Rapport d’évaluation de la situation de la population du grand sud : besoins et défis à l’accès aux aides d’urgence après le séisme du 14 août

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par Me Camille OCCIUS et Stevens JEAN FRANCOIS

Lundi 23 août 2021 ((rezonodwes.com))–

SOMMAIRE

I. RESUME INTRODUCTIF

II. METHODOLOGIE

III. LA PROTECTION DE LA VIE, LA SECURITE DE LA PERSONNE,
L’INTEGRITE PHYSIQUE ET LA DIGNITE
3.1 Les évacuations, les réimplantations et autres mesures de sauvetage
3.2 La protection contre les impacts négatifs des risques naturels
3.3 La protection contre la violence
3.4 La sécurité des regroupements de personnes affectées

IV. LA PROTECTION DES DROITS LIES AUX BESOINS ESSENTIELS
4.1 L’accès aux produits de première nécessité et aux services et l’action
humanitaire
4.2 La fourniture d’aliments et d’eau de manière appropriée et d’hygiène, d’abris de vêtements ainsi que des services de santé appropriés

V. LA PROTECTION DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
5.1 L’éducation
5.2 La propriété et les possessions
5.3 Le logement
5.4 Les moyens d’existence et l’emploi

VI. LA PROTECTION DES DROITS CIVILS
6.1 La documentation
6.2 La liberté de mouvement et le droit de retour à son domicile
6.3 La vie de famille et les parents manquants ou décédés
6.4 L’expression

VII. LA SITUATION DES DETENU-E-S A LA PRISON CIVILE DES CAYES

VIII. RECOMMANDATIONS

I- RESUME INTRODUCTIF

Dès les premières heures après le séisme qui a frappé les départements du Sud, des Nippes et de la Grand’Anse, l’OCNH a documenté la situation de la population. Du 14 au 19 août 2021, elle a étendu ses activités d’observation de l’accès à l’aide d’urgence entre autres, défis de la réponse post-sismique.

De magnitude 7.0 sur l’échelle de Ritchter, vers 8 heures 30 du matin, le 14 août 2021 le
tremblement de terre a causé de nombreux dégâts dans les communes les proches de son épicentre et a été ressenti à des kilomètres.

Les personnes affectées par ce drame qui, selon les projections disponibles aurait détruit plus de 52,923 maisons, endommagé 77,006. Plus de 136,800 familles sont sinistrées et 700,000 personnes en situation d’attente d’une assistance alimentaire en toute urgence sont localisées dans trois départements géographique d’Haïti : Sud, Grand ’Anse et Nippes. Le bilan humain publié le 22 août par la Direction de la Protection Civile est lourd! 2,207 morts ; 12,268 blessés et 344 sont portées disparues selon les données officielles.

Depuis le mois de mai 2021, avec le soutien de ses partenaires l’OCNH avait renforcé sa présence dans le grand sud d’Haïti. Ainsi, dès les premières heures après la survenue de cette catastrophe naturelle, elle a pu mobiliser ses ressources humaines sur le terrain pour évaluer la situation de la population.

L’équipe sur place a été renforcée par une délégation de cadres venant du bureau central de l’organisation de promotion et défense des droits de la personne ayant les compétences et une expérience de plusieurs années dans le monitoring de la situation des personnes particulièrement les membres des groupes vulnérables et à besoins particuliers.

L’équipe de l’Organisation des Citoyens pour une Nouvelle Haïti (OCNH), une fois renforcée, a intensifié ses activités d’observation de jour comme de nuit et échangé avec particulièrement la population qui vivait et qui continue à vivre une situation exceptionnelle.

II- METHODOLOGIE

Au regard des Principes de solidarité, non-discrimination, humanité, impartialité, neutralité et coopération, l’équipe de l’OCNH consciente que les droits de l’homme doivent être placés comme la priorité des opérations de secours après toute catastrophe naturelle a sillonné la ville des Cayes en premier lieu durant la journée du 14 août 2021 puis dès le lendemain a étendu aux autres communes touchées du grand sud ses activités d’appréciation des actions entreprises pour porter secours à la population et préserver la vie des personnes sinistrées. Au regard des principes précités l’équipe de l’OCNH a observé l’accès à l’aide d’urgence dont les soins de santé et les opérations de secours ; les conditions matérielles dans lesquelles vivent les rescapés du séisme ainsi que l’acheminement et la distribution de l’aide au regard du respect de leur dignité et de leur humanité.

Les sources principales d’information sur lesquelles ce rapport est basé sont en premier lieu les observations des agents de l’OCNH dépêchés sur place, les données collectés sur le terrain et les échanges avec des personnes affectées par le séisme soit au camp de fortune qui commençait à prendre forme au Parc Larco dans la ville des Cayes et d’autres sinistrés rencontrés dans des quartiers des Cayes et d’autres sections des communes de la Grand’Anse, des Nippes et du Sud comme Torbeck, Camp Perrin, Pestel, Corail, Aquin, Saint Louis du Sud, Dame Marie, Les Irois, Beaumon, Moron, Chambellan, Cavaillon pour ne citer que ceux-là.Le responsable de la prison civile des Cayes, l’Inspecteur Divisionnaire, Azor Michel, a aussi été rencontré pour faire le point sur la situation des personnes en situation de détention au centre carcéral.

Ce rapport entend relater, le plus objectivement possible, les observations de l’OCNH sur la situation de la population ainsi que les informations recueillis au moyen des entretiens réalisés.

La protection de la vie, la sécurité de la personne, l’intégrité physique et la dignité ; la protection des droits liés aux besoins essentiels ; la protection des droits économiques, sociaux et culturels et la protection des droits civils et la situation des détenu-e-s à la Prison Civile des Cayes ont été examinés.

III- LA PROTECTION DE LA VIE, LA SECURITE DE LA PERSONNE, L’INTEGRITE PHYSIQUE ET LA DIGNITE

3.1 Les évacuations, les réimplantations et autres mesures de sauvetage

Pour protéger les personnes des catastrophes naturelles représentant de graves risque pour la vie, l’intégrité physique ou la santé des personnes, toutes les mesures appropriées et nécessaires doivent être prises. Parmi les actions à entreprendre pour protéger les personnes en danger, particulièrement les groupes vulnérables, figure leur évacuation de la zone dangereuse ou la fourniture de l’aide leur permettant de se déplacer ce, en s’assurant que leurs droits à la vie, à la dignité, à la liberté et à la sécurité soient pleinement respectés. Les habitations et les bien communs laissés sur place devront être sauvegardés et les personnes évacuées enregistrées alors que leur évacuation doit être surveillée.

La catastrophe naturelle une fois produite, les personnes affectées doivent être autorisées à se déplacer, s’écarter du danger et s’installer. Ce droit ne doit être soumis à aucune restriction hormis celles prévues par la loi. Pourtant, dans le cas du tremblement de terre qui a frappé Haïti le 14 aout 2021, dans son communiqué y relatif, le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE) s’est positionné contre « la prolifération de camps de fortune » et appelé à la distribution de tentes et de bâches en plastiques aux personnes dont leurs maisons ont été affectées ce afin qu’elles puissent passer la nuit à proximité de leur résidence.

Les autorités auraient dû évaluer les risques avant de prendre une telle décision. Le communiqué du MPCE portant la date du 14 août, il devient presqu’évident qu’aucune évaluation de la situation n’a pu motiver une telle décision. Selon les observations de l’équipe de l’OCNH, une application à la lettre du communiqué du MPCE aurait pu avoir de sérieuses répercussions sur la vie de la population. En effet, rester à proximité de certaines maisons endommagées constitue un réel danger pour la vie, la sécurité, l’intégrité physique et la santé des personnes. Le droit de vivre en un lieu sur, paisible et digne n’a, vraisemblablement, pas été pris en compte dans la planification de cette décision.

À pied d’œuvre depuis les premières heures après le séisme, les sauveteurs se sont démenés pour sauver et préserver la vie des personnes emprisonnées sous les décombres. Neuf jours après le séisme, la Direction de la Protection Civile, a annoncé qu’ils ont retrouvé en vie 24 personnes dont 4 enfants coincées sous les décombres à Pic Macaya. L’OCNH note toutefois que certaines zones difficiles d’accès n’ont toujours pas bénéficié des services de sauveteurs professionnels, la population dans un élan de solidarité qui mérite d’être signalé, a volé aux secours des gens en difficulté.

3.2 La protection contre les impacts négatifs des risques naturels

Des mesures de protection des personnes affectées par le tremblement de terre du 14 août 2021 contre d’éventuels risques secondaires et d’autres catastrophes se font encore attendre. Les répliques sismiques et le passage de la tempête GRACE moins de quarante huit (48) heures après le tremblement de terre ont mis en évidence la limite des dispositions prises. Certaines personnes, pour fuir les averses occasionnées par le passage de la tempête se sont refugiées dans leurs maisons alors que certaines de celles-ci étaient endommagées. D’autres ont passé la nuit sous la pluie. Des enfants, des femmes et d’autres personnes vulnérables ont connu des nuits difficiles.

Les tentes et les bâches en plastique tardent à être distribuées. Des gens dorment dans des voitures, à l’arrière des camions, à la belle étoile ou dans des abris de fortune recouverts de draps ou de bâches, elles ont beaucoup souffert durant le passage de la tempête. Dans le département de la Grand’Anse, l’équipe de l’OCNH a observé la construction de huttes comme abris provisoires où les personnes ne peuvent tenir debout et ne peuvent y accéder qu’en rampant. Certaines personnes, une infime quantité, ont quant à elles opté pour la construction d’abris recouverts de tôles ondulées. Toutefois, leur proximité avec des routes ou des maisons endommagées les expose à d’autres dangers.Certains espaces sont occupés uniquement la nuit par la population, de jour les gens retournent à proximité de leur domicile ou vont vaquer à des occupations comme trouver de l’eau ou de la nourriture. Le seul espace où la tendance vers une occupation permanente semble se confirmer est le camp établi dans les installations du parc Larco. Des gens y ont emmené les meubles qu’elles ont pu récupérer et des portes ont été confectionnées et installées pour s’approprier chaque espace occupé. Abandonnées, sans aucune aide humanitaire, ces personnes occupent l’espace dans des conditions hygiéniques inacceptables. Les données recueillis par l’équipe de l’OCNH permettent d’attester que trois femmes ainsi que leurs nourrissons qui sont venus au jour dans les 24 heures précédent le séisme y vivent. 22 autres nourrissons, 239 enfants, 9 personnes avec des handicaps et 109 personnes âgées y vivent entassés dans des espaces réduits quand la pluie les empêche de dormir à la belle étoile. Une telle concentration et les conditions de vie, sans eau potable entre autre, sont inquiétantes.

3.3 La protection contre la violence

Les autorités locales, le personnel de la Police Nationale d’Haïti (PNH) ont la lourde responsabilité d’assurer non seulement la sécurité des populations affectées par le séisme mais aussi celle des personnes venues aider. Les données collectées montrent qu’il y a encore beaucoup à faire en matière de sécurité. Des habitants de zones touchées par le séisme comme Saint Louis du Sud et Cavaillon se sentant abandonnés et en signe de protestation ont érigé des barricades et tenté de piller des véhicules transportant des aliments, de l’eau et d’autres produits vers le sud. Pourtant, il n’a pas été constaté de présence permanente de personnel de police dans ces zones en proie à une considérable détérioration de l’ordre public.

Aucune mesure réelle n’a été prise pour protéger les populations affectées, particulièrement les femmes et les enfants, contre la traite, les travaux forcés, la prostitution forcée ou l’exploitation sexuelle. Aucun mécanisme de traitement de cas de violence et autres violations des droits de l’homme n’a été mis en place. La prise de dispositions plaçant la protection des droits des personnes affectées par le séisme au centre des interventions se fait encore attendre.

3.4 La sécurité des regroupements de personnes affectées

L’équipe de l’OCNH n’a identifié, 5 jours après le séisme, la prise d’aucune mesure visant à permettre aux personnes affectées de se rétablir le plus rapidement possible voire de devenir auto-soutenables. La distribution de tentes, de bâches, de bois et de tôles se fait encore attendre. Les prix de ces produits ont explosés sur le marché. Alors que la possibilité d’autonomie ou d’assistance rapide à la réhabilitation est quasi inexistante, les agents de l’OCNH n’ont dénombré qu’un camp en devenir et deux autres qui vu leur existence uniquement la nuit, devront disparaitre une fois les secousses sismiques moins fréquentes.

Les regroupements d’individus identifiés sont situés dans des régions comportant peu de risques naturels. Des terrains vagues loin des maisons ayant été priorisés. Certes au camp Larco, on devra vérifier si la masse de béton recouvrant les vestiaires et autres espaces où les gens se sont abritées ne représente aucun danger.

Toutefois, il faut mentionner que ces regroupements de personnes dans leurs quartiers, n’ont pas été aménagés de manière à maximiser la sécurité et la protection des personnes particulièrement les femmes, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées etc.

Alors quelques jours avant le séisme, l’insécurité battait son plein dans la ville des Cayes et ses environs il n’y a jusqu’à date aucune initiative prise pour garantir la sécurité des personnes. Les mécanismes appropriés pour traiter les cas de violence et autres violations des droits de l’homme se font encore attendre.

IV- LA PROTECTION DES DROITS LIES AUX BESOINS ESSENTIELS

4.1 L’accès aux produits de première nécessité et aux services et l’action humanitaire

Les personnes affectées par le séisme du 14 août n’ont pas accès aux produits de première nécessité et aux services nécessaires à leurs besoins essentiels. L’évaluation de leurs besoins sans distinctions défavorables autre que celle portant sur leurs besoins particuliers tarde à être effective. Suite à l’observation de récentes opérations de distribution toutes émaillées de

volence et plus assimilables à des scènes de pillage, les agents de l’OCNH ont reconnu à l’unanimité que l’accès en toute sécurité et non-discriminatoire à l’assistance humanitaire n’est pas garantie à toutes les personnes dans le besoin.Aucune mesure n’a été prise pour accorder un accès prioritaire aux groupes vulnérables tels
que les minorités, les personnes âgées, les personnes seules, les personnes handicapées et les enfants non-accompagnés et séparés. Les principes d’humanité et d’impartialité qui auraient dû guider l’action humanitaire ne sont pas respectés faute entre, autres, d’une coordination efficace passant par une répartition des tâche et l’identification de Qui fait Quoi et Où (3 W : Who, What, Where).

Le système de distribution de l’assistance humanitaire n’ayant pas été clairement défini, cinq jours après le séisme des communes affectées n’ont toujours reçu d’assistance. L’eau de boisson manque cruellement dans certaines zones touchées par le séisme. Les difficultés d’accès à certaines sections communales, la dégradation de certains tronçons routiers, la destruction des structures portuaires etc. rendent la tâche encore plus difficile.

4.2 La fourniture d’aliments et d’eau de manière appropriée et d’hygiène, d’abris de vêtements ainsi que des services de santé appropriés

Les personnes affectées par le séisme ont grandement besoin de ces produits de première nécessité et services. En principe, ces produits et services doivent être disponibles, accessibles, acceptables et adaptables. Pourtant, aucun des deux n’est mis à la disposition des personnes affectées ni en quantité ni en qualité suffisante. Ils ne sont disponibles en toute sécurité ni ne sont physiquement accessibles par tous. Ils ne sont pas connus des bénéficiaires.

La nourriture, l’eau, les abris, les vêtements n’étant pas disponibles en quantités suffisantes devraient être fournis en premier lieu à ceux qui en ont le plus besoin. La définition du besoin de chaque personne affectée sur des critères non discriminatoires et objectifs n’est pas encore réalisée. Dans la Grand’Anse particulièrement, des personnes affectées souffrent de pénurie d’eau, d’abris, de vêtements et de services de santé. Les enfants souffrent aussi de cette situation. Selon les données de l’UNICEF, environ un demi-million d’enfants haïtiens n’ont qu’un accès limité ou nul à un abri, à l’eau potable, aux soins de santé et à la nutrition.

De nombreuses personnes ont lancé des cris d’alerte aux agents de l’OCNH et se sont plaints de la non-disponibilité de l’eau. À Guillaume, Burin, Canon et Leprête, quatre localités de la 4e section communale de Chantal, 247 maisons ont été détruites, 26 endommagées. Comme bilan humain 15 personnes sont mortes et 27 blessées. Ces localités illustrent la dure réalité des zones reculées qui comme tant d’autres n’ont jusqu’à date n’ont pas encore été touchées par l’aide humanitaire.

L’accès à une assistance psycho-sociale et à des services sociaux n’est pas garantie. Aucune attention particulière n’est accordées aux besoins des femmes en termes de santé particulièrement la fourniture d’articles sanitaires et l’accès aux soins de santé féminine. La COVID-19 qui pourtant faisait des victimes en Haïti avant le séisme semble avoir été reléguée au second plan. Il n’y a pas d’attention particulière à la prévention des maladies contagieuses et infectieuses dont le VIH/SIDA.

De nombreuses structures sanitaires ont été affectées par le tremblement de terre, 4 (Beaumont, Carrefour Charles, Fleurant et L’Asile) de ont été détruites et 25 (Disp. Arnaud, Bonne Fin, Port à Piment, Les Anglais, HSA, Pestel, Saint Pierre de Corail, Coteaux, Baradères, Petit- Trou, Anse-à-Veau, Disp Gauthier Civil, OFATMA, 4 Chemins, Centre de Sante de Sacré Cœur, Caramel, Chantal, Citymed, Chardonnières, Saint Louis du Sud, DispMorisseaux, Disp de Changieux, Capentier, Hopital des Cayes (pédiatrie détruite) et CampPerrin) ont subi des dommages infrastructurel.

Dans les heures qui ont suivi le tremblement de terre, la demande de soins de santé a explosé.

L’Hôpital de Camp Perrin par exemple qui faisait déjà face à des une logistique déficiente, dans les 24 heures après le séisme a reçu plus de 500 patients. Bon nombre d’entre eux ont été transférés à l’Hôpital des Cayes qui, lui aussi est débordé.

Les soins de santé ne sont toujours pas accessibles à tous. De nombreuses victimes attendent encore. Les structures hospitalières doivent faire face à une situation exceptionnelle et les ressources nécessaires tardent à arriver. Au camp Larco par exemple, l’équipe de l’OCNH a rencontré les parents d’un enfant de 11 ans qui a eu un pied fracturé et qui n’avait toujours pas reçu les soins que nécessitait

reuses écoles ont été détruites ou abimées par le séisme. Selon les données de collectées par l’OCNH, dans le département de la Grand’Anse plus de 60 écoles ont été détruites. À quelques semaines de la date fixée par le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) pour la réouverture des classes, la question du retour des enfants affectés à la scolarité tarde à être posée. Pourtant des mesures pour garantir l’accès à l’éducation à tous les niveaux et empêcher sa perturbation se font attendre. Il faudra surtout engager des efforts particuliers pour assurer la pleine et égale participation des femmes et des filles.

5.2 La propriété et les possessions

Les autorités compétentes doivent protéger contre le pillage, la destruction ou la prise de possession illégale ou arbitraire les propriétés des personnes affectées par le tremblement de terre. Des dispositions ne sont jusqu’à date prises pour prévenir le pillage de certaines entreprises. Des propriétaires ont été obligés d’ériger des murs à l’intérieur de leurs entreprises endommagées pour empêcher qu’elles soient pillées.

La prise de mesures menant au retour des personnes à leurs propriétés et possessions se fait encore attendre. Les locataires qui n’ont plus de toit sur leurs têtes, les propriétaires dont les titres ou les documents de propriété ont été endommagés ou égarés ne savent toujours pas à qui s’adresser.

5.3 Le logement

Les mesures qui devraient pourtant être prises le plus rapidement possible, sans aucune forme de discrimination, pour permettre l’accès à un abri temporaire ou intermédiaire en attendant la transition à un logement temporaire ne sont toujours pas d’actualité. Pourtant sur la base des critères comme : l’accessibilité, le caractère abordable, l’habitabilité, la sécurité en vue de réduire les dommages en cas de futures catastrophes et l’accès aux services essentiels comme la santé et l’éducation ces mesures devraient être prises. Une évaluation des maisons endommagées et un accompagnement technique des propriétaires des maisons endommagées ne sont pas encore à l’ordre du jour.

5.4 Les moyens d’existence et l’emploi

Durant la phase d’urgence, dans la mesure du possible évidemment, des projets de restauration des activités économiques, des moyens d’existence qui ont été perturbés par la catastrophe doivent être initiés. Aucune mesure n’a été encore prise pour identifier les personnes dans l’incapacité de revenir à leurs sources de moyens d’existence avant la catastrophe et les accompagner à redevenir autonomes ce, sans aucune forme de discrimination.

VI- LA PROTECTION DES DROITS CIVILS

6.1 La documentation

Le séisme, selon les données officielles, a causé la destruction de 52,923 maisons. Bon nombre de documentations personnelles, déjà difficiles d’accès dans les départements les plus touchés par le séisme, ont certainement été perdues ou détruites. La perte de documentation personnelle ne doit toutefois pas être utilisée comme motif pour justifier le refus de denrées alimentaires de base et de service de secours ni pour empêcher l’accès des personnes à des possibilités d’emploi.

6.2 La liberté de mouvement et le droit de retour à son domicile

Bon nombre de personnes ont laissé leur domicile. Bon nombre de logements ont été détruits par le séisme. Jusqu’à date, les autorités se positionnent contre le pullulement de camps de fortune et invitent la population à rester à proximité de leur demeure, ce qui n’est pas sans danger. En vertu de leur droit à la liberté de mouvement, les personnes doivent exercer leur droit de décider librement du lieu où elles veulent vivre. Pourtant les mesures visant la mise en place de conditions favorables à un retour dans leur résidence la sécurité et la dignité n’ont pas encore été prises.

6.3 La vie de famille et les parents manquants ou décédés

À nos jours, aucune disposition connue n’a été prise pour vérifier si des familles ont été séparées voire pour réunir ses membres. L’OCNH n’a pas identifié d’enfants séparés ou non- accompagnés mais ne peut cependant pas affirmer qu’il n’y en pas, l’absence de dispositions pour mettre à leur disposition une assistance tenant compte de leurs intérêts supérieurs n’est pas justifié pour autant.

Les dépouille des personnes décédées dans leur grande majorité ont été récupérées et enterrées par leurs proches. Dans les cas où le plus proche parent n’a pu être identifié ou contacté, les dépouilles ont été mises en terre.

6.4 L’expression

Aucun mécanisme connu n’a été mis en place pour permettre aux communautés de fournir leurs réactions et de formuler des plaintes ou des réclamations relatives aux secours d’urgence et aux efforts de redressement et de reconstruction. Les femmes et les personnes ayant des besoins spéciaux (les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes seules etc.) ne sont pas consultées et n’arrivent pas à participer à tous les aspects des secours à la catastrophe.

VII- LA SITUATION DES DETENU-E-S A LA PRISON CIVILE DES CAYES

Lors du séisme un bloc de la prison civile des Cayes s’est effondré. La prison surpeuplée a donc eu un espace encore plus réduit pour les détenu-e-s. Pire, dans une tentative d’évasion, des détenu-e-s ont mis le feu dans le bloc ayant un toit en tôle. Le feu a emporté tout l’espace et une vingtaine de détenus se sont évadés. Pour faire face à cette situation, les responsables de la prison ont transféré certains détenus à Petit-Goâve, les femmes ont été installées dans un espace du commissariat des Cayes et le reste des détenus occupent le peu d’espace sécuritaire de la prison.

Les détenu-e-s manquent de tout : vêtements, kits hygiéniques etc. Touchés par le séisme leurs proches n’arrivent pas à leur apporter de l’eau ni de la nourriture comme ils avaient l’habitude de la faire. L’administration pénitentiaire est incapable d’y remédier et les détenu-e-s sont dans l’insécurité alimentaire.

VIII- RECOMMANDATIONS

Fort de tout ce qui précède, l’OCNH recommande donc aux autorités de :
1- Prendre d’urgence les mesures nécessaires afin d’autoriser les personnes affectées à se déplacer, s’écarter du danger et s’installer;
2- Mettre en place des mesures nécessaires pour protéger les personnes affectés des autres impacts négatifs du séisme ;
3- Accorder un accès prioritaire aux groupes vulnérables tels que les minorités, les personnes âgées, les personnes seules, les personnes handicapées et les enfants non-accompagnés et séparés;
4- Assurer la sécurité des populations affectées par le séisme mais aussi celle des personnes venues aider ;
5- Prendre des dispositions pour protéger les convois humanitaires ;
6- Veiller à assurer la sécurité des personnes affectées ;
7- Evaluer la situation et les besoins des personnes affectées ;
8- Améliorer la coordination de l’action humanitaire en passant par une re-définition du système de distribution de l’assistance humanitaire;
9- Rendre la fourniture d’aliments et d’eau de manière appropriée et d’hygiène, d’abris de vêtements ainsi que des services de santé appropriés disponibles, accessibles, acceptables et adaptables;
10- Mettre en place un mécanisme de traitement de cas de violence et autres violations des droitsde l’homme;
11- Favoriser l’accès à une assistance psycho-sociale et à des services sociaux;
12- Accorder une attention particulière n’est accordées aux besoins des femmes;
13- Mettre en place un cadre de prévention des maladies contagieuses et infectieuses dont le VIH/SIDA;
14- Garantir à tous l’accès aux soins de santé, à l’aide humanitaire etc. ;
15- Prendre des mesures pour identifier et soutenir les efforts de reconstruction des écoles touchées ;
16- Prendre des mesures d’accompagnement en vue de garantir le retour des enfants, entre autres, à l’école ;
17- Protéger contre le pillage, la destruction ou la prise de possession illégale ou arbitraire les propriétés des personnes affectées par le tremblement de terre;
18- Faciliter le retour des personnes affectées dans leur domicile si ce dernier ne constitue pas un danger pour leur vie ou leur sécurité;
19- Permettre à tous l’accès à un abri temporaire ou intermédiaire en attendant la transition à un logement temporaire;
20- Mettre en place des projets de restauration des activités économiques, des moyens d’existence;
21- Garantir l’accès à la documentation personnelle à toute personne qui en est dépourvue;
22- Mettre en place des conditions favorables à un retour dans leur résidence la sécurité et la dignité;
23- Prendre des mesures pour mettre à la disposition des enfants séparés ou non-accompagnés une assistance tenant compte de leurs intérêts supérieurs;
24- Permettre aux communautés de fournir leurs réactions et de formuler des plaintes ou des réclamations relatives aux secours d’urgence et aux efforts de redressement et de reconstruction;
25- Réaliser les inhumations de manière à respecter la dignité et l’intimité du défunt et des membres vivants.
26- Prendre en toute urgence des mesures visant à améliorer la situation des détenu-e-s à la prison civile des Cayes.

OCNH (Organisation des Citoyens pour une Nouvelle Haïti

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