Port-au-Prince, jeudi 20 septembre 2016 (rezonodwes.com).- Une fois de plus une bonne partie d’Haïti est ravagée par une catastrophe naturelle. Cette fois-ci il ne s’agit pas de tremblement de terre, mais d’un Cyclone ; Matthew.
Une fois de plus toute la fragilité et la vulnérabilité du pays sont dévoilées au grand jour, sont perceptibles à l’œil nu. Le nombre de nos morts dépassent déjà le millier et les dégâts matériels, destruction de maisons, jardins, hôtels, infrastructures scolaires, routières, hydrauliques et électriques sont énormes. Les risques de famine, d’épidémie : choléra, typhoïde, diarrhée et autres maladies infectieuses sont probants.
L’aide s’organise déjà, les distributions ont débuté mais très mal, vu qu’elle est accaparée par les plus forts, les plus violents en cours de route et n’atteigne pas les sections communales et les localités éparpillées çà et là ou ces populations commencent à dépérir car les ressources sur place, après une semaine, tarissent, donc nous risquons d’avoir plus de mort après qu’au moment du passage de ce fameux cyclone.
Il y a certes, une urgence, une situation humanitaire à gérer et, nous souhaitons que les responsables puissent mieux planifier et gérer cette conjoncture en faisant fréquemment le bilan et l’évaluation critique de leur intervention pour l’améliorer.
A côté de l’urgence de la situation, il y a des questions bien plus fondamentales et structurelles qu’il faudrait également se poser. Car nous approchons une phase de changement climatique, de détérioration et de dégradation de l’environnement qui rendra ces phénomènes et catastrophes naturelles plus fréquents, mais alors et nos vulnérabilités ? L’équation entre ces deux éléments, y aurait-il quelqu’un pour la poser? Devrions-nous rester toujours aussi fragiles et affaiblis face aux futures cyclones ou tremblements de terre ? Car nous n’avons pas été moins vulnérables, ou plus fort face à Mathiew que nous l’avons été en janvier 2010. Dans ces temps qui cours, face à l’aggravation et l’amplification des désastres naturels aucun État sur cette terre ne peut plus s’arroger le droit d’être aussi faible et peut organiser comme le nôtre. Se laisser ainsi relève du cynisme et de l’irresponsabilité des citoyens et des responsables du pays.
Maintenant, se demande-t-on, qu’est-ce qui nous rend si vulnérable ? Selon moi, parmi un luxe de causes plausibles, notre vulnérabilité viendrait d’abord de l’espace bâti du pays qui est une conséquence directe de l’absence quasi totale de l’État Haïtien dans la construction des villes, l’immobilier et le réaménagement territorial ‘chak koukouy klere pou jew’. Il n’intervient pas et c’est normal pour la plupart d’entre nous. D’où l’anarchie dans la construction des maisons (maisonnette dans les campagnes), todi dans les bidons villes, d’où aussi le fait que l’État ne s’est jamais renforcé, ni s’octroyé les moyens suffisants pour intervenir dans ce domaine et améliore l’espace bâti du pays. Ceci est également l’expression de la volonté de nos élites pour maintenir une large catégorie de la population (les paysans) dans l’oubli (en dehors) et l’abêtissement quasi total pour garder durable les différences ou leur supériorité sociale et culturelle.
Il y a aussi la centralisation de l’État qui serait une autre cause de la fragilité du pays, particulièrement les villes de provinces et les bidons villes sur les côtes. Les régions du pays n’ont aucune capacité propre, n’ont aucune installation de matériels, d’équipement, ni de service d’ingénierie sur place avec les moyens nécessaires pour non seulement faire le développement urbain et infrastructurel de ces régions, mais qui serait prêt également à intervenir dans des situations comparables à ce qui vient d’arriver dans le grand Sud.
La décentralisation que nous faisons allusion ici, devrait passer par une reforme dans la gestion des fonds des collectivités territoriales. Les fonds collectés dans les départements et communes à travers le pays devront y rester avec moyennant un certain pourcentage pour l’Etat central. Et ce dernier devra développer ces capacités dans le contrôle, l’orientation et la supervision des structures administratives et exécutives régionales.
Pour faire face aux défis futurs, il nous faut nécessairement un changement dans notre conception du pays, des droits des paysans et des plus pauvres, une réforme administrative dans l’organisation même de l’État haïtien et de ce qui devrait être son rôle et ses responsabilités par rapport à la société.

