A quoi peut bien servir cet accord entre Haiti et la Rép. Dominicaine ne respectant pas les recommandations de l’UIT ?

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Le 16 avril 2021 la République Dominicaine et Haïti ont signé un accord bilatéral afin d’établir une procédure de coordination pour la gestion des fréquences et résoudre les problèmes d’interférences radios et téléphoniques dans la zone frontalière .

Lundi 19 avril 2021 ((rezonodwes.com))–

L’Union Internationale des Télécommunications (UIT) , un organisme des Nations Unies en charge des Télécommunications et des TICs dont la mission est , entres autres, d’assurer l’utilisation rationnelle, équitable, efficace et économique du spectre des fréquences radioélectriques par tous les services de radiocommunication, y compris ceux qui utilisent des orbites de satellites, de procéder à des études et d’adopter des recommandations sur des questions de radiocommunication, a émis justement des recommandations très sensées en matière de coordination des fréquences aux frontières.

Cependant la République Dominicaine représentée par l’Institut Dominicaine des Télécommunications ( Indotel) et la République d’Haïti representée par le Conseil National des Télécommunications (Conatel) ont choisi d’ignorer les directives de l’UIT pour signer un accord bilateral dont les limites sautent aux yeux et qui n’aboutira certainement pas aux résultats escomptés.

En effet cet accord bilateral , selon la recommandation UIT-R,1049-1 qui fait autorité en cette matière, devrait prévoir :

1-L’échange de données appropriées sur la gestion du spectre provenant d’une base de données nationale;
2-La définition d’une méthode permettant de résoudre les cas de brouillage préjudiciable imprévus;
3-La définition des procédures telles que l’établissement d’une zone de coordination à l’intérieur de laquelle l’accord de coordination sera applicable;

Il devrait inclure également les dispositions administratives et techniques nécessaires, notamment:

1- La ou les gammes (s) de fréquences visée (s) par l’accord,
2-La largeur de bande autorisée du service,
3- Le système de modulation,
4-la hauteur équivalente de l’antenne,
5- La limitation de la zone de service des émetteurs à la zone qui sera visée par l’accord;
6- Les renseignements pertinents à échanger;
7-Une méthode de classement, de normalisation et d’échange de renseignements;
8- Une méthode d’identification des stations à coordonner;
9-La phase du processus au cours de laquelle la coordination est effectuée

Cependant , malheureusement, ces informations ne sont pas formellement considérées dans l’accord signé entre la République d’Haïti et la République Dominicaine.

En effet l’Institut dominicain des télécommunications (Indotel) et le Conseil national des télécommunications de la République d’Haïti (Conatel) ont signé un protocole d’accord par lequel ils s’engagent à travailler ensemble pour résoudre le problème des fréquences radio et des interférences téléphoniques dans la zone frontalière.

Cet accord établit une surveillance pour déterminer les brouillages provenant des stations des deux pays, qui se fera une fois par an, début mars ou octobre.

Il indique que CONATEL et Indotel enverront une équipe technique commune pour surveiller les fréquences et les sites de télécommunications sur les bandes frontalières.

Les parties se sont engagées à «assurer et garantir que les stations émettrices (radiodiffusion, télécommunications) respectent les spécifications techniques définies dans leur licence d’exploitation, de sorte que leurs signaux ne dépassent pas les zones de couverture définies dans les cadres réglementaires des deux pays, évitant ainsi la radioélectrique. ingérence dans le territoire voisin ».

Ils ont également convenu d’éviter que les habitants des zones frontalières souffrent de la capture involontaire de signaux émis par les opérateurs de réseaux de téléphonie mobile de l’autre pays. « En conséquence, cela entraîne des frais (tarifs) élevés pour l’utilisation de l’itinérance mobile », souligne l’accord.

Les parties ont ordonné la création d’une table de travail permanente pour relever les défis communs et / ou des réunions de suivi pour la mise en œuvre effective des dispositions et engagements de l’accord.

Cependant tout cela est loin de satisfaire les dispositions de ladite recommandation de l’UIT.

En effet il est évident par exemple sans la définition précise d’une zone de coordination, aucune action de coordination relativement à la gestion des fréquences aux frontières ne sera efficace.

Donc on se demande pourquoi lndotel et Conatel ont -ils décidé de s’en passer ?

De même cet accord reste muet également sur les dispositions administratives et techniques nécessaires.

On se demande ,sans ces informations, quelle coordination , dominicains et haïtiens comptent- ils rendre possible ?

Donc , à quoi peut aboutir cet accord entre Haiti et la Rep. Dominicaine ne respectant pas les directives sensées de l’UIT ?

En tout cas, pas à des résultats concrêts comme dans l’exemple du Cameroun et du TChad où les recommandations de l’UIT ont été mises en oeuvre avec des résultats clairs.

L’exemple du Cameroun et du Tchad

En effet, des litiges techniques et économiques entre les opérateurs Télecoms de part et d’autre de la frontière entre le Cameroun et Tchad avaient pris le jour en 2002 .

Plus exactement à Kousseri ville camerounaise, située à la frontière Cameroun –Tchad face à NDJAMENA, la capitale tchadienne .

Les deux villes sont couvertes par les opérateurs de téléphonie mobile camerounais et tchadiens.

Les deux pays ont signé un accord de coordination et de gestion de fréquences aux frontières Cameroun – Tchad qui a permis de résoudre le problème.

En effet le 24 octobre 2002, l’OTRT(organe de regulation du Tchad) saisit l’ART(organe de régulation du Cameroun) au sujet de la concurrence déloyale qu’exerceraient les opérateurs camerounais basés à Kousséri, MTN et ORANGE à l’encontre des opérateurs de téléphonie mobile du Tchad CELTEL et LIBERTIS en phase d’installation.

L’UIT a été informé de cette situation
Selon l’OTRT, les opérateurs camerounais inondent la ville de N’Djamena avec des portables qu’ils vendent à bas prix, ainsi que des cartes SIM et des cartes prépayées mettant ainsi en difficulté les opérateurs tchadiens. De ce fait, le régulateur tchadien a sollicité une rencontre avec le régulateur camerounais en vue d’une solution équitable aux problèmes posés

Résolution du Conflit entre le Cameroun et le Tchad

Après diverses rencontres entre la ART et l’OTRT et la mise en place d’un Comité ad hoc entre ART/OTRT/OPERATEURS, impliquant l’ARTAC, un accord de coordination des frequences entre les deux pays a été signé le 3 septembre 2009 à Maroua, au Cameroun.

Conformément à la recommandation de l’ UIT, l’objet de l’accord a été bien précisé dans le texte de l’accord même :

•(1) L’échange de données appropriées pour la gestion du spectre radioélectrique provenant des bases de données de l’ART et de l’OTRT ;
•(2) La définition de la zone de coordination à l’intérieur de laquelle l’accord est applicable ;
•(3) La définition des tableaux de partage de fréquences applicables aux réseaux GSM et CDMA dans les zones frontalières ;
•(4) proposer une méthode permettant de résoudre les cas de brouillages préjudiciables imprévus.

Il en est de même des termes de l’accord:

•Une distance de pénétration de 500 m de à l’intérieur de chaque ville à la frontière entre Kousseri et Ndjamena ;
•Une distance de pénétration de 2000 m à l’intérieur de chaque ville dont les périmètres sont délimités à partir de la frontière Cameroun

  • Tchad pour le reste de la frontière ;
    •Une répartition des canaux radioélectriques faite sur la base des fréquences alloties ;
    •Des puissances apparentes rayonnées et des hauteurs équivalentes d’antennes choisies de façon à ce que la couverture exploitable soit limitée au maximum à la zone de coordination ;
    •Une intensité de champ en tout point de la zone de coordination empiétant le territoire du pays voisin n’excédant pas -90 dBm ;
    •Une utilisation possible des fréquences qui ne leur sont pas alloties par les opérateurs de chaque pays à condition que les puissances surfaciques ne dépassent pas -100 dBm dans la zone de coordination ;
    •Pour les réseaux CDMA, une distance de pénétration de part et d’autre de la frontière n’excédant pas 500 m ; au-delà de cette distance, le niveau du signal dans le pays voisin doit être strictement inférieur à -70 dBm.

Dans le cas la Republique d’Haïti et la République Dominicaine, les recommandations trés sensées de l’UIT sont ignorées.

Après plusieurs mois de négociations, les deux pays ont préféré s’en remettre à l’organisation « d’une table de travail permanente  » pour adresser et traiter la question .

En conclusion cet accord pourra , dans une certaine mesure, rassurer, quelque peu, certains investisseurs internationaux participant à l’appel d’offres pour les fréquences dans la bande des 700 Mhz et 3 5 Ghz et le déploiement de réseaux 5G en Republique Dominicaine.

Certes, il pourra permettre au régime PHTK, à bout de soufle en Haiti , de tenter de cacher ses dix années d’échec complet dans le secteur des Télécommunications et des TICs, en essayant de vendre dans les médias ledit accord comme une avancée, une réussite dans le bilan très peu honorable du régime  » Têt Kale ».

Cependant nous doutons fortement que l’accord bilatéral signé le 17 avril 2021 entre Haiti et la République Dominicaine puisse aider à resoudre réellement les problèmes liés à la coordination des frequences et les interférences radios et téléphoniques à la frontière Haitiano-dominicaine.

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