Dr Emmanuel Menard :  »Haïti, un imbroglio mondial »

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Conjoncture politique | Haïti, un imbroglio mondial

par Dr. Emmanuel Ménard

Mardi 11 octobre 2022 ((rezonodwes.com))–

Haïti sombre dans le chaos et l’expertise internationale reprend du service avec son patient atypique, propre à recevoir du même personnel soignant pour son cas assez récurrent, le même protocole de traitement, les mêmes doses de médicaments mais bien sûr, avec un autre budget alléchant. Je ne suis pas en mesure pour le moment d’infirmer si les différentes crises haïtiennes n’ont pas généré plus cent mille emplois directs pour experts et soldats étrangers, de 1994 à nos jours.

Dans une pétition en date du 2 juin 2020 restée lettre morte que j’avais adressée à l’Honorable António  Guterres,  je  demandais  : «  …Pourquoi,  Monsieur  le  Secrétaire Général, je vous saurais gré de bien vouloir évaluer la politique des Nations Unies vis-à-vis  d’Haïti  depuis  environ  un  quart  de  siècle.  Jusqu’à  date,  les  différents remèdes  recommandés  ou  imposés  par  vos  officines,  n’ont  produit  aucun  effet salvateur; le cas empire sous vos yeux sans comprendre ou entendre les cris stridents d’un peuple en danger. Les amis d’Haïti doivent faire le choix lucide d’aider plutôt le peuple au lieu de soutenir un président…..” Rien n’a été corrigé et malgré leur appui inconditionnel  au  Président  de  l’époque,  cela  n’a  pas  pu  empêcher  l’assassinat crapuleux de Jovenel Moïse. Quel organisme aurait dû de façon régulière, évaluer et auditer les missions des Nations Unies pour éviter la catastrophe haïtienne?

C’est l’ancien Ambassadeur américain en Haïti James B. Foley qui affirme : “ Il ne fait  aucun  doute  que  les  puissances  étrangères  portent  la  responsabilité  des  causes profondes de bon nombre des maux contemporains d’Haiti : de l’histoire brutale du pays en tant que colonie d’esclaves de la France, à son imposition par la France d’une indemnité écrasante et à son traitement par les États-Unis pendant une grande partie du  19e  siècle.  Dans  de  telles  circonstances,  il  n’est  pas  étonnant  qu’Haiti  n’ait  pas réussi  à  développer  des  institutions  gouvernementales  fonctionnelles  et  l’état  de droit.” Douloureuses mais éclatantes affirmations d’un diplomate !

Le  8  août  2022,  l’Organisation  des  États Américains  a  publié  dans  un  copieux  et surprenant rapport dans lequel elle relate: “La crise institutionnelle que vit Haïti est le résultat  direct  des  actions  des  forces  endogènes  du  pays  et  de  la  communauté internationale. Les 20 dernières années de présence de la communauté internationale en  Haïti  constituent  l’un  des  échecs  les  plus  importants  et  manifestes  de  mesures mises  en  œuvre  et  d’action  de  coopération  internationale  que  ce  soit…  Sous  le parapluie  de  la  communauté  internationale,  les  bandes  criminelles  qui  assiègent aujourd’hui  le  pays  et  son  peuple  ont  fermenté  et  germé,  sous  ce  parapluie  le processus  de  désinstitutionnalisation  et  de  crise  politique  que  nous  connaissons aujourd’hui à germé et couvé…Une communauté internationale qui n’a jamais su si

elle  devait  laisser  la  Minustah  ou  l’emporter,  une  communauté  internationale  qui croyait  qu’en  payant  ses  propres  consultants  elle  résoudrait  les  problèmes  des Haïtiens…”   Des   millards   de   dollars   ont   été   dépensés   sans   aucun   résultat. Aujourd’hui,  les  mêmes  acteurs  internationaux  face  à  la  crise  qui  perdure,  ne changent pas de posture. Ils n’acceptent aucune solution haïtienne sans Ariel Henry  à la tête d’un gouvernement qui ne répond que de lui-même, sans Chef de l’État, ni de Pouvoirs Parlementaire et Judiciaire fonctionnels. Est-ce un soutien à la démocratie ou à un homme ?

Et   voici   que   ce   Premier   Ministre   ni   ratifié   par   les   chambres   législatives,   ni assermenté, confisque tous les pouvoirs d’État,   conspué par la grande majorité de toutes les composantes de la Nation et de la diaspora, avec la complicité d’un conseil de ministres par lui nommés, sollicite   officiellement une tutelle internationale pour garder le pouvoir. Et rapidement , il y a une agitation dans les couloirs diplomatiques et l’on cherche des troupes pour l’humanitaire en Haïti. Si le kidnapping, le viol et les massacres avaient laissé insensibles nos éventuels tuteurs, la crise du carburant et la brusque recrudescence du choléra ont pu mobiliser ceux qui, hier encore, prônaient la tenue d’élections en pleine terreur des gangs armés. Quelle compassion soudaine !

Somme toute, la situation dangereuse de la République d’Haiti complique davantage la tâche de la communauté internationale qui cherche un moyen de s’en sortir même si  le  problème,  comme  d’habitude,  n’est  pas  résolu.  Une  force  militaire  serait  un palliatif   pour   désamorcer   cette   bombe   au   cœur   des  Amériques   et   à   quelques encablures  des  côtes  de  la  première  puissance  mondiale.  Il  faut  éviter  un  flot important de migrants haïtiens offrant le spectacle agaçant de petits bateaux bondés d’infortunés,  bravant  des  océans  hostiles,  à  la  recherche  de  cieux  hospitaliers.  Les actions  improductives  de  la  diplomatie  à  travers  l’OEA et  l’ONU  depuis  plusieurs décennies  ont     provoqué  un  effritement  de  la  crédibilité  de  grandes  démocraties occidentales  comme  les  États-Unis,  la  France  et  le  Canada  qui  sont  pour  nous  des partenaires privilégiés. A se demander si leurs faux-pas dans le dossier haïtien ne sont pas l’œuvre néfaste de puissants lobbyistes exécutant un plan raciste de destruction de  la  Première  République  Nègre  et  des  menées  souterraines  -qui  sait-  d’agents doubles sur le terrain, travaillant dans le but de déstabiliser la région et de discréditer leurs actions à des fins idéologiques et géopolitiques; ce qui présenterait la gestion du cas  haïtien  comme  un  ÉCHEC  de  leur  politique  étrangère  et  même  créer  un HAÏTIGATE,  avec  des  relents  de  soupçon  de  grande  corruption.  Cela  mériterait d’être largement exploré.

Alors, que faire?

Les  citoyens  sont  divisés  sur  la  question  d’une  intervention  militaire  telle  que souhaitée  par  le  Premier  Ministre  Ariel  Henry  pour  se  maintenir  en  fonction  et étouffer  du  coup,  la  grande  colère  populaire. Au  delà  de  l’illégalité  flagrante  de  sa demande, tout le monde connaît les motivations mesquines du gouvernement. Et je suis  totalement  contre  cette  flétrissure  par  une  occupation  étrangère  déguisée.  A l’analyse  des  faits,  je  garde  ma  position  initiale  maintes  fois  exprimée  clairement dans  les  publications  de  mon  Parti  FORCE  LOUVERTURIENNE  RÉFORMISTE, aujourd’hui membre du Groupe de Concertation Politique.

Pour   faire   face   immédiatement   à   la   situation,   Haïti   a   besoin   d’une   réelle COOPÉRATION   MILITAIRE   bilatérale   ou   multilatérale,   afin   de   renforcer   ses structures de sécurité jadis démantelées. L’embryon de l’armée et la police civile en place actuellement ne peuvent pas faire face aux défis du moment avec les effectifs et les  armements  dont  ils  disposent.  De  plus,  le  problème  n’est  pas  exclusivement militaire;  il  est  politique,  social  et  économique.  Toutes  nos  crises  sont  nées  au lendemain  d’élections  frauduleuses  ou  contestées,  tenues  pourtant  sous  la  haute supervision   de   la   communauté   internationale   depuis   l’inscription   des   électeurs jusqu’à la proclamation des résultats. Donc, il faut revoir complètement la vision qui a  toujours  conduit  la  gouvernance  des  périodes  transitoires  successives.  Aucun Président même élu démocratiquement ne pourra réussir à stabiliser le pays avec ce même  système  mafieux  et  cette  même  ingénierie  politique  de  l’administration  de l’État.  La  Nation  haïtienne  à  travers  la  jeunesse,  la  paysannerie,  la  diaspora  et  les élites encore saines, prône la création d’un autre État capable de définir une nouvelle vision  de  la  gouvernance,  de  réduire  les  inégalités  sociales  criantes  et  redonner confiance à la population dans ses institutions républicaines et démocratiques. Haïti est donc prête pour sa RÉVOLUTION TRANQUILLE – comme l’a fait le Québec au Canada dans les années 60 – qui doit passer par une reconversion de la mentalité, la modernisation de son économie, son système éducatif, ses structures de production, ses infrastructures sociales, sportives et culturelles, son mode de vie dans le respect de la loi et de la morale.

La société est globalement en dérive et les tenants du STATU QUO ont perdu même la capacité de soutenir l’infamie des temps anciens.

Pour sortir de ce marasme tout de suite, si la communauté internationale veut nous apporter  une  contribution  effective,  qu’elle  favorise  l’émergence  d’une  nouvelle Gouvernance  Transitoire  avec  au  MENU:  le  rétablissement  de  la  sécurité,  des mesures   conservatoires   contre   l’impunité,   la   corruption,   les   trafics   illicites, l’assainissement  des  finances  publiques  et  de  l’administration  générale,  la  création d’emplois par un investissement massif de capitaux frais et enfin, la mise en place de conditions acceptables pour arriver à l’organisation d’un scrutin démocratique et le rétablissement de l’ordre constitutionnel.

Il  ne  suffira  qu’une  conscience  patriotique  et  une  volonté  de  la  communauté internationale.

La Force Louverturienne Réformiste reste attachée aux revendications légitimes de la population et est prête à s’engager patriotiquement dans tout PROJET NATIONAL. En politique, tout est négociable, sauf l’honneur et la dignité d’un peuple.

ENSEMBLE MAINTENANT !

Ce 10 octobre 2022

Emmanuel Ménard

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