Dr Arnousse Beaulière Economiste, Analyste politique, Essayiste 30 août 2016
L’introduction du choléra en Haïti en 2010 par des casques bleus de l’ONU est un crime contre l’humanité. Cette épidémie a fait plus de 10 000 morts et affecté 800 000 personnes (Le Monde, 29 août 2016), entraînant le système de santé haïtien, déjà défaillant, dans une situation insoutenable. Selon Jean-Marie Bourjolly, deux mois seulement après l’introduction de la maladie, le bilan humain était déjà très lourd : 150 000 personnes affectées et 3 300 mortes (Le National, 26 avril 2016).
Face à une telle tragédie, si les familles des victimes ont réclamé le départ de la force onusienne, en 2012, le gouvernement Martelly-Lamothe avait dédouané la MINUSTAH, par la voix du ministre des Affaires étrangères de l’époque, Richard Casimir, déclarant qu’« il n’y [avait] aucune preuve indiquant que la force onusienne [fut] à l’origine de cette épidémie » (AlterPresse, 6 novembre 2012).
Or, « deux enquêtes épidémiologiques internationales [commandées par les Nations unies elles-mêmes] ont confirmé que la source de l’épidémie provenait du camp népalais de la Minustah […] Les déchets produits par le camp infecté ont été déversés – ‘‘en quantités phénoménales’’, selon le premier rapport – dans un affluent du fleuve Artibonite, le plus important du pays » (Le Monde Diplomatique, 12 janvier 2011).
Comme le souligne le New York Times, l’ONU n’a jamais voulu reconnaître sa responsabilité dans cette catastrophe humanitaire et a même combattu vigoureusement les avocats qui réclamaient justice et réparation pour les victimes. Le problème était tel qu’en juin 2016, un groupe bipartisan de 158 membres du Congrès américain a exhorté le secrétaire d’État John Kerry à faire pression sur l’ONU pour qu’elle monte une riposte efficace contre le choléra et indemnise les victimes (Foreign Affairs, 13 juillet 2016).
Finalement, le 18 août 2016, l’ONU, a reconnu, du bout des lèvres, sa responsabilité dans cette tragédie. Cette victoire, les familles de victimes, leurs avocats et la société civile haïtienne tant en Haïti que dans la diaspora, qui ont lutté sans relâche pour faire plier l’ONU, la doivent, notamment, à l’opiniâtreté, l’honnêteté et l’humanisme d’un homme : le professeur Renaud Piarroux, spécialiste français des maladies infectieuses et tropicales à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille.
C’est, en effet, lui, « dès novembre 2010, avec ses armes scientifiques, la biologie moléculaire, les cartes de l’épidémie, son enquête sur le terrain [qui] avait débusqué le coupable » (Le Monde, 29 août 2016). Et c’est encore lui qui, après avoir identifié l’origine de l’épidémie, a tenu tête à l’ONU et ses organisations (y compris l’OMS) qui « ont tourné le dos à leur mission et compromis leur intégrité en œuvrant délibérément à orienter les recherches sur de fausses pistes pour les éloigner du camp de la MINUSTAH des Nations-Unies d’où l’épidémie est partie » (Ralph R. Frerichs cité par Jean-Marie Bourjolly, « Un bilan des multiples facettes du choléra en Haïti », Le National, 13 juillet 2016).
Le Président de la République devrait donc décorer de la plus haute distinction haïtienne cet éminent scientifique pour l’immense service rendu à la nation. Il fait partie de ces chercheurs qui font honneur à leur métier en mettant, avant tout, la recherche au service de l’humain. Les Français peuvent être fiers de lui. Et les Haïtiens profondément reconnaissants.


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