Haïti : une alternative citoyenne pour un gouvernement de transition

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A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles !

Par Sergo Alexis

Mardi 1er septembre 2020 ((rezonodwes.com))– La Conférence nationale, sous la bannière de la société civile, des organisations politiques, du secteur privé des affaires et de l’Eglise, telle que celle proposée en 2004, a montré ses limites. D’ailleurs, une fois Aristide renversé, personne n’a plus parlé de conférence nationale. Le renversement du régime Lavalas n’aura pas permis aux détracteurs de faire la rupture avec les dysfonctionnements politiques. Pire, ils se sont aggravés.

Pour renverser le président Jean Bertrand Aristide en porte-à-faux avec les institutions financières internationales et le secteur privé des affaires, la Convergence démocratique et le Collectif Non mettaient en avant le projet d’un nouveau contrat social pour la nation, lequel n’a jamais vu le jour. En 2011, les mêmes leaders politiques et économiques des années 2003/2004 ont facilité directement ou indirectement le régime « politique » PHTK à la tête du pays. Présentement, presque les mêmes constatent que la situation est beaucoup plus préoccupante qu’elle ne l’était sous le gouvernement d’Aristide.

Aujourd’hui, les bourreaux et les victimes de 2004 s’unissent peut-être pour un « nouveau contrat social » ; en tout cas pour une refondation de l’État. Pourrait-on utiliser du vieux pour refaire du neuf ? Difficile et même très compliqué, mais pas impossible, si chacun pense à l’unité de la nation en dehors de toutes ambitions individuelles. Néanmoins, même avec la volonté de bien faire, cela nécessite énormément d’intelligence.

D’autant plus que beaucoup de leaders politiques qui soutiennent cette transition gen yon grenn zanno kay ôfèv. De ce fait, il serait sans doute plus judicieux que ces mouvements pour la rupture avec le statu quo et la refondation de l’État adoptent une démarche citoyenne et laïque et que les entités qui étaient devant la scène en 2004, soient au second plan afin de convaincre l’opinion publique nationale du bien fondé du projet.

Comment organiser la pré-transition

Même si la très grande majorité de la population constate l’échec du régime PHTK, à mon humble avis, on ne prend pas les bonnes mesures pour parvenir aux objectifs fixés qui sont de renverser Jovenel Moise et mettre en place un gouvernement de transition. Car on devrait d’abord commencer par la conférence citoyenne pour accoucher d’une feuille de route pour un gouvernement de transition en incluant ou pas la démission de M. Moise. Le plus important, ce n’est pas la démission de ce monsieur avant la fin de son mandat, mais la bonne formule pour une transition efficace et réussie. D’ailleurs, d’après ce que j’ai lu dans la presse, on est loin d’être sortir de l’auberge : « Ne voulant pas mettre les charrues avant les bœufs, Lyonel Trouillot n’était pas en mesure de dire si ce sont des structures de l’opposition qui prendront les rênes de la transition dans l’éventualité d’un départ du chef de l’Etat, Jovenel Moise. » ; parce que justement, un gouvernement provisoire devrait comporter le moins de dirigeants possible des organisations politiques.

La conférence citoyenne que je soutiens devrait être composée de personnalités de l’intelligentsia haïtienne (une dizaine) vivant en Haïti comprenant entre autres un représentant du mouvement petrochallengers, un représentant de la jeunesse, dont quelques-uns venant de l’extérieur (trois maximum Canada, France, USA) connus pour leurs prises de position en faveur d’un Etat de droit en Haïti ; et qui n’ont rien à se reprocher au niveau de l’ éthique et de la morale. Certains de ces personnages, s’ils l’acceptent pourraient intégrer le Conseil électoral permanent qui depuis 33 ans attend sa création. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, cela suppose que pour apporter des solutions en faveur de la nation, que l’on devrait accepter de mettre la Constitution en veilleuse durant la période de transition.

Demander le départ de Jovenel Moise avant la conférence nationale qui, en toute logique, devrait produire la feuille de route pour le gouvernement de transition, c’est aussi mettre la charrue avant les bœufs. Et l’on risque de tomber une fois de plus dans un autre « ôte-toi que je m’y mette ». Mais si l’on tient à respecter le mieux possible la Constitution en choisissant un juge de la Cour de cassation comme président par intérim, une personnalité issue des Haïtiens expatriés, sans accointance particulière avec la classe politique et le secteur privé des affaires serait le Premier ministre idéal. Mais à défaut, Steven Benoit me paraît le politique le plus consensuel pour occuper cette fonction. Pour éviter tout soupçon de conflit d’intérêts, aucun membre du gouvernement de transition ne pourra, pour une question de confiance à la population, se présenter à un poste électif aux échéances électorales même s’il n’est plus ministre au moment de l’inscription des candidatures au CEP.

Les priorités du gouvernement de transition

Les têtes d’affiches de la tenue de la conférence nationale sont nombreuses ces récentes années, si bien que celle-ci aurait tendance à devenir un cliché. Une formule présentée par divers leaders politiques sans qu’ils n’aient pour autant une vision concrète des procédures, des participants ou des points de discussion pour sa réalisation.

Le premier acte politique fort à accomplir par ce gouvernement de transition démocratique serait d’établir les cadres juridiques et techniques et les moyens humains et financiers pour que le procès PetroCaribe débute dans les meilleures conditions souhaitées. Les trois juges pressentis comme présidents provisoires, ou les deux autres qui ne seront pas choisis comme présidents pourraient intégrer l’Exécutif, l’un en tant que ministre de la Justice et l’autre en tant que conseiller spécial du Premier ministre ou chef de cabinet du ministre de la Justice.

Ce gouvernement mettra enfin en place le Conseil électoral permanent. Il serait souhaitable que certains membres de la conférence citoyenne ou de la Commission de facilitation qui ne sont membres d’aucune organisation politique fassent partie du Conseil électoral permanent. Un ministre du gouvernement de transition ne pourra en aucune manière devenir ministre du président élu après la transition. Pour assurer une réelle transition démocratique, un gouvernement dont aucun membre n’a d’ambition politique immédiate est le plus apte à organiser le Conseil électoral permanent.

Il est souhaitable que ce gouvernement de transition fasse les réformes nécessaires dans la Constitution de 1987 pour résoudre en priorité la problématique des crises électorales, de la nomination du Premier ministre et de redéfinir les droits des Haïtiens vivant à l’étranger aux processus des élections mais aussi de définir les droits et les devoirs de ceux qui ont une autre nationalité autre que la nationalité haïtienne.

Ce gouvernement même en n’étant que de transition devrait créer un ministère de la Fonction publique avec pour mission l’évaluation des moyens à utiliser pour commencer les réformes à opérer dans l’administration. Ses objectifs seraient de réduire les privilèges et la corruption au sein de l’Etat : justice, Palais présidentiel, Parlement, ministères, institutions publiques, services douaniers, etc. de façon à permettre au ministère des Finances de mettre de l’ordre dans les recettes fiscales. L’Etat a besoin d’argent pour réduire à court terme le coût élevé de la vie qui touche en premier les masses défavorisées. Mais aussi de l’argent pour organiser les élections à venir afin d’éviter que ce soit le Blan qui les finance.

La mobilisation populaire et une communication massive sur le plan international, afin d’informer les citoyens du monde de la situation catastrophique du pays, sont les seules armes solides dont nous disposons pour équilibrer les rapports de force. Pour l’instant, seule la presse écrite internationale divulgue des informations sur la corruption et la dilapidation des fonds PetroCaribe.

Et malgré tout, je ne pense pas que le pouvoir laissera faire sans réagir. Il faut se préparer à une intensification de la violence de sa part. D’ailleurs, l’assassinat du bâtonnier de Port-au-Prince n’est que le début des assassinats ciblés. On ne doit pas perdre de l’espoir pour un changement de régime ; car en aucune manière, le régime PHTK ne pourra résister à la mobilisation de peuple haïtien. Ce qu’il faut craindre, c’est le manque de pensée de la classe politique et des citoyens petrochallengers qui aspirent à changer le système !

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