Port-au-Prince | Rapport complet du RNDDH sur les vols des corps du délit et pièces à conviction au palais de justice

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Vols des corps du délit et pièces à conviction au palais de justice : Le RNDDH exige une enquête minutieuse et la condamnation des coupables

Jeudi 28 octobre 2021 ((rezonodwes.com))–

SOMMAIRE

Résumé                                                                                                                   2

I. INTRODUCTION                                                                                                    3

II.  METHODOLOGIE                                                                                                 3

III. QUID DU CORPS DU DELIT ET DE LA PIECE A CONVICTION?                                       4

IV.  ORGANISATION DE LA GARDE DES CORPS DU DELIT AU NIVEAU DE LA JURIDICTION DE PREMIERE INSTANCE DE PORT-AU-PRINCE                                             5

a)   Organisation de la sécurité du palais de Justice de Port-au-Prince                          5 b)   Réception des dossiers par le palais de Justice de Port-au-Prince                             6 c)   Garde des corps du délit et pièces à conviction au Parquet                                      6

d)   Garde des corps du délit et pièces à conviction au Tribunal de première instance, avant leur transmission à un Cabinet d’instruction                7

e)   Garde des corps du délit et pièces à conviction dans les cabinets d’instruction      8

f)   Garde des effets personnels des parties impliquées dans les dossiers en cours          8

V.   POINTS DE VUE DES AUTORITES JUDICIAIRES AUTOUR DES VOLS REPETES AU PALAIS DE JUSTICE DE PORT-AU-PRINCE                                                                             9

a)   Points de vue de certains magistrats-tes sur les vols en cascade enregistrés                9

b)   Points de vue de certains greffiers sur les vols répétés au palais de justice  

VI.  BILAN DES VOLS ENREGISTRES AU PALAIS DE JUSTICE  DE PORT-AU-PRINCE  DE 2018 A 2020                                                                                

VII.      MESURES PRISES PAR LES AUTORITES JUDICIAIRES   

VIII.    COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS     

Résumé

1.        Le  19  octobre  2020,  des  corps  du  délit  constituant  le  dossier  relatif  à  l’assassinat  de  Maître Monferrier DORVAL ont été volés.

2.        Dans  le  souci  d’élucider  les  circonstances  de  ce  vol,  le  Réseau  National  de  Défense  des  Droits Humains (RNDDH) a diligenté une enquête au palais de Justice de Port-au-Prince.

3.        Au cours de cette enquête, des informations alarmantes relatives aux objets saisis, confisqués par la police judiciaire et transmis aux autorités de la Justice, ont été recueillies. Ces informations révèlent une absence totale de stratégie quant à la garde et la préservation des corps du délit, pièces à conviction et objets personnels des parties impliquées dans les différents dossiers en cours dans la juridiction.

4.        En effet, de mars 2018 à octobre 2020, au moins 23 vols et tentatives de vol ont été perpétrés au palais  de  Justice  de  Port-au-Prince.  Greffe  du  Parquet,  Cabinets  d’instruction  de  la  plupart  des magistrats-tes, Greffe des cabinets d’instruction, Greffe principal : aucun espace n’a, à date, été épargné.

5.        Dans 17 de ces cas de vol, aucune trace d’effraction sur les portes donnant accès aux espaces où étaient  gardés  ces  dossiers,  n’a  été  enregistrée.  Ceci  révèle  que  ces  objets  ont  été  subtilisés  par  des membres du personnel administratif et judiciaire affectés au palais de Justice de Port-au-Prince, ou avec leur complicité.

6.        Par ailleurs, entre 2016 et 2017, des caméras avaient été installées dans certains espaces du palais de  Justice  de  Port-au-Prince.  Certaines  d’entre  elles  ont  sciemment  été  endommagées  et  les  autres, enlevées sur exigence des magistrats-tes.

7.        Les 24 agents de sécurité du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique, renforcés par les 20 agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH), tous affectés audit palais de Justice semblent ne pas pouvoir sécuriser   l’espace.   Et,   en   dépit   du   fait   qu’il   s’agit   de   vols   d’éléments   cruciaux,  et   à   la   limite incontournables,  devant  aider  à  la  manifestation  de  la  vérité,  aucun  de  ces  cas  n’a  abouti  à  la condamnation des personnes impliquées.

8.        Sur la base de ces informations, le RNDDH recommande aux autorités concernées de :

   Organiser la garde et la préservation des corps du délit, pièces à conviction et effets personnels des parties impliquées dans les dossiers, tant au Parquet qu’au Tribunal de première instance de Port- au-Prince ;

   Prendre  toutes  les  mesures  en  vue  de  sécuriser  efficacement  les  locaux  du  palais  de  Justice  de Port-au-Prince ;

   Enregistrer méticuleusement les corps du délit, pièces à conviction et objets personnels confisqués ;

   Sécuriser  et  vérifier  régulièrement  les  corps  du  délit,  pièces  à  conviction  et  objets  personnels confisqués ;

   Enquêter sur tous les cas de vol enregistrés au palais de Justice de  Port-au-Prince et poursuivre tous ceux et toutes celles qui y sont impliqués ;

   Prendre toutes les dispositions qui s’imposent en vue de mettre fin à ces vols en cascade de corps du délit, pièces à conviction et objets personnels des parties impliquées dans les dossiers en cours ;

   Fournir aux greffes du palais de Justice de Port-au-Prince des matériels et équipements de qualité, résistants aux flammes.

I.          INTRODUCTION

1.       Au cours de ces dernières années, plusieurs cas de  disparition  de corps  du délit, de pièces à conviction et même d’objets personnels saisis ou confisqués par la police judiciaire et transmis aux autorités de la Justice, ont été enregistrés dans la juridiction de première instance de Port-au-Prince.

2.       Cependant,  l’attention  du  Réseau  National  de  Défense  des  Droits  Humains  (RNDDH)  a particulièrement été attirée par le dernier vol perpétré au palais de Justice de Port-au-Prince le 19 octobre  2020  au  cours  duquel,  une  partie  du  dossier  relatif  à  l’assassinat  de  Maître  Monferrier DORVAL1, a été emportée.

3.       Si  ce  jour-là,  aucune  trace  d’effraction  n’a  été  constatée  à  la  porte  du  Greffe  des  cabinets d’instruction, selon les informations recueillies,  deux (2) tiroirs d’un (1) classeur métallique ont été défoncés  et  leur  contenu,  envolé.  Ils  renfermaient  respectivement  une  petite  valise  avec  six  (6) téléphones portables et une (1) enveloppe contenant plus de cent cinquante mille (150.000) gourdes.

4.       Suite à ce vol, le RNDDH a diligenté une enquête autour de l’organisation de la garde et de la préservation  des  dossiers  au  palais  de  Justice  de  Port-au-Prince.  Le  rapport  suivant  présente  les conclusions de ses investigations sur la question.

II.         METHODOLOGIE

5.       Dans le cadre de cette enquête, le RNDDH s’est rendu au palais de Justice de Port-au-Prince où il s’est entretenu à plusieurs reprises avec les personnes suivantes :

  Le doyen du Tribunal de première instance de Port-au-Prince, Maître Bernard SAINVIL;

  Le commissaire du gouvernement, Maître Gabriel DUCARMEL ;

  Le greffier en chef du Tribunal de première instance de Port-au-Prince, Mozart TASSY;

  L’administrateur du Parquet, Jacques Edouard ACCILIEN ;

  Le commis-parquet en chef, Wilbert RHAU.

6.  Le RNDDH s’est aussi entretenu avec :

  Sept (7) magistrats-tes instructeurs ;

  Un (1) substitut commissaire du gouvernement ;

  Deux (2) juges de paix affectés au Tribunal de paix de Port-au-Prince, section Sud ;

  Quatorze (14) greffiers-ères ;

  Deux (2) commis-parquet ;

  Deux (2) avocats-tes.

7.       Au cours de ces entretiens, le RNDDH a eu accès à certains procès-verbaux dressés par les magistrats de  paix,  constatant  et/ou verbalisant  les  cas  de vol  enregistrés  au  palais de  Justice de Port-au-Prince.

8.       Par la suite, les espaces des différents Greffes ainsi que certains Cabinets d’instruction ont été visités et photographiés.

III.        QUID DU CORPS DU DELIT2  ET DE LA PIECE A CONVICTION3 ?

9.       Le   corps   du   délit   constitue   l’objet   de   l’infraction,   c’est   à   dire,   la   chose   qui   prouve qu’effectivement un acte délictueux a été perpétré.

10.     Il  peut  s’agir  de  l’objet  qui  a  été  utilisé  pour  la  commission  de  l’infraction  mais  aussi,  de choses  engendrées  par  le  délit  perpétré,  c’est-à-dire  le  produit  de  l’infraction.  Tel  est  le  cas  par exemple  de  la  chose  volée,  de  l’argent  constituant  la  rançon,  dans  un  cas  d’enlèvement  contre rançon,  du  couteau  qui  a  aidé  à  la  perpétration  de  l’assassinat  ou  du  cadavre  de  la  victime  d’un assassinat ou d’un meurtre.

11.     L’article  22  du  Code  d’Instruction  Criminelle  en  vigueur  consacre  l’importance  du  corps  du délit dans la manifestation de la vérité. Cet article stipule : « Dans tous les cas de flagrant délit, lorsque le fait sera de nature à entraîner une peine afflictive ou infamante, le commissaire du gouvernement se transportera, s’il est possible, sur le lieu, sans aucun retard, pour y dresser les procès-verbaux nécessaires à l’e ff e t  de  c ons tate r  le  c or ps  du  dé li t,  son état, l’état des lieux, et pour recevoir les déclarations des personnes qui auraient été présentes, ou qui auraient des renseignements à donner

12.     De  plus,  selon  l’article  10  du  Code  Pénal  haïtien,  les  corps  du  délit peuvent  être  l’objet  d’une  confiscation  spéciale,  constituant  une  peine, devant être prononcée par le Tribunal. En effet, l’article en question précise que :  « L’amende  et  la  confiscation  spéciale,  soit  du  corps  du  délit,  quand  la propriété en appartient au condamné, soit des choses produites par le délit, soit de celles qui ont servi ou qui ont été destinées à le commettre, sont des peines communes aux matières criminelles et correctionnelles »

13.     Pour sa part, la pièce à conviction réfère à tout objet ou matériel qui permet d’aboutir à la conclusion d’une enquête judiciaire et à l’implication de  l’accusé-e  dans  la  perpétration  de  l’acte.  La  pièce  à  conviction  lie l’accusé-e à l’acte perpétré.

14.     Les  pièces  à  conviction  sont  utilisées  à  toutes  les  phases  de  l’instruction  ouverte  contre  les personnes en conflit avec la loi, jusqu’au prononcé des décisions  de justice. C’est en ce sens que le Code d’Instruction Criminelle précise que :

    « S’il existe dans le domicile du prévenu, des papiers ou effets qui puissent servir à conviction …, le commissaire du gouvernement en dressera procès-verbal et se saisira desdits effets ou papiers.» (Article 27)

   « L’instruction  sera  publique,  à  peine  de  nullité.  Le Ministère  public,  la  partie  civile  ou  son défenseur exposeront l’affaire ; Les procès-verbaux ou rapports, s’il en a été dressé, seront lus par le greffier ; Les témoins pour et contre seront entendus, s’il y a lieu et les reproches proposés et jugés ; Les  pièces  pouvant  servir  à  conviction  …   seront  représentées  aux  témoins  et  aux  parties  ;  …  » (Article 166)

    « Dans le cours ou à la suite des dépositions, le  doyen du Tribunal criminel fera représenter à l’accusé  toutes  les  pièces  relatives  au  délit  et  pouvant  servir  à  conviction;  il  l’interpellera  de répondre  personnellement  s’il  les  reconnaît :  le  Doyen  du  Tribunal  criminel  les  fera  aussi représenter aux témoins, s’il y a lieu. » (Article 262).

15.     Ainsi,  à  la lumière de  ces  différents  articles  du  Code  Pénal Haïtien  et  du  Code  d’Instruction Criminelle,  les  corps  du  délit  et  pièces  à  conviction  revêtent  une  importance  particulière  pour  la manifestation  de  la vérité.  Leur  saisie,  confiscation et  préservation sont  à  la charge  des  autorités judiciaires ou tous autres dépositaires par eux désignés. Ils participent dans le processus visant au respect des droits aux garanties judiciaires,  contribuant ainsi à rendre justice à qui justice est due.

IV.        ORGANISATION   DE   LA   GARDE   DES   CORPS   DU   DELIT   AU   NIVEAU   DE   LA   JURIDICTION   DE PREMIERE INSTANCE DE PORTAU-PRINCE

a)   Organisation    de    la    sécurité    du    palais    de    Justice    de Port-au-Prince

16.     Le Parquet compte à son service huit (8) agents de sécurité. Deux (2) d’entre eux assurent la surveillance de nuit.

17.     Seize  (16)  agents  de  sécurité  distincts  des  premiers  sont,  pour  leur part, affectés au Tribunal de première instance de Port-au-Prince. Un (1) d’entre eux est responsable de la surveillance nocturne.

18.     Ces  vingt-quatre  (24)  agents  sont  recrutés  par  le  Ministère  de  la  Justice  et  de  la  Sécurité Publique. Ils disposent d’armes à feu qui, semble-t-il, constituent le seul matériel jugé obligatoire à être  mis  à  leur  disposition,  pour  l’exécution  de  leurs  tâches.  Ils  portent  un  uniforme  qui  permet facilement  de  les  identifier.  Cependant,  souvent,  quelques-uns  parmi  eux  circulent  en  civil  dans l’enceinte du palais de Justice et dans ces cas, il n’est pas aisé de savoir s’ils sont en poste ou non.

19.     De plus, vingt (20) agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH) complètent le corps de sécurité du palais de Justice de Port-au-Prince. Ils sont présents de jour comme de nuit.

b)   Réception des dossiers au palais de Justice de Port-au-Prince

20.     De manière générale, les dossiers en provenance de l’institution policière sont reçus au Greffe 2 du  Parquet  près  le  Tribunal  de  première  instance  de  Port-au-Prince.  Ce  Greffe  est  chargé  de  les transférer, ensemble toutes les pièces reçues, à la Cellule d’Administration et de Traitement (CAT). Il s’agit  d’une  instance  où  sont  affectés  des  parquetiers-ères,  travaillant  par  roulement  et  appelés  à faire un premier traitement des dossiers.

21.      Par   la   suite,   la   CAT avec  la  mention  du  substitut désigné   pour   les   traiter,   à procéder   à   leur   distribution

Les   corps   du   délit,   pièces   à conviction  et  tous  autres  objets constituant    les    dossiers    sont gardés   au   Parquet,   dans   un désordre inimaginable. retourne les dossiers au Greffe 2, commissaire   du   gouvernement charge    par    le    Greffe    2    de aux parquetiers désignés.

22.     Les dossiers qui parviennent scellés ou agrafés au Greffe 2 font leur parcours dans l’état où ils ont été reçus. Des fois, c’est le Parquet lui-même qui ferme les dossiers dans des enveloppes, lorsque cela est possible, dépendamment de la nature des objets les constituant.

23.     Il n’existe, selon les commis-parquet, aucun formalisme pour la réception des dossiers de la part l’institution policière. Tous objets dont    des    armes    à    feu    sont    recueillis,    manipulés    par    les commis-parquet ou par n’importe quel autre membre du  personnel judiciaire.

24.     Après  le  traitement  des  dossiers,  ceux  qui  sont  classés  sans suite sont gardés au niveau du Parquet. Ceux qui donnent lieu à des poursuites  judiciaires  sont  alors  transférés  au  Greffe  1  du  Parquet pour leur communication au Cabinet d’instruction quand il s’agit de cas  exigeant  une  instruction  judiciaire.  Pour  les  dossiers  devant donner  lieu  à  des  citations  au  correctionnel,  ils  sont  directement acheminés  au  Greffe  Pénal  qui  est  chargé  exclusivement  et  tel  que son nom l’indique, des affaires correctionnelles et criminelles.

25.     Les   dossiers   devant   être   transférés   pour   instruction   judiciaire   sont   pour   leur   part, communiqués au Greffe des cabinets d’instruction où ils sont reçus par le responsable de ce Greffe.

c)   Garde des corps du délit et pièces à conviction au Parquet

26.      Selon les informations collectées, deux (2) salles contiguës, dont l’une plus exiguë que l’autre, constituent le Greffe 1 du Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince. C’est là que sont gardés les corps du délit, les pièces à conviction ainsi que les objets appartenant en propre aux victimes et/ou aux individus poursuivis et écroués pour la plupart.

27.     Le Greffe 1 du Parquet dispose de seize (16) classeurs, de sept (7) armoires métalliques et d’une

28.     Les  objets  qui  ne  peuvent  être  rangés  dans  les  tiroirs des  classeurs  ou  dans  les  armoires  en raison de leur taille, sont étalés  à même le sol.   Cependant, les tableaux  constituant des corps du délit et/ou pièces à conviction sont fixés au mur de la salle 1 du Greffe 1 du Parquet.

29.     Le  Parquet  compte  aussi  un  (1)  coffre-fort  installé  au  Greffe  1  où  sont  gardés  les  objets considérés comme étant précieux tels que bijoux, argent, etc. Une combinaison y donne accès. Elle n’est connue que de deux (2) personnes, le commis-parquet en chef et un autre commis-parquet à qui il a décidé de confier cette combinaison, pour le cas où il serait un jour empêché.

30.     Cependant, aucun registre ne fournit les détails relatifs aux objets précieux qui sont gardés dans  le  coffre-fort  en  question.  Toutefois,  il  convient  de  souligner  qu’à  date,  il  n’a  jamais  été endommagé.

31.     Selon les commis-parquet rencontrés, souvent, les autorités judiciaires ne se rendent compte de l’absence d’un objet ou d’une pièce dans un dossier, que lorsqu’il est question de suivis judiciaires. En effet, il sévit au Parquet un désordre inimaginable
que les différentes photos ne peuvent vraiment pas refléter.

Aucun  registre  tenu  à  jour n’indique   le   contenu   des classeurs et des coffres forts au   Palais   de   Justice   de Port-au-Prince rencontrés,  souvent,  les  autorités de  l’absence  d’un  objet  ou  d’une lorsqu’il   est   question   de   suivis Parquet un désordre inimaginable peuvent vraiment pas refléter.

d)   Garde des corps du délit et pièces à conviction au Tribunal de première   instance,   avant   leur   transmission   à   un   Cabinet d’instruction

32.     Les  dossiers  reçus  du  Parquet,  souvent  non  scellés  et  rarement agrafés,  transitent  d’abord  par  le  Greffe  des  cabinets  d’instruction  qui  est constitué  d’un  espace  exigu  où  deux  (2)  armoires  et  six  (6)  classeurs métalliques  de  dimensions  différentes,  servent  à  conserver  les  corps  du délit, pièces à conviction, tous autres objets constituant les dossiers reçus ainsi que les différents registres du Tribunal.

33.     Le Greffe des cabinets d’instrution compte aussi un (1) coffre-fort où sont conservés les objets de grande valeur qui ont été transférés, avec les dossiers.

34.     Suite à une tentative de vol enregistrée dans la nuit du 16 au 17 mai 2019, la serrure de ce coffre-fort a été endommagée. Les démarches visant à le faire réparer n’ont pas abouti, les artisans contactés en ce sens ayant sollicité un montant de cent mille (100.000) gourdes pour les travaux y relatifs. Depuis, les dossiers qui s’y trouvaient n’ont jamais été extraits pour les suivis nécessaires.

35.     La  combinaison  du  coffre-fort  installé  au  Greffe  des  cabinets  d’instruction  est  connue  par  le greffier en chef et le responsable du Greffe en question.

36.     Au bureau du doyen se trouve un classeur où sont maintenant gardés, avec l’autorisation de celui-ci,  les  objets  de  valeur,  le  coffre-fort  du  Greffe  des  cabinets  d’instruction  étant  hors  service. Toutefois,  comme  pour  le  Parquet,  aucun  registre  tenu  à  jour  n’existe  quant  au  contenu  de  ce classeur.

37.     Ainsi,  les  dossiers  reçus  du  Parquet  restent  au  Greffe  des  cabinets  d’instruction  jusqu’à  la désignation par le doyen d’un magistrat-te instructeur appelé à enquêter sur l’affaire.

e)   Garde des corps du délit et pièces à conviction dans les cabinets d’instruction

38.     A la transmission des dossiers aux cabinets d’instruction, les corps du    délit    ainsi    que    les    pièces    à    conviction    sont    généralement communiqués  en  même  temps.  Les  chambres  d’instruction  criminelle sont  dotées  de  classeurs  métalliques  avec  serrure,  dans  lesquels  sont placés les dossiers dont les magistrats-tes instructeurs ont la charge.

39.     Le  fait  par  les  dossiers  de  ne  pas  être  scellés  ou  même  tout simplement agrafés n’empêche pas aux magistrats-tes instructeurs de les recevoir.

40.     Lorsqu’il est impossible de les insérer dans les classeurs, les corps du  délit,  pièces  à  conviction,  objets  personnels  des  parties  impliquées dans les dossiers, sont déposés dans un coin du cabinet.

41.     Toutefois, si certains juges acceptent de prendre à leur charge les corps de délit et pièces à conviction, d’autres refusent catégoriquement de les garder dans leur chambre
d’instruction criminelle pour des raisons de sécurité. Dans ces cas, toutes les pièces des dossiers dont ils ont la charge sont stockées au Greffe des cabinets d’instruction.

Aucune vérification routinière pièces à  conviction,  d’autres les  garder  dans  leur    chambre des  raisons  de  sécurité.  Dans  ces dossiers dont ils ont la charge sont stockées au Greffe des cabinets d’instruction.

42.     Il  a  aussi  été  rapporté  au  RNDDH  qu’au  moins  un  cabinet  d’instruction  a  décidé  de  faire garder les corps du délit et pièces à conviction qui lui sont communiqués, au Greffe principal, dont Tassy MOZART est le responsable. Il s’agit de la magistrate Godely JOSEPH.

f)    Garde des effets personnels des parties impliquées dans les dossiers en cours

43.     Selon  les  informations  recueillies,  les  effets  personnels  des  individus  arrêtés  et  écroués  aux ordres de la Justice, gardés par les autorités judiciaires en attente de jugement, sont la plupart du temps  volés.  Il  s’agit  généralement  de  bijoux  et  de  fortes  sommes  d’argent.  Ils  ne  sont  que rarement – sinon jamais – remis aux personnes concernées.

V.        POINTS DE VUE DES AUTORITES JUDICIAIRES AUTOUR DES VOLS REPETES AU PALAIS DE JUSTICE DE PORTAU-PRINCE

a)   Points de vue de certains magistrats-tes sur les vols en cascade enregistrés

44.     Selon  des  magistrats-tes  rencontrés  dans  le  cadre  de  cette  enquête,  un  cabinet  peut  être vandalisé sans que le magistrat-te ne s’en rende compte, sauf au moment de réaliser un suivi dans un dossier.  Cette  affirmation  révèle  qu’aucune  vérification  routinière  des  corps  du  délit,  pièces  à conviction  et  même  des  effets  personnels  des  individus  poursuivis,  n’est  effectuée  au  palais  de Justice de Port-au-Prince.

45.     Ils estiment très préoccupant que ceux qui emportent aussi facilement les objets des dossiers semblent clairement appartenir à l’univers du palais de Justice car, ils connaissent l’espace, ont une bonne connaissance de l’emplacement de ces dossiers et peuvent se rendre partout dans l’enceinte du Tribunal, sans commettre d’effraction.

Des magistrats sont particulièrement  inquiets  du  fait que  ceux  qui  emportent  les  corps du  délit  et  pièces  à  convictions connaissent   très   bien   l’enceinte du palais de Justice.

46.     Or, les magistrats-tes pour leur part, ne savent pas forcément où se trouvent tous les corps du délit, pièces à conviction ou tous autres objets des dossiers dont ils ont la charge d’instruction.   Ils ont  aussi  rappelé  que  ce  sont  les  greffiers-ères  qui  sont  en  fait  les dépositaires de tous ces objets.

b)   Points de vue de certains greffiers-ères sur les vols répétés au palais de justice

47.     Les greffiers-ères affectés au Greffe des cabinets d’instruction sont tenus  de  garder  les  corps  du  délit  non  acceptés  par  les  différents cabinets d’instruction. Cependant, en raison même de cette situation et des  risques  de  vols  accrus,  rares  sont  ceux  et  celles  qui  acceptent d’assumer ce rôle de responsable de ce Greffe.

48.     Selon eux, la petite salle servant de Greffe des cabinets d’instruction accueille toute personne désireuse de faire un suivi quelconque, par exemple des justiciables, des avocats-tes, des juges, des greffiers-ères,  etc.  L’entrée  est  libre.  Aucun  contrôle  d’identité  n’est  effectué.  Il  n’existe  non  plus aucun système d’accréditation pour accéder à ce Greffe.

49.     Le  dernier  greffier  à  avoir  accepté  de  jouer  le  rôle  de  responsable  du  Greffe  des  cabinets d’instruction  est  entré  en  fonction  en  juillet  2020.  Cependant,  il  a  édicté  ses  conditions  selon lesquelles,  il  ne  garderait   ce  poste  que  pour   une  période  de   trois   (3)  mois,  le  temps   pour

l’administrateur  du  Tribunal  de  trouver  quelqu’un  d’autre.  Dès  la  rentrée  de  l’année  judiciaire actuellement en cours, il avait déjà voulu rendre les clés du Greffe. Il lui a été demandé de patienter encore un peu.

50.     Selon le Syndicat des Greffiers d’Haïti (SYGH) – qui a d’ailleurs dénoncé à plusieurs reprises, les cas de vols répétés enregistrés au palais de Justice de Port-au-Prince – les  greffiers-ères chargés de garder les clés ne sont pas impliqués dans ce qui se passe au Tribunal. Dans la plupart des cas, ils ne sont même pas en mesure d’indiquer avec exactitude les dates et heures où ces vols ont été perpétrés.

VI.        BILAN DES VOLS ENREGISTRES AU PALAIS DE JUSTICE DE PORTAU-PRINCE DE 2018 A 2020

51.     De mars 2018 à octobre 2020, au moins vingt-trois (23) cas de vol et de tentative de vol ont été enregistrés au palais de Justice de Port-au-Prince :

  Au moins trois (3) cas de vol et de tentative de vol en 2018,

  Au moins treize (13) cas de vol et de tentative de vol en 2019,

  Au moins sept (7) cas de vol et de tentative de vol en 2020.

52.     Voici les informations recueillies sur les vols enregistrés en 2018 :

   En mars 2018, des individus non identifiés ont emporté une (1) arme  à  feu  qui  se  trouvait  au  cabinet  d’instruction  du  juge Loubens ELYSEE. Aucune effraction n’a été enregistrée. Suite à ce vol, le magistrat a fait changer la serrure de la porte de son cabinet ;

   Au  cours  de  l’année  2018,  des  téléphones  portables  qui  se trouvaient  au  cabinet  du  magistrat  Rénord  REGIS  ont  été volés. Aucune effraction n’a été enregistrée.

De 2018 à nos jours, au moins 23  vols  ont  été  enregistrés  au palais       de Justice de Port-au-Prince.

   Au cours de l’année 2018, la serrure du cabinet de la juge d’instruction Godely JOSEPH a été remplie  d’une  substance  assimilable  à  de  la  colle.  La  magistrate  a  dû  faire  appel  à  un technicien pour remplacer la serrure endommagée. Aucun vol n’a été enregistré.

53.     Voici les informations recueillies sur les vols et tentatives de vols enregistrés en 2019 :

   Le  14  mai  2019,  ayant  voulu  récupérer  au  Greffe  principal  des  corps  du  délit  relatifs  à  un dossier en cours de traitement, le cabinet d’instruction de la juge Godely JOSEPH a remarqué que deux (2) classeurs qui s’y trouvaient, ont été ouverts par effraction. Le greffier affecté au cabinet  de  la  Juge  Godely  JOSEPH  s’est  empressé  de  requérir  un  juge  de  paix  en  vue  de procéder au constat du fait. Le même jour, le magistrat James SAINT JEAN  du Tribunal de paix  de  la  section  sud  s’est  transporté  sur  les  lieux  et  a  constaté  que  toutes  les  enveloppes contenant des corps du délit et entreposées dans les deux (2) classeurs susmentionnés, ont été déchirées.  Trois  (3)  téléphones  portables  et  au  moins  deux  (2)  ordinateurs  portables  ont disparu. Certains des corps du délit emportés constituaient des dossiers dont l’instruction était à la charge du magistrat Jacques Hermon CONSTANT. Ces dossiers ont en fait été redistribués par devant la magistrate Godely JOSEPH après le départ du système judiciaire, du magistrat Jacques Hermon CONTANT ;

   Dans la nuit du 16 au 17 mai 2019, une tentative de vol a été enregistrée  au  Greffe  des  cabinets  d’instruction.  La  serrure  du coffre-fort qui y est installé a été endommagée. S’il n’a pu être ouvert  malgré  les  tentatives  de  le  scier,  ce  coffre  a  subi  de grands dommages et est aujourd’hui inutilisé. Rien n’a pu être volé ce jour-là ;

   Le  10  juillet  2019, le  cabinet  d’instruction  du  juge  Legroise AVRIL  a  été  vandalisé.  Des  téléphones  portables,  des  armes  à feu, de l’argent, des ordinateurs portables ainsi qu’une bague en or ont été volés. Les trois (3) classeurs qui se trouvent dans ce cabinet  ont  été  endommagés,  cependant  la  serrure de  la  porte est restée intacte ;

   Le  23  juillet  2019,  le  cabinet  d’instruction  du  juge  Merlan  BELABRE  a  été  vandalisé.  Des dossiers  en  cours  de  traitement  ainsi  que  des  ordonnances  de  renvoi  ont  été  emportés.  De nombreux  corps  du  délit  ont  aussi  disparu  dont  une  (1)  arme  à  feu,  de  l’argent  et  un  (1) téléphone portable. Aucune trace d’effraction sur la porte n’a été constatée mais le classeur a été endommagé ;

   En  septembre  2019,  le  cabinet  d’instruction  de  la  juge  Annie FIGNOLE   a   été   cambriolé.   Trois   (3)   armes   à   feu,   trois   (3) téléphones   portables   ainsi   que   cent-soixante-dix- huit    (178) cartouches ont été emportés en dépit du fait que le greffier affecté au cabinet de la magistrate, ait éparpillé ces cartouches. Aucune effraction n’a été enregistrée ;

Dans  17  des  23  cas  de  vol enregistrés – soit 74% d’entre eux     –     il     n’y     eut   pas d’effraction.

   Le 15 octobre 2019, le Greffe 1 du Parquet a été cambriolé. Le juge titulaire Phillipe VINCENT affecté au Tribunal de paix de la section Sud a été requis pour dresser procès-verbal de constat des faits. Les serrures de la porte ont été brisées et les classeurs endommagés et vandalisés. Il n’a pas été possible d’identifier ce qui a été emporté ;

  Le 3 décembre 2019, le cabinet d’instruction du juge Jean Etienne MERCIER a été vandalisé.

Trois  (3)  pistolets,  six  (6)  chargeurs,  dix  (10)  téléphones  portables,  une  (1)  tablette,  un  (1) chargeur  de  batterie,  de  nombreuses  cartouches  ainsi  que  des  boucles  d’oreilles,  ont  été emportés ;

   Le  20  décembre  2019,  le  bureau  du  doyen  Bernard  SAINT-VIL  a  été  cambriolé.  Une  forte somme d’argent enregistrée dans le dossier d’Arnel BELIZAIRE a disparu. Cependant, aucune trace d’effraction n’a été constatée ni sur la porte donnant accès au bureau du doyen, ni sur la serrure du classeur où se trouvaient les dossiers.

Selon l’inventaire  dressé   par   le   greffier   Diego Juanito   POMPEE,   un trois  cent  (300)  billets totalisant la somme de gourdes ont été

Disparition  d’une  forte  somme  au Bureau  du  Doyen  Bernard  SAINT- VIL le 20 décembre 2019,   la DCPJ n’a  toujours  pas  rendu  les  résultats de ses enquêtes.

(1)   portefeuille,   des   bijoux, de     mille     (1.000)     gourdes trois     cent     mille     (300.000) emportés.

Suite  à  ce  vol,  le  greffier  susmentionné  a  été  transféré  et  selon  plus  d’un,  l’argent  semble n’avoir jamais été déposé au bureau du doyen.

Saisie de la question, la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) n’a pas encore rendu les résultats de son  enquête.

   En 2019, le cabinet d’instruction du magistrat Berge O. SURPRIS a été  vandalisé  à  deux  (2)  reprises.  Des  téléphones  portables,  des armes  à  feu  ont  été  volés.  Aucune  trace  d’effraction  n’a  été constatée.

   En   2019,   la   porte   donnant   accès   au   cabinet   du   magistrat instructeur  Etzer  ARISTILDE   a  été  endommagée.  Cependant,  il semble qu’aucun objet n’ait été dérobé.

   Les  classeurs  localisés  dans  le  cabinet  du  magistrat  Jean  Wilner MORIN ont été défoncés en 2019. De nombreux corps du délit dont des  téléphones  portables,  des  armes  à  feu,  ainsi  que  l’ordinateur portable personnel de la greffière attachée au magistrat en question ont été emportés. Aucune effraction n’a été constatée ;

  Toujours en 2019, le cabinet d’instruction du magistrat Paul PIERRE a été vandalisé.

   Entre  le  31  décembre  2019  et  le  5  janvier  2020,  le  Greffe  1  du  Parquet  a  été   cambriolé  à nouveau.

54.     Voici les informations recueillies sur les vols enregistrés en 2020 :

   Le 29 juillet 2020, le commis-parquet en chef Wilbert RHAU a affirmé que les locaux de son bureau personnel ont été vandalisés et qu’une forte somme d’argent a été emportée. Le juge de paix Carmin BAPTISTE  a été requis pour constater et verbaliser les faits car, des corps du délit et pièces à conviction de plusieurs dossiers ont disparu dont celui de Arby Frantz LARCO, arrêté  dans  la  soirée  du  24  décembre  2019,  pour  détention  illégale  d’armes  à  feu  et  de munitions.

Le RNDDH s’est entretenu avec Maître Gabriel DUCARMEL, commissaire du gouvernement près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince, autour de ce vol. Et, en dépit du fait que  le  magistrat  dispose  d’un  procès-verbal  de  constat  dressé  par  le  juge  de  paix  Carmin BAPTISTE,  il  affirme  que  selon  lui,  il  ne  peut  s’agir  de  vol  vu  qu’aucune  effraction  n’a  été constatée  et  que  le coffre-fort  où l’argent  devrait  être  entreposé n’a pas  été endommagé.  Il estime en ce sens que, dès qu’il aura à travailler sur les dossiers dont les objets ont disparu, le commis-parquet se débrouillera en vue de lui remettre toutes les pièces y relatives.

Selon  les  rumeurs   qui  circulent  dans  les  couloirs  du palais de Justice de (5.000) dollars mille  (500.000)  gourdes personnel  du  commis- Toujours selon les après      avoir assuré en  lieu sûr,  a  reconnu 5000 dollars américains et 500.000 gourdes  ont disparu au bureau du commis-parquet    Wilbert    Rhau. Pour   avoir   choisi   de   garder   cet argent  dans  son  bureau  mais  non dans  le  coffre-fort  du  Parquet,  le commissaire   en   chef   exige   qu’il remette  ce montant.

Port-au-Princecinq mille américains  et  plus  de  cinq  cent ont     été     volés     au     bureau parquet Wilbert RHAU. rumeurs,    le    commis-parquet, l’avoir  déplacé  pour  le  mettre avoir   utilisé   l’argent   pour   la construction de  sa maison à  Delmas 75,  zone Caradeux.

Des graffitis sur les murs à l’enceinte du palais de justice, salissent encore plus l’espace – Photos 10

Rencontré à ce sujet, Wilbert RHAU a affirmé au RNDDH n’avoir pas été présent le 28 juillet 2020, pour raisons médicales. Le lendemain, à son arrivée au bureau, il a d’abord remarqué que la serrure de sa porte lui résistait. Et, après l’avoir ouverte, il a constaté des enveloppes en pagaille  sur  le  sol  et  son  classeur,  défoncé.  D’autres  membres  du  personnel  ont  aussi  pu apercevoir les dégâts. Il a par la suite fait appel au juge de paix Carmin BAPTISTE en vue de dresser le procès-verbal de constat y relatif.

Le  commis-parquet  Wilbert  RHAU  a  aussi  affirmé  que  le  commissaire  du  gouvernement Maître  Gabriel  DUCARMEL  l’a  convoqué  au  sujet  du  vol.  Cependant,  après  avoir  reçu  le procès-verbal  de  constat  dressé  par  le  magistrat  requis  à  cet  effet,  le  commissaire  lui  a reproché sa négligence arguant que le montant envolé aurait dû être placé dans le coffre-fort du Parquet mais non à son bureau personnel. Par conséquent, tenu responsable de ce vol, il lui a été demandé de remettre l’argent, soit les cinq mille (5.000) dollars américains ainsi qu’une forte somme en gourde dont il ne se rappelle pas le montant exact. Il a aussi réfuté toutes les rumeurs  circulant  à  son  compte,  et  laissant  croire  qu’il  aurait  lui-même  subtilisé  l’argent susmentionné.

Il convient de rappeler qu’en plus de l’argent saisi dans le cadre de ce dossier et transféré au Parquet, les autorités policières avaient découvert dans la résidence de Arby Frantz  LARCO trente-neuf  (39)  armes  à  feu  dont  des  fusils  d’assaut,  trois  cent  vingt-quatre  (324)  chargeurs, quarante-trois mille  (43.000)  cartouches,  des  gilets  tactiques,  des  tubes  de  gaz  lacrymogène, etc.

  Le  12  août  2020,  le  cabinet  du  juge  d’instruction  Jean  Etienne  MERCIER  a  été  vandalisé.

L’écran de l’ordinateur a disparu ;

  Le  15  août  2020,  ce  même  cabinet  a  encore  été  saccagé.  Ce  jour-là,  c’est  le  boîtier  de l’ordinateur dont l’écran avait été emporté le 12 août 2020, qui a été volé ;

   Le 23 octobre 2020, un (1) téléphone portable constituant le corps du délit d’un dossier, a été volé au  cabinet d’instruction du juge Merlan BELABRE ;

   En  2020,  il  a  été  constaté  que  des  armes  à  feu,  téléphones,  des dossiers   ainsi   que   de   l’argent   qui   se   trouvaient   au   cabinet d’instruction  du  juge  Chavannes  ETIENNE  ont  disparu ;  Le  12 septembre  2020,  le  juge  Vincent  PHILIPPE  du  Tribunal  de  paix, section  Sud  de  Port-au-Prince,  a  été  requis  pour  dresser  procès- verbal du fait ;

   En  2020,  un  autre  cas  de  vol  a  été  enregistré  au  cabinet  du magistrat  Berge  O.  SURPRIS.  Encore  une  fois,  des  téléphones portables,  des  armes  à  feu  ont  été  emportés.  Encore  une  fois, aucune trace d’effraction n’a été constatée. Cette fois-ci, aucun juge de paix n’a été requis pour verbaliser les faits.

   Tel que susmentionné, le 19 octobre 2020, une partie des corps du délit relatifs à l’assassinat de Maître  Monferrier  DORVAL  au  Greffe  des  cabinets  d’instruction.  En  ce  sens,  il  convient  de souligner  le  17  septembre  2020,  quatre  (4)  individus  arrêtés  dans  le  cadre  de  l’assassinat  de Maître Monferrier  DORVAL,  ont  été  incarcérés.  Il s’agit de  Modeler  SENEJEAU  alias Abiby, Makender FILS-AIME, Valery DORT et Vilpique DUNES alias Jah. Ce dernier avait été arrêté avec  en  sa  possession  deux  mille  trois  cent  trente-dix-sept  (2.377)  dollars  américains,  cent quatre-vingt-treize mille deux cent trente-cinq (193.235) gourdes, cinq (5) cartes bancaires, un (1) téléphone portable de marque IPhone 10, une (1) arme à feu ainsi que trois (3) permis de port d’armes à feu.

   Ces  objets  ainsi  que  les    montants  susmentionnés  ont  été  saisis  par  la  police  judiciaire  et transférés au Parquet près le Tribunal de première instance de Port-au-Prince. Aujourd’hui, il est bruit dans les couloirs du Parquet que ce montant a aussi été volé.

VII.      MESURES PRISES PAR LES AUTORITES JUDICIAIRES

55.     De  manière  générale,  lorsqu’un  vol  est  enregistré  dans  un  des  cabinets  d’instruction  du Tribunal de première instance de Port-au-Prince, les greffiers-ères qui y sont affectés ont pour devoir d’informer le greffier en chef et/ou le doyen du Tribunal à charge par eux de requérir un juge de paix en   vue   de   dresser   procès-verbal   des   faits   de   vol.   Cependant,   cette   procédure   n’étant   pas sacramentelle, certains greffiers-ères requièrent eux-mêmes les juges de paix ou dressent eux-mêmes l’inventaire des objets ou valeurs perdus avant de les remettre par la suite au greffier en chef.

56.     Au niveau du Parquet, tous  les dossiers de vol ont été confiés au substitut commissaire du gouvernement Bed-Ford CLAUDE  qui sollicite généralement une enquête de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ).

57.     Selon  l’administrateur du  Parquet  Jacques  Edouard

ACCILIEN, rencontré dans le 2016   et   2017,   des   mesures renforcer     la     sécurité du caméras avaient  été magistrats-tes.  Toutefois,  ils

Les  caméras  installées  en  2016  et 2017  pour  contrôler  les  rentrées  et sorties  du  Parquet  ont  été  sabotés. Celles  qui  se  trouvaient  à  l’intérieur des      bureaux      des      parquetiers, désinstallées sur leur insistance. cadre  de  cette  enquête,  entre avaient    été    adoptées    pour Parquet.    En    ce    sens,    des installées dans les bureaux des ont   tant   et   si   vaillamment contesté qu’il a été décidé de les enlever.

58.     Les caméras  qui avaient été installées  pour  leur part  dans  les autres espaces du Parquet ont été sabotées et les fils coupés. Il a même été rapporté au   RNDDH   que   lors   du   sabotage   des   fils   de   caméra,   même   les   fils conducteurs de l’internet ont été sectionnés.

59.     Le 22 juillet 2020, lors d’une visite du Premier Ministre Joseph JOUTHE et du ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Maître Rockefeller VINCENT, le doyen Maître Bernard SAINVIL en a profité pour soulever le dossier de l’insécurité au palais de Justice en général. Cependant, à date, aucune réponse ne semble lui avoir été communiquée.

60.     Par  ailleurs,  suite  à  une  correspondance  adressée  à  Maître  Levelt  MILORD  directeur  des affaires  judiciaires  au  Ministère  de  la  Justice  et  de  la  Sécurité  Publique  par  le  Justice  Sector Stregthening Program (JSSP), portant sur les inquiétudes du JSSP relatives à la disparition répétée de nombreux matériels et équipements, Maître Levelt MILORD a passé les instructions formelles au Parquet en vue de diligenter une enquête.

61.     En ce sens, en date du 28 septembre 2020, le juge de paix Carmin BAPTISTE a été requis par le Parquet et a dressé son procès-verbal selon lequel, des matériels et équipements portant le tag de la United States Agency For International Development (USAID), ont effectivement été dérobés. Il s’agit de :

  Quatre (4) UPS,

  Trois (3) ordinateurs de bureaux,

  Cinq (5) claviers USB,

  Cinq (5) souris USB.

62.     Ces  matériels  et  équipements  volés  se  trouvaient  installés  au  Greffe  2  du  Parquet  où  sont localisés  cinq  (5)  postes  du  personnel  affecté  au  programme  de  Gestion  Informatisée  des  Cas Judiciaires (GICAJ).  L’enquête semble n’avoir pas encore abouti.

63.     Tout récemment, soit le 30 octobre 2020, le commissaire du gouvernement Gabriel DUCARMEL a affirmé au RNDDH avoir requis huit (8) agents-tes de sécurité supplémentaire en vue de renforcer la sécurité du Parquet et augmenter ainsi leur nombre à seize (16).

64.     Au   moment   de   la   rédaction   de   ce   document,   le Parquet  a  entamé  un  processus  de  classement  du  Greffe  1. En  ce  sens,  trois  (3)  pièces  situées  à  l’arrière  du  bâtiment principal   ont   été   aménagées   pour   recevoir   des   dossiers. Toutefois,  cet  espace  accueille  déjà  sept  (7)  étagères  et  cinq (5) classeurs en mauvais état. De plus, certains pans de mur suintent quand il pleut et les dernières pluies ont occasionné l’inondation d’au moins  l’une (1) de ces salles.

65.      Enfin, il convient de souligner que différents membres du personnel administratif et judiciaire rencontrés au palais de justice de Port-au-Prince dans le cadre de cette enquête se plaignent de la qualité des équipements et matériels mis à leur disposition en vue de garder les différents dossiers dont  ils  ont  la  charge.  Par  exemple,  ils  estiment  que  les  serrures  des  classeurs  sont  facilement altérables, que ceux-ci sont aussi vulnérables au feu.

VIII.  COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS

66.     Cette  enquête  réalisée  par  le  Réseau  National  de  Défense  des  Droits  Humains  (RNDDH) prouve  que,  si  depuis  plusieurs  années,  les  vols  des  corps  du  délit  et  des  pièces  à  conviction  sont régulièrement perpétrés au palais de Justice de Port-au-Prince, de 2018 à 2020, ils se sont intensifiés.

67.     De plus, les effets personnels des différentes parties impliquées dans les dossiers en cours, saisis ou confisqués par la police judiciaire et transférés aux autorités concernées, sont systématiquement dérobés.

68.     S’il est vrai que c’est le vol d’une partie des corps du délit relatifs au dossier de l’assassinat de Maître Monferrier DORVAL  qui a incité le RNDDH à réaliser cette enquête, il n’en reste pas moins vrai  que  l’organisation  est  très  préoccupée  par  l’absence  flagrante  de  politique  de  garde  et  de préservation des éléments constituant les dossiers, au niveau du palais de Justice de Port-au-Prince. Et, c’est justement en raison de cette absence de politique relative à la préservation des corps du délit  que  ceux  constituant  le  dossier  de  l’assassinat  de  Maître  Monferrier  DORVAL  ont  pu  être emportés. En ce sens, le RNDDH reste convaincu que les troublantes circonstances entourant son assassinat auraient dû porter les dépositaires de ces objets à les garder dans un espace sécurisé.

69.     Pour dix-sept (17) des vingt-trois (23) cas de vol perpétrés de 2018 à 2020 au palais de Justice de Port-au-Prince, – soit pour 74 % d’entre eux – aucune effraction n’a été constatée sur les portes donnant  accès  aux  endroits  où  ces  objets  ont  été préalablement  déposés.  Seuls  les  classeurs  et  les armoires métalliques ont été à chaque fois,  endommagés par les cambrioleurs. Ceci révèle que ces vols ont été commis par des individus faisant partie du personnel administratif et judiciaire affecté à ce palais de Justice, ou avec leur complicité.

70.     De plus, il ne fait aucun doute que ces vols en cascade impactent grandement le déroulement des  dossiers  en  souffrance  et  causent  de  grands  préjudices  aux  personnes  privées  de  liberté,  en attente de jugement. En effet, la subtilisation des corps du délit et pièces à conviction empêche à la Justice  de  rendre  une  décision  saine,  basée  sur  les  faits  et  respectueuse  des  droits  aux  garanties judiciaires de toutes les parties impliquées. D’une part, avec ces disparitions répétées, les personnes en attente de jugement risquent de passer beaucoup plus de temps en prison, d’autre part, la partie civile est complètement effacée de l’équation car, selon l’article 294 du Code d’Instruction Criminelle, elle a le droit d’exiger restitution et dommages-intérêts pour les préjudices subis. Cet article stipule en  effet  que :  Lorsque  l’accusé  aura  été  déclaré  coupable,  le commissaire  du  gouvernement fera  sa réquisition  au  Tribunal  pour  l’application  de  la  loi.  La  partie  civile  posera  ses  conclusions  à  fin  de restitution et de dommages-intérêts. Dans ce cas précis, comment exiger la restitution d’objets qui ont été  dérobés par  ceux-là mêmes  qui  sont  appelés  à  jouer  une  partition dans  l’administration  de  la Justice ?

71.     Le RNDDH regrette que l’absence d’un registre tenu régulièrement à jour, faisant  état des différents  objets  qui  sont  gardés  au  palais  de  Justice,  empêche  de  vérifier  l’ampleur  des  dégâts enregistrés à date. Cependant, il reste convaincu que la situation actuelle est sciemment maintenue parce qu’elle fait l’affaire de ceux et celles qui veulent continuer de pouvoir disposer des objets de valeur confisqués par la police judiciaire et transférés à la Justice pour les suites de droit.

72.     Le RNDDH rappelle en ce sens que la soustraction, la destruction ainsi que l’enlèvement de pièces ou de procédures criminelles ou d’autres papiers, registres, actes et effets contenus dans des archives,  greffes  ou  dépôts  publics,  ou  remis  à  un  dépositaire  public,  en  cette  qualité,  sont imputables  aux  greffiers,  archivistes,  notaires  ou  tous  autres  dépositaires.  En effet,  selon  l’article 213 du Code Pénal, « Quiconque se sera rendu coupable des soustractions, enlèvements ou destructions mentionnés en l’articles précédent, sera puni de la réclusion.» Et, « Si le crime est l’ouvrage du dépositaire lui-même, il sera puni des travaux forcés à temps. »

73.     Par ailleurs, vingt-quatre (24) agents-tes de sécurité recrutés par le Ministère de la Justice et de la  Sécurité  Publique  et  renforcés  par  vingt  (20)  agents  de  la  Police  Nationale  d’Haïti  (PNH)  sont affectés au palais de Justice de Port-au-Prince. Plusieurs parmi eux y assurent la sécurité de nuit. Cependant, leur présence ininterrompue n’aide nullement à prévenir ces vols.

74.     Le doyen du Tribunal de première instance de Port-au-Prince, Maître Bernard SAINVIL ainsi que  les  différents  commissaires  du  gouvernement  qui  se  sont  succédé  à  la  tête  du  Parquet  de  ce ressort,  ne  semblent  pas  choqués  par  ces  nombreux  scandales  qui  éclaboussent  et  discréditent l’appareil  judiciaire  haïtien.  Car,  en  dépit  du  fait  que  les  corps  du  délit  et  pièces  à  conviction constituent  des  objets  incontournables  à  la  manifestation  de  la  vérité,  aucune  sanction  –  même administrative  –  n’a  jamais  été  prise  et  aucune  poursuite  judiciaire  n’a  jamais  été  engagée  à l’encontre des dépositaires de ces objets, en vue de mettre fin à ces vols, selon toute vraisemblance, organisés.

75.     A  ce  rythme,  il  est  clair  qu’on  ne  peut  demander  à  des  justiciables  de  s’en  remettre  aux autorités judiciaires lorsque le personnel semble ne pas pouvoir lui-même résister aux corps du délit, pièces à conviction et effets personnels des parties impliquées dans les dossiers. Puisqu’il s’agit des objets  leur  appartenant  en  propre  dans  certains  cas  ou  pire,  des  produits  de  leurs  forfaits,  dans d’autres  cas,  ces  vols  répétés  au  palais  de  Justice  de  Port-au-Prince  contribuent  à  renforcer  le manque de confiance de la population haïtienne en général et des justiciables en particulier, dans la Justice et dans son administration.

76.     Le dysfonctionnement des différents services au palais de Justice de Port-au-Prince, la montée vertigineuse  du  taux  de  détention  préventive  illégale  et  arbitraire,  la  violation  systématique  des droits aux garanties judiciaires des personnes privées de liberté, additionnés aux vols des corps du délit, pièces à conviction et effets personnels des parties prouvent, si besoin en était, qu’aujourd’hui plus  que  jamais,  la  situation  au  palais  de  Justice  de  Port-au-Prince  est  catastrophique.  Cette situation  exige  par  conséquent  l’intervention  immédiate  de  l’organe  de  contrôle  que représente  le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) ainsi que l’intervention du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique.

77.     Le  personnel  administratif  et  judiciaire  affecté  au  Parquet,  au  Décanat  du  Tribunal  de première instance de Port-au-Prince, ainsi qu’à tous les services sans distinction du palais de Justice,

doit faire l’objet d’un vetting sérieux. Et, des décisions sévères doivent être prises à l’encontre de ceux et de celles qui sont impliqués dans cet incommensurable fiasco que représente aujourd’hui le fonctionnement du palais de justice de Port-au-Prince.

78.     Se basant sur ces considérations, le RNDDH recommande aux autorités judiciaires de :

   Organiser la garde et la préservation des corps du délit, pièces à conviction et effets personnels des parties impliquées dans les dossiers, tant au Parquet qu’au Tribunal de première instance de Port-au-Prince ;

  Prendre toutes les mesures en vue de sécuriser efficacement les locaux du palais de Justice de Port-au-Prince ;

   Enregistrer  méticuleusement  les  corps  du  délit,  pièces  à  conviction  et  objets  personnels confisqués ;

   Sécuriser et vérifier régulièrement les corps du délit, pièces à conviction et objets personnels confisqués ;

   Enquêter  sur  tous  les  cas  de  vols  enregistrés  au  palais  de  Justice  de  Port-au-Prince et poursuivre tous ceux et toutes celles qui y sont impliqués ;

   Prendre toutes les dispositions qui s’imposent en vue de mettre fin à ces vols en cascade de corps du délit, pièces à conviction et objets personnels des parties impliquées dans les dossiers en cours ;

   Fournir  aux  greffes  du  palais  de  Justice  de  Port-au-Prince  des  matériels  et  équipements  de qualité, résistants aux flammes.


1  Dans  la  soirée  du  28  août  2020,  Maître  Monferrier  DORVAL  a  été  criblé  de  balles  devant  la  barrière  de  sa résidence, à Pèlerin 5, à proximité de la maison   du président de la République, Jovenel MOÏSE. L’instruction judiciaire  du  dossier  est  confiée  au  magistrat  Rénord  RÉGIS  et  au  moins  quatre  (4)  personnes  sont  à  date écrouées.

2 Le corps du délit, Muriel Brouquet CANALE, Dans Essaim 2001/2 (no8), pages 29 à 34

3 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/conviction/19012

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