TRAFIC DE DROGUE ET BLANCHIMENT DES AVOIRS :Un allié du président haïtien a plaidé coupable devant un tribunal américain
par Claudy Briend Auguste
Guy Philippe a plaidé coupable, s’évitant ainsi une lourde peine, probablement avec la promesse de voir ses complices bientôt assis dans le box des accusés. Son allié Jovenel Moïse, qui a mené campagne avec lui l’année dernière, devrait, en principe, s’il est entouré de bons conseillers, s’adresser à la nation pour nous rassurer. Et du même coup, réclamer le départ immédiat de Jeantel Joseph de son administration
Miami (Floride), mercredi 26 avril 2017 ((rezonodwes.com)).-Que vous soyez commissaire du Gouvernement, ministre de la Justice ou membre à la Cour de Cassation, ou encore législateur de la 50e Législature, vous devriez prendre votre mal en patience, s’il vous reste encore un brin de conscience pour jauger de l’état infamant et lamentable de notre système judiciaire. La justice élève une nation, disent les Saintes Écritures. Mais quand elle est avilie à ce point, c’est toute la chaîne de commande qui s’affaiblit. Pour preuve, le procès d’un citoyen haïtien, en l’occurrence Guy Philippe, qui a lui-même plaidé coupable de blanchiment d’argent en provenance du trafic illégal de stupéfiants, par devant un tribunal étranger dont la sentence est attendue le 5 juillet prochain.
Notre système judiciaire, il faut l’admettre, corrompu et très décrié, a permis que l’on soit arrivé à ce tournant. Car notre complicité aveugle et aveuglée n’a-t-elle pas exigé, de manière ordonnée, que le tapis rouge soit déroulé sous les pas de Guy Philippe? N’est-il pas vrai que cet individu, qui traînait derrière lui un dossier criminel, pour l’attaque meurtrière du commissariat des Cayes, avait reçu la bénédiction d’un Conseil électoral provisoire (CEP) qui s’est fait complice de personnes issues de la pègre cherchant à contrôler l’appareil d’État ? Et les sénateurs n’ont-ils pas donné, en vain, une prime à l’impunité jusqu’à vouloir armer M. Philippe d’immunité, dans une « Résolution » qui ne verra jamais l’aurore ? Adieu, veau, vache, cochon, couvée !
« Heureusement que le CEP Berlanger/Hercule ne m’avait pas encore ‘nommé’ sénateur», dirait un Rony Célestin, qui n’avait pas associé sa voix aux clameurs cacophoniques et irraisonnables des sénateurs dont la déraison l’emportait. Aujourd’hui, il leur reviendrait, s’ils répondaient au jugement de leur subconscient, de présenter des excuses à la Nation d’avoir induit en erreur tout un peuple. Nous nous contenterons aussi d’une résolution, espérant que cette fois-ci l’Exécutif sera armé de plus de courage pour la publier dans Le Moniteur.
Ne se basant sur aucune donnée objective, ces sénateurs voulaient à tout prix défendre l’indéfendable. Ils ont fait perdre à la République du temps en gaspillant leur salive pour des choses futiles quand, six (6) mois après Matthew, les travaux de drainage n’étaient pas effectués dans la ville des Cayes. Et quel silence assourdissant du parlement ou de la présidence, avec ses quatre porte-paroles, après la déclaration de culpabilité du (sénateur élu) Guy Philippe par devant un juge d’une cour fédérale à Miami ? Assurément, il ne manquera pas d’indexer ces complices qui se connaissent. Nous sommes à l’attente de la réaction du Bureau du Parlement quant à ses réflexions antérieures remettant en question l’accord Préval-Albright, avant qu’atterrisse en bout de piste le prochain avion en direction d’une prison fédérale en Floride. Quelles réflexions l’éventuelle condamnation de Guy Philippe leur inspire-t-elle ? Messieurs les sénateurs, tiennent-ils encore aux excuses du DG de la PNH ? Que dire de l’ex-ministre de la Justice ? Tout ceci est la faute des abstentions aux élections, car voter ça ne coûte rien. Mais ne pas le faire quand c’est nécessaire, ça peut coûter très cher de manquer au devoir civique.
Suite à cet affront infligé à la justice haïtienne, le gouvernement Moïse-Lafontant a pour devoir, puisque dans sa totale incapacité, de produire des preuves et d’entamer le jugement en Haïti de présumés coupables ou complices de trafic de drogue, de demander immédiatement la démission du secrétaire d’État à la Sécurité publique, Jeantel Joseph. À la tête de plusieurs manifestations, même en face de l’ambassade américaine à Port-au-Prince, exigeant la libération et le retour de Guy Philippe au pays, M. Joseph a piteusement échoué et n’inspire plus confiance pour occuper cette fonction. Le maintenir en poste, c’est toute la crédibilité de la Secrétairerie à la Sécurité publique qui est en jeu. Le président Moïse pourrait toujours gratifier ses amis et alliés en sollicitant, par un simple mémo, (comme pour le cas des 100 millions) le décaissement de fonds du Trésor public, dont les motifs ne seront pas questionnés par le grand argentier de la nation. Mais Jeantel Joseph, le très zélé partisan de Guy Philippe, ne doit pas émarger officiellement de la Trésorerie publique, lui dont le patron admet avoir reçu entre US $ 1,5 et 3,5 millions, de barons de la drogue. Quelqu’un d’autre pourrait se charger de la mission des responsabilités de ce Monsieur qui a promis de «Faire revenir la vie nocturne dans le pays », car, il s’est bien cassé la gueule.
A coup sûr, on saura, le 5 juillet prochain, ce qu’entraînera le verdict de culpabilité contre Guy Philippe. Déjà, on avance une vingtaine d’années de réclusion. Alors, la question que l’on se pose maintenant est la vacance d’un des trois sièges de la Grand’Anse au Sénat de la République. Ce CEP , en fin de mission, sans aucun doute, n’est plus en charge de pourvoir au remplacement de Guy Philippe. D‘ailleurs, la bande à Berlanger et Uder Antoine avait fait peu de cas d’un ancien détenu, aujourd’hui sénateur, qui a séjourné dans les prisons américaines. Rien d’étonnant que l’héritage de Guy Philippe soit conservé pour ses partisans qui flirtent avec le pouvoir en place. Chose certaine pour l’instant, c’est la satisfaction qu’ aurait éprouvée Jovenel Moïse, qui était sous pression de publier la « Résolution Guy Philippe». Ce qui n’est plus de mise.
À noter que cette « Résolution » dont se targuent encore des corruptibles invertébrés d’avoir votée, avait méprisé toutes les valeurs morales et les conventions sociales que le Sénat était censé protéger et renforcer. Faut-il espérer que le Sénat se montrera à la hauteur des espérances de la nation qui ne peut plus supporter leurs dérives. Leur session, de janvier à date, est marquée par deux catastrophes, prouvant ouvertement leur méconnaissance des faits et leur incapacité à se comporter en hommes d’État. La « Résolution de l’infamie » et le texte de « Proposition de loi sur la diffamation» démontrent que nos sénateurs sont loin de se comporter en défenseurs des intérêts du peuple.
Le quart de Rabelais est arrivé. Si, pour certains, la justice haïtienne n’est, à leurs yeux, qu’une marionnette dont on tire les ficelles avec des acteurs placés au-devant de la scène pour mimer les gestes, d’autres, néanmoins, se mettent en tête que cette brèche sera largement exploitée, au besoin, par l’ étranger. Qui aurait pu croire que Guy Philippe, après avoir parcouru pendant des années, comme un Robin des Bois, monts, vallées et montagnes, serait aujourd’hui, privé de toutes ses libertés de déplacement. Élu sénateur de la Grand’Anse, sous la bannière d’un consortium, allié fidèle du PHTK, par un CEP d’exception, qui n’a pris aucune précaution de vérifier un mandat d’arrêt international à l’encontre de Guy Philippe, celui-ci va devoir s’éloigner pour longtemps de son fief de Pestel qui l’a vu naître, car « nos actes nous suivent ».
Lundi dernier, dans un tribunal fédéral de Miami, Guy Philippe a admis qu’il a partagé une partie des paiements reçus de la drogue avec des fonctionnaires de la PNH et d’autres membres du personnel de sécurité afin d’assurer leur soutien continu aux futurs transferts de drogue transitant par Haïti vers les États-Unis. Plus affirmatif que jamais, et que Jeantel Joseph ne pourra plus démentir, Guy Philippe a dévoilé le pot aux roses au juge, sans assistance de jury. Il a utilisé des pots-de-vin reçus en récompense, une somme suffisante pour se procurer un toit dans le comté de Broward, en Floride. Sa femme, qui clamait au début son innocence et qui cherchait à faire un marathon à Boston pour une levée de fonds en vue d’assurer la défense de son mari, est financièrement soutenue par Guy Philippe de son fief en Haïti.
N’en déplaise à ses partisans-admirateurs, amis et alliés politiques, nous extrayons une partie d’un long texte du département de la Justice américaine stipulant qu’ «…aujourd’hui, M. Philippe avoue avoir accepté des pots-de-vin lorsqu’il était employé en tant qu’agent de haut rang de la Police nationale haïtienne et participé à une opération de drogue qui a amené de la cocaïne à Miami… IRS-CI est satisfait que ce fugitif de longue date a reconnu son rôle dans le complot de blanchiment d’argent et qu’il est maintenant confronté aux conséquences de ses actes… ». Aux élections haïtiennes, de la présidentielle aux municipales, en passant par les législatives et locales, comme
n’importe qui peut poser sa candidature ou être imposé par un groupe d’intérêts; et n’importe qui peut voter n’importe comment, il ne faut plus s’étonner que n’importe quel individu recherché ou soupçonné de blanchiment des avoirs, puisse être élu et nous imposer ses quatre volontés de n’importe quelle manière. Malheureusement pour les braves citoyens de la Grand’ Anse, au Sénat de la République il y aura encore pour longtemps une voix qui ne répondra pas aux appels nominaux du Bureau. C’est Guy Philippe, une voix de moins d’un chef de consortium associé à la drogue, un allié du président de la République, reconnu coupable de blanchiment d’argent.
Who’s next ?
cba (Chef de la Rédaction des réseaux de Rezo Nòdwès)
[texte extrait de l’hebdomadaire de New York Haiti-Observateur, (version papier) / édition du 26 avril au 3 mai 2017)

