Décret et arrêté sur l’état d’urgence, un pas de plus vers la dictature

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NOTE DE PRESSE

DÉCRET ET ARRÊTÉ SUR L’ÉTAT D’URGENCE, UN PAS DE PLUS VERS LA DICTATURE

Mardi 23 mars 2021 ((rezonodwes.com))– Depuis le sabotage des institutions démocratiques par le président Jovenel Moïse et la concentration de tous les pouvoirs entre ses mains, le Parti Fusion des Sociaux-Démocrates Haïtiens (FUSION/PFSDH) n’a pas cessé de tirer la sonnette d’alarme pour attirer l’attention des Haïtiennes et des Haïtiens sur le retour programmé vers la dictature que cette démarche annonçait.  

En effet un président de la République qui s’est assuré qu’aucune élection ne soit organisé durant son mandat et qui s’est réjoui publiquement de la latitude que lui donnait l’absence du parlement pour pouvoir légiférer selon son bon plaisir, n’est rien d’autre qu’un dictateur.  Il vient de nous le prouver en publiant encore un autre décret illégal le 15 mars 2021 et un arrêté tout aussi illégal le 16 mars 2021, pour étendre abusivement le champ d’application du concept d’état d’urgence.

La FUSION avait choisi de ne pas perdre son temps à analyser les innombrables décrets inconstitutionnels, frappés de nullité absolue que Jovenel Moïse encore président publiait à tour de bras et que Jovenel Moïse usurpateur de la fonction présidentielle continue de publier.    

Il a démontré depuis longtemps le mépris total qu’il a pour la constitution qu’il a pourtant juré de respecter et de faire respecter (Const. article 135-1) mais qu’il viole constamment sans aucun scrupule.  Les textes sont clairs, il n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui octroie notre charte fondamentale (Const. article 150).  Et nulle part la constitution ne l’autorise à légiférer et à modifier les lois existantes par décret.  

Par conséquent, tous les décrets généralement quelconques signés par Jovenel Moise, par son premier ministre et par les membres du gouvernement de facto et publiés au Journal Officiel le Moniteur, y compris le dernier en date, n’ont aucune valeur légale ou normative.  Par ailleurs il n’est pas inutile de leur rappeler qu’en signant et en publiant ce dernier décret scélérat, ils se rendent tous coupables de faux en écriture publique et de crime de haute trahison (Const. article 21).  Dans un avenir proche Haïti redeviendra un état de droit et alors ils auront à répondre tous de leurs actes par devant la juridiction pénale.

            Sans vouloir faire une analyse des textes susmentionnés, il est nécessaire de produire quelques remarques pouvant aider les justiciables haïtiens à bien comprendre la réalité des dérives antidémocratiques de ce pouvoir.  Certaines dispositions du décret sur l’état d’urgence publié le 15 janvier 2021, pour choquant qu’elles soient, ne sont pourtant pas surprenantes, venant d’un apprenti dictateur.  

Les décrets publiés le 26 novembre 2020, créant l’Agence Nationale d’Intelligence (ANI) d’une part et portant sur le renforcement de la sécurité publique d’autre part, constituaient des signes avant-coureurs de la volonté de l’exécutif de s’octroyer des pouvoirs exorbitants, pour traquer les citoyens, limiter leurs libertés individuelles et leurs droits d’expression et les empêcher de contester l’actuelle confiscation du pouvoir.

            De nombreuses organisations de défense des droits de la personne, y compris des organismes gouvernementaux avaient dénoncé ces décrets déjà qualifiés de scélérats.  En effet ceux-ci ont créé une agence extra-judiciaire dont les membres anonymes jouissent de prérogatives qui dépassent l’entendement dans un régime démocratique.  Ils n’ont de compte à rendre qu’au président de la République et ne peuvent faire l’objet d’aucune poursuite.  Par ailleurs ces textes introduisent une définition extensive du terrorisme qui restreint considérablement les droits fondamentaux et les libertés individuelles.

            Un président de facto dont le mandat constitutionnel a pris fin depuis le 7 février 2021, qui garde le pouvoir par la force et dont les forces vives de la nation exigent le départ sans condition, ne se trouve pas en situation de pouvoir étendre unilatéralement le champ d’application de la notion d’état d’urgence qui reste une mesure exceptionnelle que la loi du 17 avril 2010, autorise uniquement en cas de catastrophe naturelle.  Celle-ci a amendé celle du 9 septembre 2008 après le tremblement de terre pour donner plus de marge de manœuvre au gouvernement et lui permettre de mieux répondre à l’ampleur de la catastrophe naturelle du 10 janvier 2010.  Ce texte a fait l’objet d’âpres discussions avant son adoption, connaissant la propension de l’exécutif à abuser des prérogatives exorbitantes du droit commun accordées en de telles circonstances. 

            Compte tenu des traditions autocratiques de nos dirigeants, on peut aisément comprendre qu’un texte aussi vague que ce décret du 15 mars 2021 n’aurait jamais été approuvé par le parlement.  Le pouvoir de facto voulant renforcer encore davantage son emprise sur le pays a profité de l’émotion provoquée par le fiasco désastreux de la PNH au Village de Dieu, pour introduire dans la législation sur l’état d’urgence les attaques terroristes et les atteintes graves à l’ordre public défiant les forces de l’ordre et mettant en péril la sécurité nationale.  Quand on sait que le décret sur le renforcement de la sécurité publique considère comme actes terroristes le simple fait d’embarrasser la voie publique en y déposant des matériaux ou des choses quelconques, on comprend aisément que pendant l’état d’urgence il sera quasiment impossible d’organiser des manifestations dans la bonne tradition haïtienne sans se faire taxer de terroriste.

            Plus d’uns ont trouvé bizarre que l’arrêté déclarant l’état d’urgence ne mentionne que points (4) points chauds dans la région métropolitaine et un autre dans l’Artibonite.  Comme par hasard l’état d’urgence ne concerne pas les zones connues comme étant des bastions de gangs réputés proches du pouvoir, dont certains chefs sont accusés par des rapports d’organisations nationales et internationales d’être des supplétifs de la PNH dont les services ont été utilisés pour commettre des massacres dans les quartiers populaires.  Ces chefs de gangs revendiquent publiquement leurs exactions qu’ils justifient par le besoin qu’ils ont de compenser les retards enregistrés dans les versements des sommes habituellement fournies par le pouvoir.   D’autres enregistrent des vidéos disant qu’ils peuvent avec les équipements de la PNH, les armes de la PNH, les munitions de la PNH, réussir là où l’institution a lamentablement échoué la semaine dernière.

            C’est pourquoi, nombreux sont ceux qui croient que l’article 7.14 du décret sur l’état d’urgence qui, en cas de catastrophe naturelle, autorisait l’administration à requérir l’aide de toute personne en mesure de venir en appui aux effectifs déployés, si le nombre des agents publics disponibles ne suffit pas, peut être utilisé pour couvrir une pratique, déjà en cours dans la PNH, qui consiste à utiliser des gangs bénéficiant de la protection de l’institution pour combattre et décimer ceux dont ils ont perdu le contrôle.

            Les zones dites de non-droit existent depuis un certain temps déjà et les gangs qui y sévissent sont réputés proches du pouvoir qui les alimentent en armes, en munitions et en espèces sonnantes et trébuchantes.  Nous en voulant pour preuve les nombreuses photos prises dans ces quartiers avec eux par les plus hautes autorités du pouvoir PHTK et le fait que certains sont utilisés comme responsables de la sécurité dans des organismes autonomes.  

Le fait que ce soit seulement maintenant que l’ex-président fait semblant de découvrir le problème et prétend faire une déclaration d’état d’urgence pour le résoudre, suscite des suspicions et des doutes quant à sa volonté réelle d’y mettre un terme.  Et dire qu’il avait affirmé devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies qu’il avait démantelé soixante-quatre (64) gangs.  

En plusieurs occasions, lui qui n’est pas avare de promesses fallacieuses, avait proféré des menaces qui auraient dû faire trembler tous les bandits d’Haïti.  Il faut se demander si cette déclaration d’état d’urgence ne cache pas plutôt une manœuvre pour donner carte blanche aux forces de l’ordre en vue de réprimer les millions de citoyennes et de citoyens « terroristes » qui menacent son pouvoir parce qu’ils qui envisagent de manifester les 28 et 29 mars prochains pour exiger le respect de l’article 134.2 de la constitution.

            Tous ceux qui, nationaux ou étrangers, avaient encore un doute sur les velléités dictatoriales de Jovenel Moïse, ne peuvent plus prétendre ne pas comprendre que nous avons affaire à un dictateur qui met tout en œuvre pour garder le pouvoir pour son camp, pour lui-même et ses amis.   Il a bien compté, mais il a mal calculé.   La détermination du peuple haïtien aura raison de lui et de ceux qui le soutiennent en dépit du bon sens, dans son délire dictatorial.

AYITI PAP PERI, NOU PRAL CHANJE SA !

Edmonde SUPPLICE BEAUZILE
Présidente

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