Haïti-Observateur|Edito : En Haïti, les gangs armés recrutent des adolescents, les dirigeants dûment responsables

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Haiti vit à l’heure d’une « insécurité d’état programmée ». Les gangs armés sont l’oeuvre des Tèt Kale-PHTK. Ariel Henry ne saurait prétendre pouvoir apporter une solution à la lutte contre l’insécurité. Récemment, dans un entretien exclusif à Rezo Nòdwès, un ex-otage relâché après 14 jours de captivité, raconte que la garde de sa « cellule » était montée jour et nuit par des enfants lourdement armés. A son avis, aucun d’entre eux (fillettes et garçonnets) ne serait encore atteint l’age de 18 ans.

Selon les derniers chiffres connus de l’UNICEF, en 2019, près de 200.000 enfants se livraient à la mendicité et à des petits boulots informels pour survivre dans les rues d’Haïti. Une enfance confisquée qui pousse certains d’entre eux à rejoindre les gangs. (RFI 4 août 2021).

New York, 2 avril 2022 ((rezonodwes.com))–Il n’est un secret pour personne que le gouvernement haïtien est à l’origine de la création des gangs armés. Un autre phénomène s’est développé parallèlement : l’embrigadement d’adolescents, au sein des armés de gangsters. Cette pratique, très commune, suivant régulièrement son cours dans les mouvements d’insurrection, surtout dans des pays d’Amérique du Sud et africains, est formellement interdite par l’Organisation des Nations Unies (ONU) l’assujettissant à la Loi anti-enfant soldat. Si celle-ci tarde encore à se prononcer par rapport à cette situation prévalant en Haïti, cette inaction résulte de l’ignorance de tels faits. Il faut lever le voile sur ce crime, afin de permettre de fixer objectivement les responsabilités.

L’alarme est lancée par l’organe de presse en ligne lefiletinfo.com, dans son édition du 28 mars en cours, faisant état des préoccupations exprimées par deux organisations socio-politiques, « Organisation des citoyens pour une nouvelle Haïti » (OCNH) et le « Centre d’animation paysanne et d’action communautaire » (CAPAC). Elles se déclarent « préoccupées par le nombre important d’enfants qui sont utilisés comme com-battants, porteurs, espions (antennes) dans des cas de kidnapping au sein des gangs armés dans les communes de Port-au-Prince et Croix-des- Bouquets».

Les deux organisations dénoncent, notamment, les « 400 Mawozo », l’organisation mafieuse qui exerce son empire sur toute la commune de Croix des Bouquets, au nord de Port-au-Prince; aussi bien que « 5 Secondes », dirigée par le chef Izo, de Village de Dieu. Sans oublier les différents malfrats contrô-lant d’autres zones de la capitale et des provinces. Tous, ils kidnappent contre rançon des personnes de tous âges et de toutes catégories sociales, sur les voies publiques ou même dans leurs résidences privées; ils assassinent hommes, fem mes et enfants, sans distinction; ils violent qui ils veulent, où ils veulent, et quand ils veulent; et ils braquent sans ménagement les citoyens, individuellement ou en série (par dizaines dans des véhicules de transport en commun), au centre-ville de la capitale, à Pétion-Ville ou sur les routes nationales, surtout à la commune de Carrefour et ses quartiers environnants, ainsi qu’à Croix des Bouquets et sur les routes menant vers le Nord, le Nord-Ouest, le Centre et le Plateau-Central. Autrement dit, c’est le pays entier qui est livré aux caprices des criminels.

Parlant de 5 Secondes, filetinfo.com écrit : « Les gants armés (400 Marozo et 5 secondes) continuent de recruter et d’utiliser des enfants, les arrachant à leur famille et à leur communauté, les dépouillant cruellement de leur dignité et détruisant leur vie et leur avenir, selon ces organisations ». Faisant allusion à un autre groupe de criminels, le même organe cite : « Le gang armé de Village de Dieu enlève des enfants de rues au Champ de Mars dans des Auto-Bus et les contraint à combattre des gangs rivaux, en violation de l’interdiction internationale de l’utilisation d’enfant soldats. Ce groupe armé, connu sous le nom de 5 Secondes, a enlevé des dizaines de garçons, dont certains âgés de 12 ans, au centre-ville de Port-au-Prince. Après un entraînement au village de Dieu, ces garçons ont été forés à se battre aux côtés des adultes contre les gangs rivaux, selon la note de l’OCNH et du CAPAC ».

Le phénomène de recrutement d’enfants comme membres de gangs armés constitue une manifestation multidimensionnelle extrêmement grave, en ce sens qu’elle possède des dimensions criminelle, humaine, sociale et économique, aussi bien que psychologique.

En effet, à la lumière de ces faits, les malfrats en arme, des criminels endurcis, créent des centres de formation de criminels, séduisant les jeunes démunis des zones défavorisées, leur miroitant l’argent et des biens matériels de grands prix achetés avec l’argent mal acquis, issus de rapine. Voilà des citoyens totalement déshumanisés et condamnés à vivre en marge de la société; et à rester économiquement dépendants d’actes criminels, les seuls moyens qu’ils ont appris de leurs devanciers, leurs modèles, des bandits impénitents, de gagner leur pain quotidien.

Selon un document des Nations Unies (UNESCO), les enfants soldats sont susceptibles d’essuyer des dommages psychologiques permanents, car condamnés à endurer les séquelles des conflits auxquels ils ont été associés de force, pour le reste de leurs vies, privés d’accès aux traitements scientifiques appropriés. C’est pourquoi l’ONU s’engage comme partie prenante dans la protection des enfants.

Voici ce que le Comité international de la Croix Rouge dit, à ce sujet : «Pour garantir le respect du droit international humanitaire – ce qui suppose de veiller à ce que les enfants ne soient pas recrutés illégalement –, il faut réunir un certain nombre de facteurs qui, ensemble, contribuent à créer un environnement propice à la protection. La responsabilité première de l’établissement d’un tel environnement incombe aux autorités compétentes. Les autorités étatiques ont clairement la responsabilité de veiller à ce que le droit international humanitaire soit adopté et respecté, mais d’autres autorités doivent elles aussi veiller au respect des droits de la population civile. Ces autorités comprennent des organismes internationaux – lorsqu’il s’agit de forces multinationales –, des organes traditionnels, des chefs de clans et des groupes armés ».

Aux yeux des Nations Unies, les dirigeants ne peuvent prétexter la non-adhésion de leurs gouvernements au protocole de protection internationale de l’enfant pour se dérober à leurs res-ponsabilités à leur égard. En ce sens, on relève ceci : « Selon les Conventions de Genève, les États qui ne sont pas parties au conflit ont eux aussi la responsabilité de faire respecter le droit international humanitaire. Ils ont en outre un rôle crucial à jouer dans l’établissement d’un environnement propice au respect des dispositions du droit international humanitaire. Le système des Nations Unies, les tribunaux internationaux, les organisations régionales, d’autres organisations et mécanismes internationaux, les ONG internationales et les médias peuvent également jouer un rôle décisif ».

Sur ces entrefaites, il incombe aux hommes et femmes au pouvoir, en Haïti, de se manifester à l’égard de cette situation, et il est opportun d’exercer sur eux de fortes pressions en ce sens. De leur côté, ils gagneront à démontrer, de par eux-mêmes, leurs intentions d’agir vite.

Journal 30 mars – 6 mai 2022.
Editorial de Haïti-Observateur

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