Internet et la déspatialisation de la proximité : Paradoxe du lointain proche et du proche lointain

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Paradoxe du lointain proche et du proche lointain…

par Camille Loty Malebranche

Vendredi 30 septembre 2022 ((rezonodwes.com))–

L’internet nous met en présence d’une autre catégorie de proximité par rapport à la proximité classique (géographique et physique) des êtres humains. Il s’agit de fait de la possibilité d’une multilocation virtuelle nous donnant pignon sur la planète et ses habitants au hasard des contacts.

Mon voisin de ville voire de palier que je ne rencontre qu’au hasard des côtoiements, tout en étant mon proche peut m’être lointain si jamais notre avoisinement se borne à de banales salutations indifférentes ou au silence. Ceux qui sont proches par l’espace immédiat, ne sont pas forcément des proches, c’est même un truisme que de le rappeler! Dans le même temps, mon abonné de blog qu’il soit allemand, algérien, russe, britannique… que je n’ai jamais perçu sur mon chemin physique, est mon proche auditeur ou interlocuteur par la communication des idées. Une proximité idéelle permise par un virtuel qui excède ses propres contours de virtualité à travers la vérité bien factuelle des contacts.

Ainsi, le cyberespace fait naître un grand paradoxe où se chevauchent deux types de proximités, la proximité classique et la proximité électronique. Laquelle proximité électronique refonde la sémantique du proche et du lointain vu que l’éloignement que je nomme proximitaire, peut surclasser parfois en intensité la plus forte proximité classique qui se voit relativisée par sa rivale électronique malgré l’appellation et le statut dits virtuels de cette dernière. Force est de souligner que la proximité électronique s’érige aussi pleinement effective et puissante que la classique selon la contingence des compatibilités et des tendances idéelles qui appellent, rapprochent et lient les intelligences, soudant des perceptions et conceptions devenues communes des internautes par les partages individuels ou collectifs au gré des cas et des usages.  


Proximité idéelle et cyberespace.
 

Je ne suis vraiment proche que de l’interlocuteur capable de partager avec moi, les hauteurs de ma pensée et la profondeur de ma vision. La banalité est lassante et le papotage éreinte l’esprit! Ainsi, pour celui qui fait du cyberespace, un lieu de l’échange intellectuel et du partage idéel, la proximité s’étend indifféremment à sa location physique, à l’hyperlocation technologique (cette location par-delà l’espace physique) que je suis malaisé de dire virtuelle. Car mon abonné de blog qui me rend visite en passant par ma ville et que je reçois dans un café pour continuer de visu le bel échange des idées, n’est pas virtuel, c’est un ami vrai, un humain qui s’ajoute au cercle restreint de mes proches. Un humain qui, au gré des possibles, passe du proche lointain au proche tout court.

Pour le penseur, la proximité – cette  vivacité de la rencontre saine qui n’est ni intimité ni promiscuité – se situe loin des ambiguïtés malsaines et envahissantes des faux rapports humains. Force ici est de signaler que, paradoxalement, certaines intimités ne garantissent pas la proximité. Une partenaire de couple peut m’être une parfaite étrangère, vivant à des années-lumière par son éloignement mental malgré nos ébats de corps! La proximité est avant tout univers de liens idéels et de weltanschauung partagée; et, les rencontres de proches par les idées que permet parfois le virtuel, sont l’heureuse extension de la proximité interhumaine dans notre société grotesque et grossière d’incommunication. Notre société vilement matérialiste, faraude avec sa prétendue civilisation, une civilisation prétentieuse mais barbare par la bassesse intéressée déshumanisante des relations humaines qu’elle dévie! La communication électronique entre interlocuteurs intelligents compatibles, surtout par les blogs, compense un peu leur éloignement physique et offre une alternative à la médiocrité envahissante d’une certaine presse, à la grivoiserie médiatisée de l’idéologie mercantile, aux fatras du populisme culturel, à la politicaillerie agressante dans les nouvelles. Échanger et penser avec des amis lointains mais idéellement proches, fait oublier la hideur permanente des ignares au pouvoir et de bien d’autres crapules systémiques et ordures populacières sous-produites de notre beau monde civilisé…

Qu’elle vienne du virtuel ou du mode classique des côtoiements, la vérité de la proximité tient des valeurs humaines et de leur stade d’affinité qui font qu’une rencontre deviendra une relation à degrés divers : banale, amicale, sentimentale… 

La contingence des rencontres avec son rejet des malencontres par les choix de communication, est donc aujourd’hui multipliée par l’extension des proximités, la formidable aisance de ce qu’il convient d’appeler l’hyperprésence multilocatoire des humains en leurs interlocutions et interactions à distance que rend possible la technologie malgré l’impossible ubiquité humaine.  


CAMILLE LOTY MALEBRANCHE


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