15 novembre 2025
Haïti : Quand les représentants du peuple ne s’occupent pas des affaires de la République
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Haïti : Quand les représentants du peuple ne s’occupent pas des affaires de la République

Quelle réflexion ces maux vous inspirent!  
par Me Elco Saint-Amand

Port-au-Prince, mercredi 15 mars 2017 ((rezonodwes.com)).-Les diverses traditions parlementaires du monde entier, et, parmi elles la notion de responsabilité et de représentant du peuple sont issues de cette délégation de pouvoir dont jouissent tous les élus généralement quelconque. Ce principe sacramental du Contrat social nous enseigne que le peuple a délégué, comme de fait délègue son pouvoir à ses représentants, dans le but de défendre des intérêts à caractère général. Est-ce le cas dans notre Haïti ?




La pensée, la philosophie et l’idée politique à l’origine de cette conception ont exercé une influence fondamentale sur le fonctionnement équilibré des choses de la Cité, notre cité de droit et de devoir.

C’est, en effet, le rôle d’un ou des parlementaires dans une société démocratique appelée à créer tout un ensemble de lois et à définir les rapports entre les deux autres pouvoirs, un pouvoir d’équilibre et de contrôle sans la moindre complaisance.

Le pouvoir législatif fait référence aux engagements d’État-Nation, mais depuis quelque temps l’interprétation donnée à cette entité varie beaucoup d’une législature à l’autre… des comportements caractérisés en une sorte de démocratie de personne, une soif de gain personnel.

Quel est le vrai rôle primaire d’un parlementaire ?

Faire des lois et contrôler le gouvernement. Non pas chercher à intégrer le gouvernement ou à y placer ses pions rentables.

Être parlementaire constitue une politique piégée. Selon les dispositions de l’article 88 de la Constitution de 1987, révisée ou non révisée : « Le pouvoir législatif s’ exerce par deux Chambres représentatives. Une (1) Chambre des députés et un (1) Sénat qui forment le Corps législatif ou Parlement».

Si l’on se réfère aux prescrits constitutionnels et sans vouloir rentrer davantage dans des théories de Droit constitutionnel, nous nous arrêtons sur la notion-clé « représentants du peuple», ainsi qu’à ceux qui souhaitent en savoir plus sur les principes et les fondements des attributions peuvent se donner la peine de voir comment les constituants ont bien défini les rôles et les limites des deux Corps, en général, et des parlementaires, en particulier. Dans le langage courant, on ne fait pas la distinction entre les rôles et les attributions du Parlement; c’est pourquoi l’on emploie très fréquemment, si ce n’est pas exclusivement, le terme « parlementaire » parlant alors des « négociateurs».

Les dérives non exhaustives de certains parlementaires





Tout le monde se souvient, aujourd’hui encore, de ces fameux sénateurs et députés de la 45e Législature qui eurent à négocier leur part du gain des conséquences du coup d’État de septembre 1991. À cette occasion, plusieurs parlementaires ont eu à adopter cette «correction démocratique», com me le caractérisait le général Raoul Cédras lui-même. De la présidence, en passant par la primature, pour aboutir aux ministères, les postes ont été arrangés, distribués et partagés avec des députés et sénateurs au grand mépris des intérêts du peuple et de la démocratie. Notre mémoire de peuple est amnésique et ne se situe jamais dans l’ordre croissant du développement. Et le temps n’est plus aux demi-mesures.

La politique des intérêts ne doit pas l’emporter sur l’État de droit

Il faut repenser notre système parlementaire qui  ne se fonde pas sur la solidarité qu’incarnerait la stabilité politique et institutionnelle. Nous sommes scandalisés et de plus en plus écœurés… Les hommes et femmes politiques devraient servir Haïti et les intérêts des Haïtiens en général et non utiliser le pouvoir pour servir et en faire profiter leurs proches. Alors que les temps sont particulièrement difficiles pour la majorité d’entre nous et qu’ Haïti perd de son aura d’antan et soupire après un lendemain meilleur.

Quand le choix du Premier ministre déclenche un débat au Parlement

À entendre le sénateur Joseph Lambert, nous avons l’impression que, depuis quelque temps, le choix d’un Premier ministre prend l’allure de négociations de postes ministériels et sa ratification suscite une autre transactions sur le partage des pouvoirs.

Pourquoi le sénateur du Sud-Est a déclaré que la chance pour Jack Guy Lafontant de se voir ratifier Premier ministre au Parlement est de 50/50 ? Sans trop donner dans les détails relatifs au pourquoi et comment, disons qu’il a tout simplement mis l’accent sur cette tradition imposée et adoptée depuis bien longtemps au Parlement consistant à négocier avec l’Exécutif avant toute forme de vote en faveur d’un quelconque choix de Premier ministre.

Le Parlement haïtien, un espace de tous les négoces

D’aucuns pensent que ce serait plus complexe de diluer dans les flots de la corruption, de nouvelles idées forces, voire des stratégies d’amendement de comportement pour ces « votants d’intérêts personnels » qui sont habitués à ces genres de concessions mutuelles… des situations exceptionnel les et dangereuses.

Si l’on prend en exemple la lettre du sénateur Carl Murat Cantave adressée au ministre démissionnaire des Finances dans laquelle le parlementaire sollicite pour son compte personnel 25 carreaux de terre appartenant à l’État qui, selon lui, serviraient à la construction d’une université et d’un complexe hospitalier… Il s’agit de ce même Cantave qui, on se souvient, a combattu du bec et des ongles le gouvernement provisoire. Qui a donné au sénateur le droit de formuler une telle demande ? Celle-ci se situe-t-elle dans le cadre d‘un projet Exécutif/ Législatif?

À l’analyse, le sénateur de l’Artibonite a outrepassé ses attributions constitutionnelles. Il semblerait que le sénateur Cantave prépare déjà sa retraite. Avec un mandat de 4 ans et les 25 carreaux de terre réquisitionnés à « titre personnel», nonobstant un rapport de projet bien élaboré, c’est une retraite méticuleusement planifiée. Ce qui devrait assurer l’avenir et la retraite de ses proches et les siens.

Mais ne devrait-on pas poser la question de savoir si être élu parlementaire automatiquement confère à l’intéressé le statut de négociateur?

Toujours habiles dans les négociations, nos parlementaires font leur beurre avec la présidence et la primature. Aussi peut-on s’écrier, à juste titre, nos parlementaires sont des mercenaires occupant tous les espaces de pouvoir en Haïti.

Mais ne faut-il pas indexer aussi l’Exécutif dans ces marchés menés sans vergogne
?




On ne devrait s’étonner de découvrir que nombre d’hommes politiques ont des squelettes dans leurs placards. On en connaît mille exemples en Haïti, de la présidence au simples fonctionnaires de l’État en passant par les parlementaires.

Certes, nous comprenons que les deals politiques existent, mais à les pratiquer au détriment des mandants, c’est un souci qui déprime les plus avisés.

Nous avons un miroir brisé…celui du silence de la majorité

Aujourd’hui, le pays est basculé dans la violence aveugle du « gagne pain » où la criminalité politique se retrouve dans une métamorphose qui ne dit pas son nom; et nous devons nous poser la question :« Qu’est ce qu’il y a donc lieu de faire pour que nous renversions cette descente à pic aux enfers, et que du même coup nous articulions notre destin de peuple libre dans une ambiance d’annihilation de ces votants-marchands » ?

Il n’y a plus d’idéologie politique; il n’y a plus de conviction politique ; il n’y a plus d’hommes politiques. Les postes électifs sont négociés avant même les élections. Et, en fin de compte, tout se taille à la mesure de la profondeur des poches de certains parlementaires. Des candidats mal-élus, de surcroît repris de justice s’arrogeant le droit de brandir une « loi sur la diffamation» pour empêcher, pensent-ils, de dire tout haut ce que les autres pensent tout bas de leur laideur, leur crasse et leur incompétence et surtout de la corruption qui constitue leur apanage.

Le peuple est sacrifié. La République sans aucune vertu est devenue la monnaie d’échange sur l’autel de la corruption. Ô peuple, nous avons une crise de valeur, une carence d’hommes d’honneur à l’étoffe d’un Émile Saint Lot.

Elco Saint Amand, av.

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