Entraîné inexorablement vers une fin de règne, Jovenel Moïse fait l’autruche

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Il semble que tout le monde, sauf le président haïtien et les gens qui feignent lui vouer un « attachement indéfectible» prévoie une catastrophe imminente.

En Haïti, les courtisans du régime sont de véritables mercenaires qui ne visent qu’à défendre leurs propres intérêts. A l’instar de ses prédécesseurs, Jovenel Moïse ignore totalement les vraies conditions de la rue lui signifiant que c’est fini pour lui et que l’article 134-2 n’est pas négociable, quoiqu’il dise et fasse. Toutefois, la prochaine vague de manifestations anti-Moïse qui s’apprête à se lancer, dès ce vendredi 15 janvier, ont toutes les chances de produire des résultats bien différents que les précédentes.

Edito de Haïti-Observateur

New York, jeudi 14 janvier 2021 ((rezonodwes.com))–

Les dirigeants de tous les temps et de tous les pays restent toujours prisonniers de leurs subalternes, car délibérément privés d’informations pertinentes qui auraient inspiré des décisions politiques salutaires de leur part. Cette réalité vaut encore plus en Haïti où les courtisans sont de véritables mercenaires qui ne visent qu’à défendre leurs propres intérêts. Dans de telles conditions, à l’instar de ses prédécesseurs, Jovenel Moïse ignore totalement les vraies conditions de la rue. Voilà pourquoi les jugements qu’il émet, ces derniers jours, ne tiennent pas compte de l’humour constaté sur le terrain.

Il semble que tout le monde, sauf le président haïtien et les gens qui feignent lui vouer un « attachement indéfectible» prévoie une catastrophe imminente. Se basant sur les actes posés par Jovenel Moïse et ses alliés PHTKistes, au pouvoir, dont aucun chef d’État, dans l’histoire contemporaine d’Haïti, ne s’est jamais rendu coupable, à ce degré, d’aucuns prévoient même une catastrophe apocalyptique se profilant à l’horizon.

En raison du caractère universel d’un tel constat, tout un chacun s’imagine que l’occupant du Palais national devrait faire amende honorable, dans l’espoir de faire oublier ses abus de pouvoir, tout au moins de susciter des circonstances atténuantes, dans l’esprit de ses nombreuses victimes ou dans les milieux radicalement opposés à son gouvernement. Mais rien d’une telle tendance n’est observé. Car le contraire se manifeste, et rien n’autorise à croire à un changement d’attitude.

En effet, Jovenel Moïse, dont la politique se caractérise par sa revanche viscérale, voit des ennemis partout, se méfiant même de citoyens qui, autrefois, passaient pour ses amis. Aussi lance-t-il des stratégies, ou mijote-t-il des plans de représailles, non seulement contre ses ennemis politiques traditionnels, mais aussi à l’encontre des milieux d’affaires longtemps assimilés à des proches de la présidence. De nos jours, il se comporte comme s’il n’a plus aucune raison de soigner des amitiés dans le monde politique et social. Aussi se méfie-t-il même des organisations qu’il a créées lorsqu’il tentait de faire des mamours aux secteurs qui lui sont opposés.

M. Moïse semble croire que la situation, face à l’opposition (tous les secteurs) a connu un tel degré de pourrissement qu’il ne lui reste plus d’espace de négociations. Selon lui, la position des opposants s’est à un tel point radicalisée qu’il n’y a plus d’espoir de trouver un terrain d’entente avec eux. Voilà pourquoi il a décidé de démolir l’ultime commission de facilitation, qui avait pour mission de piloter le dialogue avec les secteurs oppositionnels qui, à son avis, étaient encore restés ouverts à des négociations. Il faut croire que ce geste invite une rupture de dialogue, annonçant l’introduction du gros bâton sous forme de répression policière sur les dissidents et du lâchage des bandits stipendiés sur les citoyens innocents.

Dans le cadre de cette initiative, l’équipe au pouvoir croit pouvoir compter sur ses ressources disponibles et les compétences qu’elle a mises à profit dans le passé. Avec un nouveau directeur général à la Police nationale d’Haïti, de nouveaux mots d’ordre seront donnés. Il s’agira, à coup sûr, de mettre Léon Charles en mesure d’exercer un contrôle serré sur les policiers, dont les plus entreprenants bénéficieront, sans doute, d’une récompense ponctuelle, sous forme d’un mois ou deux (pas trois) d’arriérés de salaire. Il reste encore la possibilité d’engager des mercenaires étrangers, comme c’était le cas, en février 2019. Histoire de suppléer à une possible défaillance de la PNH.

En cas d’urgence extrême, le Palais national peut toujours compter sur les gangs armés, ses seuls alliés sûrs en matière de répression, particulièrement dans les bidonvilles, une stratégie qui s’est toujours révélée avantageuse contre les manifestants rendus immobiles dans leurs quartiers.

Toutefois, en ce qui concerne le dé ploiement des forces répressives nationales, Jovenel Moïse ne peut prévoir à quoi s’en tenir. Car, il n’y a point de doute qu’il ignore quelle mission a été confiée à Léon Charles, au moment de quitter Washington, en tant que directeur général de la PNH. Cette question ne lui a jamais été posée par Jovenel Moïse et son équipe.

Par ailleurs, depuis la levée de boucliers contre les gangs armés de Jimmy Cérizier, alias Barbecue, le « G-9 en famille et alliés », par le CORE Group et le Département d’État dénonçant les massacres d’État perpétrés à La Saline, à Cité Soleil, au Bel-Air, à Carrefour-Feuilles et à Grand Ravin, etc., les diplomates en poste en Haïti sont à l’affut des activités des criminels au service du pouvoir. Il n’est plus un secret pour personne que Barbecue et ses hommes constituent les bras armés des autorités du pays, que celles-ci lâchent à tout instant sur leurs victimes. Désormais, Jovenel Moïse ne peut savoir comment va réagir la communauté internationale, face à une autre attaque sur la population.

Si le Palais national se prépare à réprimer sauvagement les manifestations populaires, afin de mater l’action oppositionnelle contre le gouvernement Moïse-Jouthe, dans la meilleure tradition du régime PHTKiste, des sanctions d’un autre genre sont, en revanche, réservées à l’intention des hommes d’affaires ayant passé à l’opposition, ou bien qui, tout au moins, manifestent une certaine hostilité, sinon réticence, à l’égard du pouvoir. Dans les milieux proches de certaines entreprises privées, on fait état du projet du régime en place d’imposer de nouvelles taxes, sous prétexte que l’assiette fiscale est sérieusement réduite, suite à l’atterrissage de la COVID-19 en Haïti.

Mais les informations venues de l’étranger n’autorisent à augurer rien de bon pour Jovenel Moïse et son équipe. Des sources dignes de foi font croire que les représentants de ce dernier ont essuyé revers sur revers auprès de l’équipe Biden-Harris. On cite, en exemple, l’introduction de Bocchitt Edmond, ambassadeur d’Haïti à Washington, à une rencontre « Zoom » à laquelle il n’était pas officiellement invité, que des membres de la diaspora haïtienne avait organisée avec un haut fonctionnaire de la présidence américaine. L’accueil qu’a reçu M. Edmond, au cours de la conversation, a été on ne peut plus froid. D’autre part, des diplomates ont fait savoir que les autorités haïtiennes ont tenté, plus d’une fois, d’entrer en contact avec le Département d’État sans avoir de réponse. Sans doute, ceci découle du fait que Bocchit Edmond n’est toujours pas accrédité.

Tout compte fait, la prochaine vague de manifestations anti-Moïse qui s’apprête à se lancer, dès le 15 janvier, ont toutes les chances de produire des résultats bien différents que les précédentes. Elle risque de déterminer de quoi le 7 février sera fait. Puisque, obsédé par le souci de rester au pouvoir, au-delà de cette date, le président haïtien perd sa faculté d’analyser objectivement les événements et les faits. Aussi se morfond-il dans l’autruche, avec toutes les conséquences que cela comporte.

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