New York, mercredi 8 février 2017 ((rezonodwes.com)).- « La Justice doit redevenir une justice de pensée et de régulation plutôt qu’une justice de chapeau ». Comme on dit dans des cercles de pensée sur la notion de justice : « L’intention de justice doit rester cette œuvre jurisprudentielle à la postérité comme un ciment qui relit les mémoires de chaque individu-citoyen vers la modernisation de l’État ». C’est une évidence de fait ou de droit qu’Haïti ait aujourd’hui un président élu et ce, sans vouloir rentrer dans d’autres considérations qui vont toutefois nous porter à questionner « son gain» par rapport aux élections du 20 novembre 2016.
Nous avons toujours eu, depuis la chute des Duvalier, des présidents élus et que leur moralité déclenche des débats au sein de la société. Mais avoir un président élu sur la tête de qui pèse de graves accusations de corruption et de blanchiment d’argent constitue
un premier fait troublant. Autant dire, cette situation politico-juridique stérilise l’acceptable. Un silence « jobeur» des élites peut en témoigner. Jovenel Moïse va, au moment de sa prestation de serment comme nouveau chef de l’ État, « jurer d’observer et de faire observer la Constitution et les lois de la République ».
La Constitution de 1987 stipule, en son article 135-1 le contenu du serment, qui se lit comme suit : « Je jure, devant Dieu et devant la Nation, d’observer et de faire observer fidèlement la Constitution et les lois de la République, de respecter et de faire respecter les droits du peuple haïtien, de travailler à la grandeur de la Patrie, de maintenir l’indépendance nationale et l’intégrité du territoire».
À noter qu’il est hautement significatif pour le respect des institutions du pays qu’un président qui aurait à prêter serment sur la base du « contenu symbolique » de cet article ne devrait avoir, pour le moins, aucun dossier judiciaire en instance d’instruction et ouvert contre lui… (l‘aphorisme est fermé et borné) par l’entêtement des uns et le non respect de certains pour le système judiciaire.
Pourquoi son clan voudrait-il que le président élu prête serment et prenne les règnes des pouvoirs de l’État en dépit de ses démêlés avec la justice ?
L’une des grandeurs de l’homme politique ou celui qui veut faire de la politique, celle par laquelle il n’y a pas d’égal en ce temps, c’est le respect de soi même à travers la déférence manifestée en toute circonstance pour les pouvoirs et les organismes de
l’ État. Ainsi, dans toute action posée, il doit être un modèle. C’est un impératif !
En tant que pouvoir indépendant, la justice ne doit faire l’objet d’aucune obstruction — toute action contraire est assujettie à une entrave.
Y-a-t-il entrave à la justice dans le cadre du dossier UCREF/ Jovenel Moïse ?
Comme disait Durkheim, « l’entrave judiciaire est un acte qui blesse les états forts de la conscience collective »… Mais la conscience collective a-t-elle été blessée ?
1- M. Jovenel Moïse qui, en agissant de la sorte, a ouvert la voie à son inculpation. S’il a vraiment la volonté réelle de servir son pays, il devrait sans aucun doute différer sa prestation de serment, prévue pour le 7 février 2017, afin d’offrir à la justice le soin et le temps nécessaires pour le blanchir ou le condamner. Ce n’est pas le cas, et ce ne sera pas son intention, se battant du bec et ongles pour accéder à la présidence pour échapper à la justice.
2- Quelle justice ? Depuis plus de deux siècles, la justice haïtienne vit dans l’alternance du bon vouloir des dirigeants. Tout est politique dans l’ appareil judiciaire. Le comportement de Jean-Bertrand Aristide en dit long, si l’on se réfère à la conclusion des rapports de la Commission d’enquêtes administratives (CEA) présidée par l’ancien sénateur Paul Denis et l’Unité centrale de renseignements financiers (UCREF) qui avaient démontré avec éclat comment des responsables de certaines institutions étatiques s’étaient livrées à une mise à sac systématique des ressources financières du pays. Mais quand est-il de M. Moïse qui n’est pas encore au pouvoir ?
Tous les magistrats de l’ordre judiciaire ont peur de dire le mot du droit. En effet, ils n’ont plus les lois de la République pour boussole, ils marchandent, ils détournent et contournent leurs décisions en faveur des hommes politiques et leurs alliés (affaires Sonson La Familia et le juge Bélizaire) les plus corrompus de la cité. Ces magistrats assurent carrément leur survie. Une évidence brutale de la réalité.
La question que l’on est en droit de se poser et qu’on se pose, quelle serait la nature du réquisitoire du commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Danton Léger ? Le premier danger qui guette ce dossier c’est le phénomène du bonapartisme judiciaire : le chef a volé, c’est le chef, et toute notre élite répond « Amen ». Tout le monde se courbe devant cette démocratie autoritaire et plébiscitaire, en raison des intérêts inter-claniques.
3- Beaucoup d’acteurs en sont venus à des formules très peu catholiques (le silence de la Conférence épiscopale) pour résoudre le dossier du blanchiment du président élu, au lieu de lui faire voir raison et ce, de manière absolue, compte tenu des difficultés auxquelles la présidence de Moïse serait vouée dans les jours à venir. Ce que Jovenel Moïse doit intégrer dans son quotidien et dans les cinq années à venir, c’est qu’un président n’a pas le droit de prendre la Justice et les institutions d’enquête en otage pour gouverner Haïti, notre Haïti. C’est une grave erreur de calcul politicien, qui n’inspire guère confiance.
Nous rappelons aux acteurs et aux élites qui empêchent et veulent empêcher à la justice de faire son travail en toute indépendance qu’il faut savoir terminer les aventures sans issue plutôt que de s’entêter dans des justifications douteuses. Le doute y persistera. Ici, dans notre analyse, nous conseillons à M. Moïse de suivre la voie de la sagesse, au lieu de démontrer à la Nation les différences d’intérêts entretenues et de situations chaotiques annoncées, qu’une réelle conviction d’un homme de la classe, notre classe.
Tout compte fait, nul ne saurait être au-dessus de la justice. Comme disait ce philosophe de l’inconnu : « Quiconque, rentrant dans une chambre dont le noir rem place la lumière, doit rebrousser chemin, car l’étrange an nonce indubitablement l’échec».
Me. Elco saint-Amand
avocat
(texte original édité par cba pour : www.Haiti-Observateur.ca)

