au-delà de toute cette publicité, que faut-il retenir du dossier ?

IV.       SUR LES FRANCHISES ACCORDEES PAR L’ETAT HAÏTIEN A DES INSTITUTIONS

Les franchises douanières sont accordées en Haïti sur la base des dispositions de la Loi portant sur le Code des investissements modifiant le décret du 30 octobre 1989 relatif au code des investissements. Cette loi est encore appelée Code des investissements. Elle a été adoptée le 9 octobre 2002 et est parue dans le Moniteur du 26 novembre 2002.

La franchise accordée offre des avantages incitatifs aux investisseurs. En effet, selon l’article  19  du  Code   des   investissements,   une   attention   particulière   est   portée   aux entreprises tournées exclusivement vers l’exportation ou la réexportation. Il s’agit dans ce cas,  d’entreprises  évoluant  dans  les  champs   de  l’agriculture,  l’artisanat,  l’industrie nationale, le tourisme, et les zones franches.

Toutefois,  selon l’article 41  dudit  code,  des  bénéficiaires  évoluant  dans  des  champs autres que ceux susmentionnés peuvent aussi jouir de franchises douanières et/ou fiscales. Il s’agit de personnes physiques ou morales qui présentent des qualifications requises pour jouir de ces privilèges. Ces personnes sont réputées avoir des activités d’intérêt particulier pour  la  collectivité  en  raison  de  leurs  caractéristiques  propres,  de  l’importance  de l’investissement qu’elles requièrent, de la haute priorité attachée à leur réalisation, etc. Dans ces  cas, et toujours selon l’article 41, les conventions relatives  à  ces  franchises  précisent clairement quels avantages leur sont accordés ainsi que les obligations auxquelles elles sont assujetties.

Selon  l’article  45  du  code,  une  commission  interministérielle  des  investissements composée de hauts cadres techniques est créée. Elle compte :

•   Deux (2) représentants du Ministère de l’économie et des finances

•   Un (1) représentant du Ministère du commerce et de l’industrie

•   Un (1) représentant du Ministère du tourisme

•   Un (1) représentant du Ministère concerné, suivant le secteur et l’investissement visés

Cette commission a pour missions principales de :

•   Recevoir les dossiers et statuer sur l’éligibilité des entreprises, des personnes morales ou physiques ;

•   Statuer  sur  le  retrait  éventuel  d’avantages  accordés  dans  le  cadre  du  code  des investissements, en cas de non-respect des obligations légales ou administratives du bénéficiaire.

La   convention   de   franchise   mentionne   généralement   la   quantité   bien   précise d’objets – souvent dénommés marchandises par les agents douaniers – qui peut être importée au cours d’une même année fiscale. Dès que la quantité est dépassée, l’entreprise ou le bénéficiaire doit payer les frais de douane normalement.

De plus, la convention de franchise n’implique en aucune manière que les containers ne  soient  pas  vérifiés  par  les  agents  douaniers.  Cependant,  dans  la  pratique,  certaines institutions,  comme  l’église,  jouissent  d’une moralité  et  d’une  réputation  telles  que  les agents douaniers  ont pris l’habitude de laisser passer leurs containers, sans  vérifier leur contenu.

V.         RECONSTITUTION DES FAITS

a)  Faits précédents

Depuis  plusieurs  années,  l’Eglise   Episcopale   d’Haïti  bénéficie  d’une  franchise douanière.

Des agents rencontrés à la douane de Port-au-Prince dans le cadre de cette enquête, ont affirmé que cette franchise a été utilisée à plusieurs reprises par différentes entreprises, dont des entreprises commerciales et aussi par plusieurs personnes, n’ayant rien à voir avec des activités de culte.

En raison justement de cette situation, l’Eglise Episcopale d’Haïti commençait à ne plus jouir auprès de certains agents douaniers, de la réputation qu’elle avait. Par exemple, entre février et mars 2022, trois (3) containers sont arrivés au port de Port-au-Prince avec un Bill of Lading au nom de l’Église Épiscopale d’Haïti. Rappelons que le Bill of Lading est une liste détaillée de la cargaison d’un navire qui est remise par le capitaine, à la personne qui expédie les marchandises.

Des agents douaniers avaient alors catégoriquement refusé de signer les papiers pour le dédouanement des containers susmentionnés, parce-que le quitus de l’Eglise Episcopale d’Haïti était utilisé par trop de personnes.

De  plus,  le RNDDH a pu s’entretenir avec au moins un  (1)  agent  de  la  douane  de Port-au-Prince qui, depuis plus de quatre (4) ans, avait décidé de ne plus être impliqué dans le processus de dédouanement des colis au profit de l’Eglise Episcopale d’Haïti, en raison d’un soupçon de trafic de franchise.

Ainsi, à l’arrivée, au début du mois d’avril 2022 de ces trois (3) nouveaux containers objets  du  scandale  du  14  juillet  2022,  enregistrés  au  nom  de  l’entreprise  Rémy  Multi Services, il s’avéra impossible de les couvrir par la franchise de l’Eglise Episcopale d’Haïti.

Voilà donc ce qui va expliquer que finalement, le propriétaire du Rémy Multi Services ait  accepté  de  se  soumettre  à  la  vérification  des  containers  en  vue  de  payer  les  frais  de douane.

b)  Scandale du 14 juillet 2022

Au  début  du  mois  d’avril  2022,  trois  (3)  containers  sont  arrivés  à  la  douane  de Port-au-Prince au nom de l’entreprise Rémy Multi Services, appartenant à Rémy LINDOR. Ils  ont  été  entreposés  à  MEAD  CPS2.  Tout  de  suite  après  leur  arrivée,  le  processus  de dédouanement a été entamé.

Parallèlement,  des  rumeurs  sur  le  contenu  illicite  de  ces  containers  commençaient déjà à circuler. Et, en dépit de l’exhibition de la franchise douanière de l’Eglise Episcopale d’Haïti, deux (2) agents de la douane ont exigé la vérification desdits containers, en vue du paiement des frais de douane.

Après  de  nombreuses  démarches  infructueuses  pour  couvrir  les  containers  par  la franchise de  l’institution  susmentionnée,  Rémy  LINDOR  a  accepté  de  se  soumettre  à  la vérification exigée. La date du 14 juillet 2022 a donc été retenue pour la réaliser.

A cette date, Samson  FRANÇOIS  identifié 008-852-637-4, a été dépêché sur les lieux par  Rémy  LINDOR.  Aucune  anomalie  n’a  été  relevée  dans  le  premier  container  vérifié. Cependant, dès la vérification des premiers colis du deuxième container, des armes à feu ainsi que d’autres objets illicites ont été découverts. Ils se trouvaient dans huit (8) boites. Ceci va porter les agents de la douane à faire appel à la Brigade de Lutte contre le Trafic des Stupéfiants (BLTS) et à la Brigade de Recherche et d’Intervention (BRI) qui se trouvaient déjà sur les lieux, justement en raison des rumeurs susmentionnées.

A  la  découverte  des  boites  illicites,  Samson  FRANÇOIS  a  appelé  un  proche  pour  lui demander d’informer Rémy LINDOR  de la situation. De plus, Samson FRANÇOIS  a déclaré aux agents douaniers ainsi qu’aux policiers avoir été dépêché sur les lieux pour  assister uniquement à la vérification des containers. Il ignore par conséquent tout ce qui s’y trouvait.

Les  agents de  la douane  ont  dressé  deux (2) procès-verbaux  de  constat  distincts  en présence de Samson FRANÇOIS qui a assisté à toutes les vérifications ainsi qu’à la rédaction des procès-verbaux en question. Il a par la suite été arrêté et le Booking List saisi.

c)   Liste des objets saisis

Les  objets  saisis  se  trouvaient  dans  le  container  BMOU  610  3158  couverts  par  la déclaration  en  douane  E  174  31,  consignée  à  l’Église  Épiscopale  d’Haïti  ayant  pour représentant Gina Rolles JEAN-LOUIS identifiée au numéro d’agrémentation GR 0712-0242. Ce containeur est entreposé au MEAD CPS2.

Dans le premier procès-verbal, les objets suivants ont été constatés :

•   Dix-sept (17) fusils de calibre 556 et 762

•   Un (1) fusil à pompe de calibre 12

•   Quatre (4) pistolets de calibre 3 et 40 mm (1u)

•   Douze mille sept cent soixante-dix-neuf (12.779) unités de munitions de calibre 7,62

•   Quatre cent quarante-trois (443) unités de munitions de calibre 5,56

•   Mille trois cent-onze (1.311) unités de munitions de calibre 9

•   Cent-treize (113) unités de munitions de calibre 12

•   Soixante-huit (68) chargeurs de calibre 7,62

•   Soixante-trois (63) chargeurs de calibre 5,56

•   Neuf (9) chargeurs de calibre 4,9 de marque Olight

•   Un (1) viseur

•   Trois (3) étuis pour pistolet

Dans  le  deuxième  procès-verbal,  les  agents  douaniers  ont  affirmé  avoir  découvert cinq cents  (500)  billets  contrefaits  de  cent  (100)  dollars  américains  d’une  série  unique KP582470394 ainsi que neuf (9) cadenas pour armes à feu ont été mentionnés.

Le RNDDH n’a pu obtenir aucune information sur ce  que  renfermait  le  troisième container. Il n’a pu savoir non plus si des objets illicites y ont été découverts.

Tous  les objets saisis  ont  été confiés à  deux (2)  agents respectifs de la  BRI  et de la BLTS, désignés gardiens par les agents douaniers.

Le lendemain, soit le 15 juillet 2022, dans un communiqué, l’Église Épiscopale d’Haïti a   déclaré n’avoir  passé  aucune  commande  et  n’avoir  entrepris  aucune  démarche  de dédouanement de containers à la douane de Port-au-Prince, puisqu’elle n’attendait aucun produit  en  provenance  de  l’étranger,  pour  aucune  de  ses  institutions.  Cependant,  les rebondissements de l’affaire porteront plusieurs personnes à questionner la véracité d’une telle déclaration.

Parallèlement et tel que la Loi lui en fait l’injonction, le commissaire du gouvernement près  le  tribunal  de  première  instance  de  Port-au-Prince,  Me  Jacques  LAFONTANT  a  mis l’action publique en mouvement dans le cadre de ce dossier. Et, vu la complexité du dossier, il  a  décidé  de  donner  commission  rogatoire  au   Bureau  des  Affaires  Économiques  et Financières (BAFE) attaché à la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), aux fins de poursuivre l’enquête.

d)  Informations sur le Booking List et sur le Booking Ship

Tel que susmentionné, le Booking List est un document fournissant les informations sur les expéditeurs et destinataires des marchandises importées dans un container donné. De plus, il convient de souligner que le Booking Ship est un document qui fournit les détails sur tous les containers d’un navire, leur taille, leur nombre, la liste des expéditeurs de colis et des destinataires ainsi que leurs coordonnées.

En   chargeant   un   container,   le   propriétaire   reçoit   de   ses   clients   des   objets préalablement  cachetés  qu’ils  souhaitent  envoyer  en  Haïti.  Ils  déclinent  leurs  noms, prénoms, adresses et numéros de téléphones et fournissent aussi les informations relatives aux destinataires. Une fiche est alors conçue. Elle renseigne également sur le montant payé par l’expéditeur de la marchandise.

Dans le cadre du container à scandale, le Booking Ship comprenait quarante-trois (43) clients.

Et la fiche relative aux huit (8) boites dans lesquelles ont été trouvés les objets illicites mentionnés dans les procès-verbaux, fournit les informations suivantes :

•   Expéditeur                   : Fernand JEAN PIERRE

•   Bénéficiaire                 : Alerte ISAAC

•   Compagnie                  : Rémy Multi Services

•   No de la fiche              : 825379

•   Nombre de boites       : 8

Le  montant  total  payé  par  l’expéditeur pour  le  transport  et  le  dédouanement  des  huit  (8) boutes est de six-cent-quatre-vingt (680) dollars américains.

e)   Identité des personnes indexées dans le scandale du 14 juillet 2022

Au moins douze (12) personnes sont indexées dans le cadre de ce dossier. Parmi elles, seulement six (6) ont été arrêtées.

Personnes arrêtées

Les six (6) personnes arrêtées sont :

•   Gina Rolles JEAN-LOUIS

•   Lovenie LOUIS JEAN

•   Samson FRANÇOIS

•   Frantz COLE

•   Manion SAINT-GERMAIN

•   Jean Mary JEAN GILLES

Gina  Rolles  JEAN-LOUIS  est  une  commissionnaire  en  douane.  A  ce  titre,  elle  est chargée de faire le suivi du processus de dédouanement des containers. Selon ce qui a été rapporté au RNDDH, ce n’est pas la première fois qu’elle est sollicitée pour le compte de l’Eglise Episcopale d’Haïti.

Lovenie  LOUIS  JEAN  n’est pas broker  elle-même.  Elle travaille  à  Rebo  S.A.  Elle  est l’épouse du brocker agréé Steeve JEAN. Au contact de son mari, elle a appris le processus de dédouanement  de  containers. C’est donc Lovenie LOUIS  JEAN  qui  a  engagé  Gina  Rolles JEAN-LOUIS   comme  broker  pour  remplir  les  formalités  de  dédouanement  des  trois  (3) containers de Rémy LINDOR.

Samson FRANÇOIS a l’habitude d’effectuer de menus travaux pour le propriétaire des containers, Rémy LINDOR. Le 14 juillet 2022, il a été dépêché sur les lieux pour assister à la vérification des containers sur la base du Booking Ship – et de payer les frais de douane.

Frantz COLE est secrétaire exécutif diocésain de l’Eglise Episcopale d’Haïti. Il est le curé de la paroisse Notre Dame de l’Annonciation sise à la quatrième (4ème) avenue Bolosse.

Manion SAINT-GERMAIN travaille pour l’Eglise Episcopale d’Haïti à titre de messager.

Jean Mary JEAN GILLES est comptable pour le compte de l’Eglise Episcopale en Haïti.

Autres personnes indexées dans le dossier

Les six (6) autres personnes indexées dans le dossier sont :

•   Rémy LINDOR

•   Fernand JEAN PIERRE

•   Alerte ISAAC

•   Jean Mardochée VIL

•   Vundla SIKHUMBUZO

•   Fritz DESIRE

Rémy  LINDOR  réside  aux  Etats-Unis est  le  propriétaire  de l’entreprise Rémy  Multi Services ainsi que des containers qui transportaient les armes à feu, munitions et autres objets illicites.

Fernand  JEAN  PIERRE,  réside  aux  États-Unis. Il  est l’expéditeur des  huit  (8)  boites contenant les armes, munitions et autres objets illicites qui ont été saisis le 14 juillet 2022.

Alerte  ISAAC,  est  le  destinataire  des  huit  (8)  boites  susmentionnées.  Il  est  donc  la personne en Haïti chargée de recevoir les colis en question.

Jean Mardochée VIL est le président du Conseil permanent de l’Eglise Episcopale en Haïti.  Le  16  août  2022,  il s’est présenté à la DCPJ, sur convocation. Il a été auditionné pendant toute une journée. Après son audition, il a été invité à rentrer chez lui et devait aussi   apporter   certains   documents   aux   agents   qui   travaillaient   sur   le   dossier.   Les documents sollicités ont effectivement été acheminés à la DCPJ. Cependant, quelques jours après, il apprendra qu’un mandat d’amener avait été émis à son encontre en date du 13 août 2022, par le parquet de Port-au-Prince, soit trois (3) jours avant son audition par la DCPJ.

Vundla SIKHUMBUZO est un Zimbabwéen qui, par le passé, était chargé de rechercher et  de  lever  des  fonds  en  faveur  de  l’Église  Épiscopale  d’Haïti.  Il  menait  ses  activités principalement aux Etats-Unis, où il était basé. Par exemple, après le tremblement de terre de  2010,  il  était  impliqué  dans  tout  le  processus  de  levée  de  fonds  au profit de l’Eglise Episcopale d’Haïti. L’argent alors recueilli avait servi à réparer les bâtiments de plusieurs institutions de l’Eglise en question, qui avaient été endommagés.

En 2018, l’Église Episcopale aux Etats-Unis a mis fin à ses services en raison de son implication dans plusieurs scandales de corruption et dans un cas de violences conjugales.

Sur ce dernier cas principalement, il avait en effet battu sa femme avant de la brûler et de la   laisser  pour  morte.   En  dépit  de  ces  scandales   à  répétition  et  de  cette  tentative d’assassinat avec début d’exécution perpétrée le 5 mai 2017 à l’encontre de son épouse, de nombreux  prêtres  basés  en  Haïti  ont  continué  à  faire  appel  à  lui  pour  la  recherche  des bailleurs de fonds, en vue du financement de certaines activités sociales et humanitaires de l’Église.

Dans  le  cadre  de  ses  activités  quand  Vundla  SIKHUMBUZO  recevait  des  dons  pour l’Église, il s’occupait aussi du dédouanement des containers. C’est ainsi qu’il a eu accès à toutes les informations relatives à la franchise accordée à l’Eglise Episcopale d’Haïti.

Toutefois, devant son incapacité à faire couvrir  les  trois (3) containers du 14 juillet 2022 par la franchise de l’Eglise Episcopale d’Haïti, il a obtenu de Lovenie LOUIS JEAN la promesse  de  faire  les  suivis.  Et  cette  dernière  engagea  Gina  Rolles  JEAN-LOUIS  comme broker. Elles sont toutes deux (2) arrêtées dans le cadre de cette affaire.

Fritz DESIRE est un prêtre de l’Eglise Episcopale d’Haïti. Ancien président du conseil permanent de l’Eglise, il est l’actuel directeur du Collège Saint Pierre. Il a été convoqué par la  DCPJ  mais  ne  s’y  est  jamais  rendu.  Il  lui  est  reproché d’entretenir des liens avec des personnes  recherchées  par  la  DCPJ  pour  leur  implication  dans  le  trafic  international d’armes à feu et de munitions. Un mandat d’amener a été émis à son encontre.

VI.       ENQUETE MENEE AUTOUR DU DOSSIER

Depuis la saisie du 14 juillet 2022 effectuée à la douane de Port-au-Prince, plusieurs actions ont été posées par les autorités de police judiciaire et les autorités judiciaires.

Le 16 juillet 2022, la Brigade de Lutte contre le Trafic de Stupéfiants (BLTS) rattachée à la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) a opéré une perquisition à la résidence de Rémy LINDOR à Santo 17. Pour cette opération, pas moins de quatorze (14) véhicules de la  DCPJ  ont  été  mobilisés.  Et,  il  est  reproché  aux  nombreux  agents  qui  y  ont  participé, d’avoir emporté cinquante  (50)  gallons  de  gazoline  qui  étaient  entreposés  dans l’espace, cent-trente-cinq  mille  (135.000)  gourdes,  sept  cents  (700)  dollars  américains,  ainsi  que plusieurs autres objets trouvés sur les lieux dont des tennis, un couteau, etc. L’épouse de Rémy LINDOR  qui avait été interpellée dans le cadre de ce dossier, a été libérée le même jour.

Plusieurs   mandats  d’amener  ont  été  émis  dont   certains   à  l’encontre  de  hauts dignitaires de l’Eglise Episcopale d’Haïti.

Le  parquet  près  le  Tribunal  de  première  instance  de  Port-au-Prince,  dans  son réquisitoire d’informer signé par le magistrat Lucnase ETIENNE a décidé de mettre l’action publique  en  mouvement  contre  Samson  FRANÇOIS,  Gina  Rolles  JEAN-LOUIS  et  Lovenie LOUIS JEAN.

En date du 23 août 2022, le dossier a été transféré au cabinet d’instruction et confié au magistrat instructeur Chavannes ETIENNE.

Le 24 août 2022, sur ordre du magistrat Jacques LAFONTANT, une descente des lieux a été opérée au Collège Saint Pierre, à la recherche du directeur de l’établissement, Fritz DESIRE.

Le  23  septembre  2022,  toujours  sur  ordre  du  magistrat  LAFONTANT,  le  bureau diocésain de l’Église Épiscopale d’Haïti a été perquisitionné en l’absence d’un juge de paix et sans mandat de perquisition. Ce jour-là, des ordinateurs ainsi que le véhicule de fonction mis à la disposition du père Frantz COLE ont été emportés à titre de corps du délit.

a)  Protection de certaines parmi les personnes indexées dans le dossier

Rémy LINDOR, le propriétaire des containers, Fernand JEAN PIERRE, l’expéditeur des huit  (8)  boites  dans  lesquelles  les  armes  à  feu,  munitions,  faux  billets  et  autres  objets illicites  ont  été  retrouvés,  Alerte  ISAAC,  le  destinataire  des  boites  en  question  ainsi  que Vundla  SIKHUMBUZO   qui  entamait  les  démarches  frauduleuses  pour  le  dédouanement desdits  containers,  ne  sont  pas  inquiétés.  Pourtant,  le  RNDDH  ainsi  que  la  population haïtienne s’attendaient à ce que l’enquête menée autour de ce dossier s’étende jusqu’à eux. A date, il n’en n’est rien.

Et, c’est justement cette volonté de laisser les personnes susmentionnées en-dehors de  l’enquête  qui  permettra   au   RNDDH   de   découvrir   des  actions  d’interférence  du commissaire  du  gouvernement  près  le  Tribunal  de  première  instance  de  Port-au-Prince, Jacques  LAFONTANT  dans  l’enquête  judiciaire,  en  dépit  du  fait  que  le  dossier  ait  été transféré au Cabinet d’instruction.

Il  semble  évident  que  Vundla  SIKHUMBUZO  a  trafiqué  pendant  plusieurs  années  la franchise de l’Eglise Episcopale d’Haïti.  Ils sont en effet nombreux les agents de la douane de Port-au-Prince à avoir jugé suspect le fait que la franchise de l’institution était utilisée par plusieurs personnes morales et physiques, qui n’étaient aucunement impliquées dans des activités religieuses ou de culte.

Rémy  LINDOR  vit  à  West  Palm  Beach  aux  Etats-Unis,  dans  la  même  zone  que  des parents du commissaire Jacques LAFONTANT. Le 14 juillet 2022, après avoir appris que des objets  illicites  ont  été  découverts  dans  un  de  ses  containers,  Rémy  LINDOR  a  contacté  le magistrat  Jacques  LAFONTANT  et l’en  a  informé.  Ce dernier  lui a  conseillé  de  rencontrer l’ancien ministre de la Jeunesse, des sports et de l’action civique, Ronald D’MEZA qu’il lui a présenté comme étant un avocat, le seul d’ailleurs capable de le tirer du pétrin dans lequel il se trouvait.

Quelques heures plus tard, le sieur Ronald D’MEZA  a été rencontré dans son cabinet à  la  rue  Grégoire,  Pétion-Ville.  Cette  rencontre  s’est  déroulée  en  présence  d’un  avocat lui-même ancien commissaire du gouvernement près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince. Et, au cours de la conversation qui s’y est tenue, Ronald D’MEZA  a appelé au téléphone le magistrat Jacques LAFONTANT.

Le lendemain de cette rencontre, dans le courant de la journée, le sieur Ronald D’MEZA s’est rendu à la résidence privée du magistrat Jacques  LAFONTANT,  à  la  rue  Cassagnol. Cependant, il n’a pu le voir à ce moment-là.

Aux environs de vingt-deux (22) heures, le magistrat Jacques LAFONTANT s’est rendu lui-même à Vivy Mitchell, à la résidence de Ronald D’MEZA. C’est alors que ce dernier  s’ est formellement   constitué   pour   la   défense   de   Rémy   LINDOR.   Il   s’est  aussi   engagé   à, entre-autres :

•   Obtenir le plus rapidement possible, la libération de Samson FRANÇOIS ;

•   Remettre  à  leurs  destinataires  les boites qui n’avaient rien à voir  avec  celles  qui contenaient les armes, munitions, faux billets et autres objets illicites découverts par les agents douaniers.

Il a aussi été décidé  que Rémy LINDOR devait éviter de se rendre en Haïti pendant quelque temps.

Dix mille (10.000) dollars américains ont été réclamés pour la conduite du dossier. Le lendemain, la somme a été remise en mains propres au sieur Ronald D’MEZA. Il se trouvait alors à proximité de l’Eglise Shalom située à Delmas 33.

Enfin, il convient de souligner que, selon les informations recueillies par le RNDDH, la BLTS a remis le couteau qui avait été saisi dans le domicile de Rémy LINDOR au sieur Ronald D’MEZA qui en a informé la famille.

b)  Déclarations du magistrat Jacques LAFONTANT

Lors d’un entretien avec le RNDDH, le magistrat Jacques LAFONTANT a précisé qu’il s’agit de deux (2) dossiers dans une même affaire. Le premier dossier concerne des actes de contrebande,  de  blanchiment  des  avoirs  et  de  corruption.  Le  deuxième  concerne  le  trafic d’objets illicites. Les deux (2) ont été confiés au magistrat Chavannes ETIENNE.

Il a aussi affirmé que toutes les actions posées par son parquet dans le cadre de ces deux (2) dossiers sont conformes aux prescrits de la Loi haïtienne. Pour ce qui a trait à la perquisition effectuée au bureau diocésain de l’Eglise Episcopale d’Haïti après que le dossier a  été  transmis  au  cabinet  d’instruction,  il  a  expliqué  au  RNDDH  que  le  mandat  de perquisition avait déjà été émis par son parquet bien avant l’acheminement du dossier au cabinet d’instruction. Par conséquent, le retard enregistré dans l’exécution de ce mandat n’est pas imputable au parquet de Port-au-Prince. C’est donc, dans ce cas-là, la lenteur de la DCPJ qui est à blâmer.

De plus, il a nié avoir été en contact avec Rémy LINDOR ou tout autre membre de sa famille. Il ne lui  avait  pas  non plus  recommandé  le sieur Ronald D’MEZA  comme avocat. Cependant, il a souligné à l’attention du RNDDH que ce dernier est son cousin. C’est donc Ronald D’MEZA qui l’a informé du dossier. Et c’est ainsi qu’il a aussi appris que son cousin avait réclamé dix mille (10.000) dollars américains pour la conduite dudit dossier. Enfin, le magistrat LAFONTANT a affirmé avoir persuadé son cousin de ne pas se charger de ce dossier qu’il tenait lui-même à mener à bien, dans le respect des garanties judiciaires de toutes les parties impliquées.

VII.     COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS

Le dossier du 14 juillet 2022 relatif à la saisie d’armes, de munitions, de faux billets et d’autres objets illicites revêt  une  importance  particulière  notamment  en  raison  de  la détérioration continue de la situation sécuritaire et de la prolifération des armes illégales dans le pays.

Le RNDDH estime que ce dossier doit être traité de manière sérieuse et responsable pour aider, par la traçabilité des armes saisies, à l’arrestation de tous les délinquants et de leurs  complices  qui s’adonnent au  commerce juteux d’armes et de munitions sans  tenir compte  des  conséquences  meurtrières  de  ce  trafic  sur  la  population  haïtienne,  victime chaque jour d’actes attentatoires à sa vie et à ses biens.

Le RNDDH croit aussi que de manière sereine, une enquête sur l’intégrité de l’Eglise Episcopale d’Haïti doit  être  menée  et,  toutes  les  personnes  entretenant  encore  ou  ayant entretenu  un  lien  avec  cette  institution,  impliquées  dans  le  trafic  de  franchise,  doivent répondre de  leurs  actes  par-devant les autorités  judiciaires auxquelles  il reviendra  aussi d’établir leur implication dans le trafic d’armes et de munitions, à côté du trafic de franchise.

A date, l’enquête ne semble être menée que pour épingler l’Eglise Episcopale d’Haïti dans le trafic d’armes et de munitions. Cependant, le RNDDH estime qu’elle doit surtout être conduite à l’encontre des personnes directement concernées par la cargaison illicite qui a été saisie le 14 juillet 2022, en l’occurrence, l’expéditeur des huit (8) boites contenant les objets  illicites,  le  destinataire  ainsi  que  celui  qui  voulait  à tout prix  les faire sortir de la douane,  en  utilisant  la  franchise  de  l’Eglise Episcopale d’Haïti.  Il  s’agit  de  personnes dûment  identifiées  pour  lesquelles  les  autorités  judiciaires  détiennent  les  coordonnées. Elles ne doivent donc pas être mises de côté.

S’il  en  est  question,  la  responsabilité  ou  la  négligence  de  l’entreprise  Rémy  Muti Services dans le transport de ces objets illicites, doit être clairement établie par la Justice. De plus, l’implication ou non du propriétaire de l’entreprise susmentionnée, à savoir Rémy LINDOR,  dans  des  actes d’évasion fiscale et  de  corruption  doit  aussi  être  élucidée  car,  la tentative  d’utilisation  illégale  d’une  franchise  suppose  que  la  personne  qui  s’en  rend coupable ne veut pas payer les frais de douane. Dans le cas de Rémy LINDOR, ces frais de douane ont été prélevés dans le montant exigé aux expéditeurs de colis.

Le  RNDDH  croit  qu’il  était  insuffisant  de  la  part  des  agents  de  la  douane  de Port-au-Prince de seulement s’abstenir de s’impliquer dans les processus de dédouanement des colis de l’Eglise Episcopale d’Haïti, alors qu’ils soupçonnaient un trafic de franchise. Ils auraient dû en référer à la commission interministérielle des investissements qui, selon le Code   des   investissements,   est   principalement   chargée   de   statuer   sur   le   retrait   des avantages accordés aux institutions qui se rendent coupables du non-respect des obligations légales.

Le RNDDH condamne les actes d’interférence du commissaire du gouvernement près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince, Jacques  LAFONTANT dans ce dossier. En  effet,  en  recommandant  à  titre  d’avocat  le  sieur  Ronald  D’MEZA  au  propriétaire  des containers  et  en  continuant  à  mener  une  enquête  parallèle  alors  que  le  dossier  a  été transféré au cabinet d’un magistrat instructeur, il  a  outrepassé  ses  obligations  légales, constituant,   ce   faisant,   une   obstruction   à   la   manifestation   de   la   vérité.   Par   son comportement,  il  a  dirigé  tous  les  regards  sur l’Eglise Episcopale d’Haïti alors  que  des personnes clairement identifiées, entretenant des liens directs avec les colis illicites saisis, ne sont nullement inquiétées. Ainsi, à trop vouloir protéger ses amis, le magistrat Jacques LAFONTANT a abusé de son autorité.

Le RNDDH estime enfin que ce dossier fournit aux autorités judiciaires la possibilité de sévir rigoureusement contre des personnes impliquées dans  la contrebande et dans  le trafic d’armes, de munitions et de franchise douanière. Il est donc de nature à leur permettre de lancer des signaux clairs à tous contrevenants qui s’adonnent à ces crimes ainsi qu’aux bandits armés qui sèment la terreur dans le pays.

Le peuple haïtien a droit à la vérité dans cette affaire. Et, c’est la raison pour laquelle, le RNDDH recommande aux autorités concernées :

•   D’enquêter minutieusement  sur  ce  dossier  de trafic  d’armes, de munitions, de faux billets et autres objets illicites, de contrebande et d’évasion fiscale ;

•   De punir sévèrement tous ceux qui y sont impliqués, sans distinction aucune ;

•   D’enquêter sur le comportement du commissaire du gouvernement près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince, Maître Jacques LAFONTANT et d’étendre cette enquête sur le patrimoine de celui-ci ;

•   D’enquêter sur le comportement des agents de la DCPJ qui se sont adonnés à des actes de pillage et de vols lors des perquisitions réalisées dans le cadre de ce dossier.

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