Port-au-Prince, dimanche 1er janvier 2017 [[rezonodwes.com]]– Essoufflé, Anthony Barbier rassembla toute son énergie pour s`engouffrer dans la grande salle à manger présidentielle.
« Je n`ai plus l`âge pour ces genres de choses », maugréa-t-il intérieurement.
Il était une heure quinze du matin quand le téléphone l`a brusquement tiré d`un sommeil pâteux de vingt minutes dans lequel il s`était plongé, après des sempiternels et fades vœux de nouvel an, débités sans grande conviction.
Barbier était d`autant plus contrarié qu`il savait que de très tôt il va devoir accompagner aux Gonaives le président et les autres grands commis de l`état. à l`occasion du jour de l`indépendance.
« Encore une nuit perdue, probablement, pour rien », se lamenta-t-il encore, avant de se retrouver nez à nez avec le président Privert qui brandissait, comme une arme de poing, une cuillère à soupe encore intacte devant la première dame, apeurée et tremblotante.
« Je veux savoir », tonna le président, en tentant vainement de donner un registre grave à sa voix fluette. Mais, aucune personnalité accourue sur les lieux, ni aucun membre du personnel de la maison du couple présidentiel n`osa faire face à la fureur du président.
« Regardez donc, tonnerre! Regardez donc! » lança le président à l`adresse de son secrétaire général en pointant, avec sa cuillère, son bol de soupe ravagée comme la terre du Grand Sud après le passage de Matthew.
Devant le regard scrutateur de Barbier, Eddy Jackson Alexis, lui glissa à l`oreille :
« Prof, on était tous attablés, quand un doigt fantôme sorti de nulle part s`est introduit dans le bol de soupe présidentiel pour en ressortir avec le plus gros morceau de viande. Mais, le problème c`est qu`à ce moment, le président avait les yeux rivés sur son smartphone et n`a remarqué, que bien plus tard, les traces laissées par le doigt indélicat. Et voilà, lui, il pense que c`est un d`entre nous qui a fait le coup! »
Mais, une seule personne resta impassible et semblait ne pas être affectée par l`événement. Dans son coin, Rony Gilot jeta un coup d`œil furtif au ministre Camille jr, mais ne pipa mot. Ceux qui le connaissent bien auraient pu lire dans l`œil droit de l`écrivain, cette petite lueur de « je sais ce qui se passe ». Pourtant, on sait aussi qu`il ne dira rien, ni aujourd`hui, ni aucun autre jour.
L`ambassadeur Yves Mazile, quoique préoccupé par la recherche de la signification de l`événement, ne vendra pas non plus la mèche. En digne héritier du chef du protocole Yves Massillon, il est lui aussi dans le secret des dieux. Mais, avec une boule dans la gorge, il se demanda si c`était un bon ou un mauvais pressentiment.
Gilot et Mazile ne diront jamais rien! Mais, ils savent bien que ce doigt n`était autre que celui de … Dessalines!
aladanel
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