« Haïti vit en otage », titre le journal de Barcelone, ‘Lavanguardia’

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Haití vive secuestrado

Pendant le mandat présidentiel de Jovenel Moïse, une chose inhabituelle s’est produite. Une fédération de gangs appelée G-9 a été créée, reconnue par le gouvernement comme un « interlocuteur » dans un supposé processus de désarmement.

L’extrême vulnérabilité d’Haïti aux catastrophes naturelles et humaines se manifeste une fois de plus par la violence. La violence criminelle, la violence policière, la violence politique, sans qu’il soit facile de faire une distinction claire.

Mercredi 3 mars 2021 ((rezonodwes.com))–

Une note sur les derniers événements. Arnel Joseph, l’un des principaux chefs des gangs armés qui terrorisent le pays, emprisonné depuis 2019 pour enlèvement et meurtre, s’est échappé de prison jeudi avec 400 autres prisonniers lors d’une émeute qui a fait 25 morts, dont le directeur. Et vendredi s’est achevé l’enlèvement, pendant une semaine, de deux cinéastes dominicains et de leur interprète local alors qu’ils tournaient un film sur la vague d’enlèvements subis par les Haïtiens de tous horizons.

Les enlèvements ne sont pas nouveaux, mais ils sont en augmentation : 200% de plus qu’en 2020 selon l’ONU, au moins cinq par jour, selon le Réseau national pour la défense des droits de l’homme.

« Par peur, je préfère travailler à la maison, sauf pour quelques réunions en face à face, et je sors pour aller au supermarché. Rien ne peut être fait », explique par téléphone Anne Doris Lapommeray, une architecte formée à Barcelone qui est retournée en Haïti en 2015. Des milliers de parents ont cessé d’envoyer leurs enfants à l’école. L’enlèvement peut se produire à la porte même, une voiture de luxe peut apparaître, ou une voiture officielle, ou des types habillés en policiers sans que personne ne sache s’ils le sont ou non….

On soupçonne (ou plus que cela) que les gangs, la police et le gouvernement sont dans le même bateau. Ce serait logique compte tenu de la dérive autoritaire que le pays connaît 35 ans après la chute de Jean Claude Baby Doc Duvalier. Une dérive qui rappelle les Tonton Macout puisque l’homme au pouvoir, Jovenel Moïse, a créé un service de renseignement qui ne répond qu’à sa propre personne.

Pendant le mandat présidentiel de Moïse, une chose inhabituelle s’est produite. Une fédération de gangs appelée G-9 a été créée, reconnue par le gouvernement comme un « interlocuteur » dans un supposé processus de désarmement. Il est dirigé par Jimmy Cherizier, alias Barbecue, un ancien policier qui a été expulsé des forces de l’ordre après le massacre de La Saline en novembre 2018. La Saline est le bidonville d’où est sorti un jour un Jean Bertrand Aristide prometteur pour devenir, des années plus tard, un malheureux président. Tout le monde sait que Barbecue est derrière la mort de 71 personnes, plus deux autres massacres, mais son mandat d’arrêt a été mal placé. De même que la preuve du meurtre du bâtonnier du Barreau de Dorval, le Monferrier, perdue devant un tribunal.

Les démonstrations sur le manque de sécurité sont incessantes. Mais « quand les gens sortent pour dire qu’ils veulent une vie normale, parce que rien ne marche ici, ni la santé, ni l’éducation, rien… la police arrive avec des coups de feu », dit Doris Lapommeray. Les gangs n’aiment pas non plus le fait que des milliers de personnes protestent contre Jovenel Moïse, alors ils font leur part en les empêchant de quitter les bidonvilles.

Des militants, des magistrats, des associations, des gens ordinaires, même les différentes églises d’Haïti, considèrent Moïse comme « ex-président ». Egalement Fritz Alphonse Jean, éminent économiste, premier ministre éphémère pendant un mois en 2016. Il y a presque un an, à Barcelone, il a déclaré : « Les oligarques ont enlevé l’État à Haïti ». Moïse, industriel de la banane, Banana man quand il aspirait au pouvoir, est l’un d’entre eux. Il aurait dû quitter la présidence le 7 février, selon la Constitution, mais il veut continuer une année de plus et la changer, « peut-être pour pouvoir obtenir un autre mandat et assurer sa protection », dit Fritz Jean, rappelant que la disparition de quatre milliards de dollars du programme vénézuélien Petrocaribe est dans tous les esprits.

La suite ICI.

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