par Wisly Joseph
Vendredi 19 aout 2022 ((rezonodwes.com))–
Après la proclamation de l’indépendance le premier janvier 1804, les premiers gouvernements haïtiens ont fait de l´immigration des Noirs l’un des principaux piliers de leur politique externe.
Peu après la consolidation de l ́indépendance, l’une des premières décisions de la politique étrangère de Jean Jacques Dessalines fut de favoriser le retour des esclaves noirs, mulâtres et indigènes qui se réfugient aux États-Unis avec leurs maîtres pendant la révolution, entre 1791 et 1804, et promettaient aux capitaines des navires états-uniens: “la somme de quarante (40) piastres pour chaque individu qu’ils pourront ramener au pays”.
Acte du 14 janvier 1804 : « Le gouverneur général, considérant qu’un grand nombre de Noirs et d’hommes de couleur supportent, aux États-Unis toutes sortes de privation parce qu’ils n’ont pas les moyens de retourner en Haïti, décrète qu’il sera compté aux capitaines de navires américains, la somme de quarante piastres pour chaque individu qu’ils pourront ramener dans le pays. Ce décret sera imprimé, publié, aussitôt expédié, et une copie en sera immédiatement envoyée au congrès des Etats-Unis ».
Henry Christophe et Alexandre Pétion ont poursuivi cette politique internationale et ont promis de payer le transport de tout migrant noir qui ferait le voyage des États-Unis vers Haïti. Jean-Pierre Boyer, pour sa part, l’étendit à tous les Noirs du monde entier qui voudraient venir vivre en Haïti. Ce fut sous son gouvernement que les afro-américains se sont vraiment installés dans la première république noire.
Dans les années 1850, plusieurs militants noirs étaient convaincus qu’Haïti était le “lieu idéal” où ils pouvaient vivre avec fierté. L´évêque afro-américain James Theodore Holly était l’une des figures emblématiques du projet de l’émigration volontaire en Haïti, il croyait que la révolution et l’histoire d’Haïti justifiaient la “capacité de la race noire” à « s’autogouverner« . Il a soutenu l´idée selon laquelle l´émigration volontaire vers Haïti permettait aux afro-américains d´éviter la discrimination galopante des blancs anglo-saxons et de retrouver leur dignité et leur fierté.
Ainsi, entre 1830 et 1860, environ dix mille (10 000) noirs américains sont venus en Haïti en quête de libération. La première république noire a été un refuge pour tous les opprimés du monde entier. Cependant, la plupart des Noirs qui avaient tenté l’aventure haïtienne n’étaient pas armés pour y faire face. Se plaignant d’une sorte de “choc des civilisations” (langue, religion, culture, éducation) auquel ils n’étaient pas préparés pour affronter.
Aujourd’hui, Haïti devient un pays faible, sans autorité morale ou physique, les massacres, les cas d’assassinats, de kidnappings, de viols, de vols sont très répétés. De plus, les immigrants haïtiens sont noyés et humiliés presque partout. Pourtant, quelques années après l’indépendance, le pays a été un lieu idéal de rassemblement et de reconstruction de l’identité africaine pour des millions de noirs au monde.
SOURCES
ETIENNE, Eddy V. La vraie dimension de la politique extérieure des premiers gouvernements d’Haïti (1804-1843) / Sherbrooke, Québec, Canada Éditions Naaman, 1982. 188p.
FOUCHARD, Jean (2017). Histoire d’Haïti (1804-1990). Tome II. Éditions Henri Deschamps Port-au-Prince, Haïti.
ROSE-MIE, Léonard (2003). L’indépendance d’Haïti perceptions aux États-Unis, 1804-1864. In: Outre-mers, tome 90, n°340-341, 2e semestre. Haïti Première République Noire. pp. 207-225.
BOURHIS-MARIOTTI, Claire (2015). Vers l’établissement d’une ‘nationalité noire’ ? Le rêve haïtien de James Theodore Holly. IdeAs [En ligne], 6 | Automne/Hiver 2015, mis en ligne le 08 décembre.
