Edito de Haïti-Observateur: L’assassinat horrible de l’ex-sénateur Buissereth, la dernière goutte d’eau !

0
1060

Le pays se trouve, définitivement, sous l’empire de la mafia, les forces de l’ordre sont en retrait et les dirigeants absents. Il a cruellement besoin de leaders sérieux, compétents et imperméables à la corruption.

La neutralisation des gangs armés reste l’objectif numéro un de vraies autorités. Mais celles présentement en place n’ont aucune volonté de mener à bien une telle entreprise. Il est temps de prendre le taureau par les cornes : Ariel Henry n’a pas sa place à la primature !

Jeudi 25 aout 2022 ((rezonodwes.com))

Les assassinats, les kidnappings et autres actes criminels commis par les gangs armés ponctuent la vie quotidienne, en Haïti. Il semble, depuis quelque temps, que les bandits prennent pour cibles les hauts gradés de la Police nationale. L’exécution sommaire d’un cadre de l’administration Ariel Henry, doublé d’un ex-sénateur de la République, constitue la dernière goutte d’eau qui fait déverser le vase. Car ce forfait porte la criminalité battant son plein, à travers la République, à une dimension encore plus inquiétante. Les autorités ne semblent pas prendre au sérieux la stratégie des bandits, qui ne cessent de rogner les pouvoir de l’État.

Ancien représentant du département du Sud, au Sénat de la République, Yvon Buissereth, directeur général de l’Entreprise publique de logements sociaux (EP PLS), a été tué à Laboule 12, par des membres du gang dirigé par Ti-Makak, dans des conditions non encore élucidées. Mais les rapports de presse concordants font état d’une attaque qu’a essuyé le véhicule dans lequel il se trouvait avec son chauffeur.

Ce dernier a connu le même sort que lui. Criblés de balles, dans un premier temps, leurs corps sans vie ont été ensuite brûlés sur place, le plus naturellement du monde. C’est désormais la façon d’agir de ces criminels, qui prennent le temps nécessaire pour commettre de tels crimes, assurés qu’ils sont que personne ou rien ne viendrait interrompre la commission de leur crime. Ce dernier assassinat crapuleux est réalisé dans les mêmes conditions que celui de l’inspecteur de Police Réginald Laleau, dans la commune de Croix des Bouquets, le dimanche 24 juillet.

Saisi par des criminels, alors qu’il assistait au service dominical, à l’Église Assemblée de Dieu de Meyer, M. Laleau a été tué, à la vue de tous, avant que son cadavre ne soit mutilé, ensuite emporté par ses assassins, qui ont également volé son véhicule. Il semble que le rôle des autorités policières se limite uniquement à confirmer de tels actes, le porte-parole de la Police nationale, Gary Desrosiers, en assure-t-il la responsabilité, précisant que l’inspecteur était âgé de 45 ans.

La liste des victimes de la série noire ne cesse de s’allonger, depuis quelques semaines, l’assassinat-exécution de l’ex-sénateur Buissereth en est la dernière en date. Vu l’inaction des autorités et la détermination criminelle des malfrats, de telles violences sur les citoyens sans défense, toutes catégories sociales concernées, risquent de s’intensifier.

Le phénomène du kidnapping, qui s’est installé progressivement, en Haïti, principalement dans les communes de Port-au-Prince, ainsi que d’autres crimes faisant l’apanage des bandits, s’est développé parallèlement avec les assassinats. Ces deux derniers crimes traduisent le caractère systématique et omniprésent de telles activités des gangs. Les assassinats de l’ex-sénateur Yvon Buissereth et de l’inspecteur Réginald Laleau ont été précédés d’autres exécutions perpétrées de la même manière.

Nonobstant les opérations policières menées contre des foyers de bandits, dont certains ont été abattus et d’autres arrêtés, ces derniers ne se laissent pas « intimider ». Les raids punitifs orchestrés dans leurs fiefs par la PNH ne contribuent en rien à réduire leur acharnement sur les citoyennes et citoyens. Leurs victimes tombent par douzaines. Parmi elles se trouvent des policiers, des hauts gradés de la Police, ainsi que diverses autres catégories de la société. Mais, les personnes liées à l’institution policière sont devenues, ces derniers temps, les cibles privilégiées des malfrats. Sans doute en guise de représailles contre les opérations musclées menées contre eux par les forces de l’ordre.

Il faut maintenant se demander si l’assassinat de M. Buissereth, qui résulte de l’attaque orchestrée par les hommes de Ti-Makak, donne le signal de la décision des gangs armés d’étendre leur offensive prioritairement sur les hauts fonctionnaires de l’administration publique.

Le pays se trouve, définitivement, sous l’empire de la mafia, les forces de l’ordre sont en retrait et les dirigeants absents. Il a cruellement besoin de leaders sérieux, compétents et imperméables à la corruption, non seulement pour le sortir de cette situation infernale, mais aussi pour assurer son retour aux normes constitutionnelles et son heureux cheminement sur la voie de la démocratie.

De toute évidence, ce constat est général, car les interventions publiques fusent de toutes parts appelant à un redressement, immédiat et urgent, de la situation. Mais ces appels sont dirigés sur des leaders qui ne voient et n’entendent rien, inspirant l’idée qu’ils sont partie prenante de la descente aux enfers du pays.

Certes, tout le monde s’alarme de la situation et invite les dirigeants à prendre des mesures appropriées pour neutraliser complètement les criminels. Toutefois, ils passent tous à côté de l’unique solution susceptible de rétablir un climat sécuritaire sur toute l’étendue du territoire national.

En effet, l’ex-président intérimaire Jocelerme Privert a tweeté : « L’assassinat lâche et crapuleux du sénateur Yvon Buissereth et de son chauffeur est un de trop. Cet acte bar-bare et inhumain est révoltant. Tout en présentant mes sympathies à sa famille, ses proches, mes anciens collègues du Sénat, j’exhorte les autorités à tout mettre en œuvre pour permettre au pays de retrouver la voie de la paix, de la sta-bilité et du progrès ».

Intervenant, à son tour, sur ce même dossier, Joseph Lambert, président du tiers restant du Sénat, s’exprime en ce sens : « Il ne suffit pas de condamner l’assassinat bru tal de l’ancien sénateur Yvon Buissereth. Il faut agir pour freiner le train de l’insécurité ». Et il enchaîne avec cette phrase : « Je ne veux plus déplorer ni condamner. Il faut des actes concrets pour mettre fin aux activités des bandes criminelles dans le pays ».

Pour sa part, le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) a émis un communiqué daté du lundi 2 août, dans lequel est tiré la sonnette d’alarme sur les gangs armés. Le document du BINUH expose les crimes des bandits, notamment leur emprise sur le pays.

En effet, l’organisme mondial souligne que du 24 avril au 16 mai, 92 citoyens ont été tués. En même temps, dit encore le BINUH, 96 membres des gangs ont trouvé la mort, dans les affrontements, tandis que 120 personnes ont été blessées par balles. « Bien que Port-au-Prince ait connu une forte augmentation de la violence armée depuis 2018, le nombre d’affrontements dans ces communes a été extrêmement lourd et a rarement été documenté en si peu de temps dans l’histoire récente du pays ».

Selon le BINUH, l’impact de la violence des malfrats sur la population est immense. Les cas de violence sexuelle se sont multipliés, tandis que, au moins 16 000 personnes avaient dû fuir leurs résidences, qu’ils ont troqués pour des logements de fortune ou pour se réfugier chez des proches, à la capitale, ou encore auprès d’autres parents, en pro-vince.

Le BINUH met aussi en évidence la cruauté caractéristique des gangs, qui n’ épargnent personne. Aussi souligne-t-il, dans ce rapport : « Armés de fusils d’assaut, mais aussi de machettes et de barils d’essence », ils sont sans pitié. Il dit en outre : « Des femmes et des enfants dès l’âge d’un an ont été exécutes chez eux et leurs corps brûlés. Des enfants d’à peine dix ans, accusés de donner des informations à des groupes rivaux, ont été abattus dans des lieux publics ».

Afin que nul ne prétende ignorance, le communiqué, du BINUH cite nommément les groupes responsables de ces crimes : « Chen Mechan et 400 Mawozo et leurs alliés respectifs, le G9 en famille et alliés et le ‘ G-Pèp ’ ». Au bout du compte, le BINUH dénonce, sans indiquer comment venir à bout des gangs armés. C’est aussi l’approche des intervenants haïtiens, qui se contentent uniquement de dire que l’ultime offensive soit lancée en vue de vaincre définitivement ces criminels.

Totalement absent, ou faisant semblant de donner une réponse proportionnelle aux actes des gangs armés, promesse qui restera lettre morte, le Premier ministre de facto et son équipe, n’ont pas les reins suffisamment solides pour imposer la loi et l’ordre. À l’instar des policiers, des hauts gradés de la PNH et des citoyens, qui ont été exécutes horriblement, ou simplement tués, par les bandits armés, le cas du directeur général du EPPLS sera vite oublié. Ariel Henry a d’autres préoccupations, dont se maintenir au pouvoir, à tout prix, est la première.

L’assassinat de l’ex-sénateur Yvon Buissereth est bien la dernière goutte. Aucun doute, la neutralisation des gangs armés reste l’objectif numéro un de vraies autorités. Mais celles présentement en place n’ont aucune volonté de mener à bien une telle entreprise. Il est temps de prendre le taureau par les cornes : Ariel Henry n’a pas sa place à la primature !

NB- Cet édito a été publié dans l'édition du 10 au 17 aout 2022, bien avant l'assassinat crapuleux des deux sueurs et de leur mère à Cité Doudoune, Tabare, le week-end dernier. Les funérailles du sénateur Buissereth sont prévues pour le samedi 27 aout , dans la ville des Cayes.

Haiti-Observateur | VOL. LII, No. 31 New York: Tel : (718) 812-2820; • Montréal (514) 321-6434; • Port-au-Prince: (011 509) 223-0785 • Paris (33-1)43-63-28-10

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.