New York Times : La puissance de la banque est telle qu’un président haïtien demande ouvertement si son pays n’a pas renoncé à son indépendance
La participation du Dr. Ariel Henry, au « Sommet des Amériques », sans commenter le rapport de New York Times, serait à prendre très au sérieux.
Mercredi 25 mai 2022 ((rezonodwes.com))-Aucun organe de presse haïtienne constitué de journalistes libres et indépendants et anti-corruption, ne finira jamais de décortiquer le fameux article de New York Times sur l’origine de la misère affreuse et accablante d’Haiti, pays exploité puis traité en parent pauvre par les Etats-Unis et la France, en particulier en 1825, 1910, 1914, 1915 et jusqu’à aujourd’hui.
Au début du 20ème siècle, Haïti est à la croisée de multiples intérêts américains. La mer des Caraïnes le sépare du canal de Panama, alors en construction. À l’est, les États-Unis viennent d’annexer l’île voisine de Porto Rico et, à l’ouest, les plantations sucrières cubaines sont inondées de dollars américains. En République Dominicaine, qui partage la même île qu’Haïti, les taxes sur les importations et exportations sont également sous contrôle américain.
La France exerce toujours une grande influence en Haïti, mais les États-Unis saisissent en 1910 une opportunité d’y prendre pied : la refonte de sa banque nationale.
Cette banque n’a de nationale que le nom. Contrôlée par un conseil d’administration basé à Paris, elle a été fondée en 1880 par une banque française, le Crédit Industriel et Commercial, ou CIC, et génère des profits faramineux pour ses actionnaires en France. Le CIC contrôle le Trésor public d’Haïti — le gouvernement ne peut ni déposer ni retirer de fonds sans verser de commissions — et les autorités haïtiennes finissent par accuser la banque nationale de fraude et faire emprisonner certains de ses employés.
Pour parer à la méfiance croissante des Haïtiens à l’égard de la banque nationale, les investisseurs français et allemands décident de la refonder avec un nouvel actionnariat. Les États-Unis crient au scandale. Pour le département d’État américain, cette initiative menace non seulement les États-Unis, mais aussi la prospérité et l’indépendance du peuple haïtien.
Un haut fonctionnaire du département d’État fustige en 1910 cet accord “si défavorable aux intérêts américains, si méprisant de la souveraineté d’Haïti” qu’il ne saurait être autorisé par les États-Unis.
Le secrétaire d’État de l’époque, Philander Knox, invite alors à Washington plusieurs représentants de Wall Street pour les encourager à investir dans la banque nationale haïtienne. Quatre établissements américains, dont la National City Bank of New York, achètent une part importante des actions. Une banque allemande monte aussi au capital. La plus grosse part de l’actionnariat demeure toutefois à Paris.
Aucun Haïtien ne détient de participation majoritaire. Une fois de plus, la Banque Nationale de la République d’Haïti est entièrement entre des mains étrangères.
“C’est la première fois dans l’histoire de nos relations avec les États-Unis que ceux-ci interviennent si ouvertement dans nos affaires”, écrira l’historien haïtien Jean Coradin, ancien ambassadeur aux Nations Unies.
Peu de temps après sa création, la nouvelle Banque Nationale reproduit le schéma de sa prédécesseure : elle prélève des commissions sur les dépôts et les retraits du gouvernement et génère d’importants profits pour ses actionnaires à l’étranger.
La banque accorde aussi un nouveau prêt au gouvernement haïtien. Après déduction des commissions et des profits, Haïti reçoit environ 9 millions de dollars — mais doit rembourser la valeur nominale du prêt, soit près de 12,3 millions de dollars.
Les Haïtiens se demandent alors quels politiciens ont été soudoyés pour qu’un accord aussi néfaste puisse voir le jour. La puissance de la banque est telle qu’un président haïtien demande ouvertement si son pays n’a pas renoncé à son indépendance.
Quant aux actionnaires français, ils ont des raisons de s’inquiéter de la mainmise croissante des États-Unis. La prise d’intérêt des États-Unis dans la banque nationale est le début de la campagne américaine visant à évincer les Français d’Haïti. À la manœuvre, on trouve un homme en particulier.

