Flashback|2 août 1953. Funérailles du Président Estimé : la veuve Estimé refusa de serrer la main au Président Magloire

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Funérailles de Dumarsais Estimé – Place de la Cathédrale de Port-au-Prince, le 2 Août 1953.

Mercredi 21 juillet 2021 ((rezonodwes.com))–

Le général Paul Eugene Magloire, devenu président d’Haiti après l’adoption d’une nouvelle Constitution rédigée aux Gonaives, en décembre 1950, avait une vie sociale intense et était bien connu pour son attitude de bon viveur. La petite histoire veut que ce côté « fêtard » lui attira les foudres de Mme Dumarsais Estimé lorsqu’elle rentra au pays avec la dépouille mortelle de son mari, feu président Dumarsais Estime qui était décédé à New-York le 20 Juillet 1953 à l’age de 53 ans.

Le cercueil du président fut exposé au Palais législatif et le 1er Août, veille de l’enterrement, mais aussi jour de l’armée, Magloire s’arrêta quand même dans un club de nuit situé non loin du Bicentenaire et où ses amis militaires faisaient la fête. Alors que la famille Estimé pleurait le départ d’un jeune président décédé dans des circonstances obscures aux Etats-Unis.

Aux obsèques, le 2 août 1953, l’ex-Première Dame, devant ce qui fut considéré par plusieurs comme une muflerie préméditée, refusa obstinément de se tenir aux côtés d’un président qui, rapportait-on, s’amusait quelques heures avant l’inhumation de son mari.

Carrière politique

Dumarsais Estimé se lance en politique et se fait élire député en 1930 dans la circonscription de Verrettes. Au Parlement, il obtint la confiance de ses collègues qui firent de lui, en 1934, le président de la Chambre des députés. En 1937, il intègre le gouvernement du président Sténio Vincent, détenant le portefeuille de l’instruction publique, de l’Agriculture et du Travail, sans pour autant abandonner son siège au Parlement.

Lorsqu’en 1941, le président Vincent, proposa à l’Assemblée nationale son secrétaire, Élie Lescot, comme potentiel successeur ; Estimé vota en sa faveur et Lescot fut élu président. Le 19 avril 1944, Estimé s’opposa cette fois-ci à la réélection de Lescot, désapprouvant la révision partielle de la Constitution entreprise par le président, et vota contre lui. Ce dernier fut cependant majoritairement réélu.

En tant que député, Estimé observa de près les événements de début 1946, qui conduisirent à la démission du président Lescot. Le gouvernement provisoire, dirigé par Franck Lavaud, mis en place de nouvelles élections. Alors que communistes et nationalistes prônent un changement de régime, Estimé se présenta aux électeurs comme un modéré et fut réélu lors des législatives de 1946.

Le 16 août, les modérés ayant obtenu une majorité à la Chambre des députés, Estimé fut désigné pour être candidat. Il fut élu président de la République après un second vote des députés. Son premier geste de président-élu fut de saluer ses opposants : Dantès Louis Bellegarde, Edgard Numa et Démosthènes Calixte.

Démission et fin de vie

Trois ans après son investiture, et se sentant soutenu par la majorité de ses concitoyens, Estimé décida de renégocier la durée de son mandat qui devrait prendre fin en 1952 et ainsi se succéder à lui-même, ce qui était interdit par la Constitution de 1946

Il demanda au Parlement de réviser la Constitution de 1946 en modifiant l’article 81 et encouragea ses partisans à manifester publiquement en faveur de sa politique. Des manifestations dans les rues de la capitale et autour des bâtiments publics s’ensuivirent. 

Exilé en 1950, Estimé s’installa à New York avec sa famille, après avoir vécu temporairement en France, à Paris, et en Jamaïque. Dumarsais Estimé atteignit la Jamaïque avec sa famille le 23 janvier 1951, à bord du paquebot « le Colombie » de la Compagnie Générale Transatlantique. A leur arrivée au port de Kingston, le service d’Immigration de la Jamaïque leur interdit de débarquer, à la demande du gouvernement d’Haïti présidé depuis octobre 1950 par Paul Magloire, sous prétexte que l’ex-président pourrait causer des troubles en Jamaïque. En fait, Magloire craignait la présence d’Estimé si près d’Haïti et avait envoyé ses partisans (dont Lucien Chauvet) pour convaincre les autorités britanniques et jamaïcaines de refuser à l’ex-président Estimé et sa famille le droit de résider en Jamaïque. 

Trois ans après son exil, Estimé fut frappé d’insuffisance cardiaque et d’urémie grave et s’éteignit le 20 juillet 1953 à New-York.

Son corps rapatrié fut inhumé dans le caveau de la famille, au grand cimetière de Port-au-Prince, après que son successeur, le président Paul Magloire, lui fit des funérailles nationales auxquelles n’assista pas sa veuve, Lucienne Heurtelou (1920-2006), qui ne pardonna pas à ce dernier d’avoir précipité la chute de son mari.

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