Delmas, le 29 août 2016
LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT A.I. DE LA RÉPUBLIQUE ET AU GOUVERNEMENT PROVISOIRE
Dignitaires de l’État,
Depuis l’inconstitutionnelle élection au second degré de Monsieur Jocelerme Privert comme président a.i. de la République, le MOCHRENHA ne cesse d’agiter vigoureusement la sonnette d’alarme pour attirer l’attention de la nation haïtienne en général, celle des Pouvoirs publics en particulier, sur l’impérieuse nécessité de concevoir et de réaliser, avec la participation de toutes les forces vives de la société haïtienne, un projet intégrateur et transformateur, seul capable de tirer le pays du bourbier politique et du marasme économique.
Par ailleurs, il avait plaidoyé en faveur de l’élaboration d’une feuille de route avant la formation d’un gouvernement inclusif, sachant que, dans ce cas précis, la mission devait préexister au missionnaire. Et il avait prévenu le nouveau chef de l’État que, faute de l’exécution de ces préalables, la frêle embarcation qu’il a la lourde tâche de gouverner ferait un assourdissant naufrage.
Malheureusement, le MOCHRENHA n’a pas été écouté. Car l’incontournable ralliement devant combler votre immense déficit de légitimité n’a pas été recherché. Rien n’a été fait pour tenter de jeter des bases de la rénovation de notre système politique totalement désuet empêchant tout progrès, si ce n’est la démagogique annonce d’un projet de « dialogue national », dont le but à peine voilé consistait à jeter de la poudre aux yeux.
Aucune mesure n’a été adoptée pour soulager le peuple crevant de faim et la jeunesse qui, fatiguée du désœuvrement, fuie la terre sacrée de Louverture et de Dessalines, vocationnellement Boulevard de la Liberté. N’en parlons pas de l’insécurité semant le deuil dans les familles haïtiennes, de la persistante décote de la gourde, etc. En somme, l’échec est plus que patent.
Dignitaires de l’État, pourquoi restez-vous indifférents aux faibles cris d’un peuple affamé, presque résigné, subissant les affres d’une misère atroce ? « Nous n’avons d’autres missions que celle d’organiser les élections ! », répliquez-vous à ceux qui questionnent et condamnent votre passivité révoltante. Vous auriez eu peut-être raison si vous aviez réalisé les compétitions électorales dans les cent vingt jours, comme l’exige l’accord abracadabrant du 6 février que vous avez promis d’appliquer. Mais les cent vingt jours seront convertis en trois cents soixante-cinq jours au moins, et même plus, si les échéances électorales de cette année ne sont pas respectées.
Il est donc inadmissible que vous vous accrochiez au pouvoir en jouissant de tous les privilèges s’y rattachant pour seulement faciliter l’organisation d’élections. Par votre manque de vision et de perspicacité, et par votre inaction, vous vous rendez coupables de l’exaspération des maux de la population haïtienne. L’augmentation tout récemment des prix des produits pétroliers par le Cabinet ministériel et le prompt retrait de cette stupide mesure devant la levée de boucliers de toutes les composantes de la société haïtienne témoignent éloquemment des effets pervers d’un pouvoir incompétent, improvisateur, insensible, dépourvu de destination heureuse.
N’était-ce la vigilance citoyenne, vous n’auriez pas, même momentanément, fait marche arrière puisque vous êtes entrain de négocier quand même une quelconque augmentation des prix de l’essence avec des syndicats de transport. Vous vous comportez comme des Marsiens en feignant d’ignorer que ce sont les consommateurs des produits de première nécessité qui payeraient cette lourde facture si vous parvenez à la leur imposer. Vous faites semblant de ne pas comprendre que la subvention des prix du carburant constitue depuis des lustres le seul programme social de l’État réalisé en faveur de tous les Haïtiens sans exclusive. Vous feriez en conséquence mieux d’abandonner la politique contreproductive de l’autruche que traduit la décision irréfléchie et simpliste d’élever les prix à la pompe sous prétexte de vouloir se doter de moyens adéquats en vue de financer des programmes sociaux.
Dignitaires de l’État, en dépit d’une forte sensation de prêcher dans le désert, nous ne nous lasserons pas de vous proposer des éléments de solution aux problèmes que vous avez vous-mêmes créés ou envenimés. D’une part, pour combler le déficit budgétaire, nous vous suggérons d’adopter un train de vie très modeste, de réduire le salaire des mieux lotis de l’État, de supprimer les trois quarts des postes des secrétaires d’État et tous les postes de directeurs généraux-adjoints, ces derniers étant foncièrement illégaux. L’argent ainsi épargné pourra être investi dans des projets à haute intensité de main-d’œuvre au profit des masses nécessiteuses et des jeunes. Car, dans cette situation d’extrême indigence et de grande précarité, il est à espérer, si les correctifs nécessaires ne sont pas apportés, la pérennisation et l’amplification de la corruption des suffrages. D’autre part, afin de décourager et dissuader les Dominicains achetant à vils prix les produits pétroliers en Haïti pour les revendre chez eux, il conviendrait d’adopter une mesure légale augmentant les frais de douane sur ces marchandises en provenance d’Haïti. Ainsi le problème sera-t-il efficacement résolu.
Dignitaires de l’État, « Gouvernement provisoire » ne signifie pas « Gouvernement irresponsable vis-à-vis de la population ». Tout Gouvernement, quelle que soit la durée de son mandat, peut et doit œuvrer à l’amélioration des conditions de vie de ses administrés. Il suffit de prendre une décision lucide, humaine et désintéressée pour pouvoir établir la différence et s’attirer la faveur du peuple. Dans le cas contraire, pourquoi celui-ci continuerait-il à vous payer ?
Que Dieu sauve la Patrie en détresse !
Pour le MOCHRENHA :Me Sadrac Dieudonné
Pasteur, avocat
Président a.i.

