Haïti : crise civique, citoyenne, institutionnelle ou systémique?

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Par Bellita Bayard

Août 2019

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Table des matières

Introduction. 4

I.- Historicité du problème. 5

1.1- Un survol historique. 5

2.1.- Le contexte. 7

2.1.1.- Le Contexte historico-social de la crise haïtienne. 7

2.1.2.- Le contexte institutionnel 8

3.1.-Le sens des services et du  bien commun en Haïti 8

3.1.1.- Les services et principes. 8

4.1.- Le sens du bien commun dans les services : considération générale. 11

4.1.1.- Le bien commun dans sa globalité. 11

4.1.2..- Le  bien commun dans sa singularité. 11

5.- La pertinence. 12

6.- Objectifs. 12

7.- Les idées de Claude Ryan sur l’autorité politique et le service du bien commun. 12

7.1.- Aspect Néolibéral de l’État dans  les idées de Ryan. 13

7.2.- Aspect général de l’État et des politiques publiques. 14

7.3.- Aspect de  la moralité  publique des autorités étatiques. 15

8.-Les observations scientifiques du problème. 15

9.- Les enseignements sur les phénomènes psycho-sociaux. 16

9.1.- Carl Marx et les Phénomènes sociaux. 16

9.2.- Sigmund Freud et la psychopathologie de l’homme en société. 17

9.3.- Les aspects sociologiques de la situation. 17

10.- Conception de la crise. 19

10.1.- La crise haïtienne est-elle civique?. 20

10.2.- La crise haïtienne est-elle citoyenne?. 21

10.3.- La crise haïtienne est-elle institutionnelle?. 23

11.- Pour le pays et pour nos pères formons des fils. 24

11.1.- La famille. 24

11.2.- L’école, lieu de socialisation primaire et secondaire. 26

12.- L’Université, lieu de réflexion et de résolution des problèmes socio-économiques et politiques  28

12.1.- L’autonomie universitaire en Haïti 30

12.2.- L’UEH, la politique et la démocratie. 30

13.- Institutions religieuses et la crise politique en Haïti 32

13.1.- Le Protestantisme. 32

13.2.- Le catholicisme. 32

13.3.- Le Vodou. 33

14.- Pour
 le
 Pays,
 pour 
les 
Ancêtres
 Marchons
 unis,
 marchons 
unis
… 35

14.1.- L’État, les trois pouvoirs (l’autorité) et la politique. 35

14.1.1.- Le pouvoir Exécutif 37

14.1.2.- Le pouvoir législatif 37

14.1.3.- Le pouvoir judiciaire. 37

15.- Pour
les
Aïeux,
pour
la
Patrie…dans nos rangs points de traîtres. 38

15.1.- La crise haïtienne est-elle systémique?. 39

15.2.- Le système démocratique  haïtien et le développement 40

16.- Pouvons-nous nous inquiéter de l’avenir de la politique en Haïti?. 42

16.1.- La crise haïtienne est  disciplinaire. 42

16.2.- La crise haïtienne est éthique. 43

16.3.- La crise haïtienne est une crise d’autorité. 44

16.4.- Une crise de confiance. 45

16.5.- La crise haïtienne est démocratique. 46

17.- Conclusion. 47

Références Bibliographiques. 48

 

 

Introduction

A chaque époque de la vie de l’homme, il y a toujours des difficultés et des crises socio-économiques et politiques. De ces obstacles, émerge un (e) « sauveur (se) », un (e) «liberateur/trice » pour l’aider à les  juguler, soit en se convertissant en héro, héroïne,  penseur, (e)  soit en inventant de stratégies tranquilles ou belliqueuses, soit en developpant des théories afin de stimuler les actions de l’homme.

Depuis les années 80, Haïti, notre cher pays est en agoni socio-politique. Elle cherche comme Diogène avec sa lampe[1] magique des hommes et des femmes qui puissent se convertir en héros ou penseurs  pouvant l’aider  dans cet état de ralentissement, d’affaiblissement des fonctions vitales qui caractérise la vie nationale. Des «secouristes »  pouvant freiner ce déclin,  cette disparition progressive du pays. Jusqu’à quand espèrerons-nous ce coup de grâce?

Les inégalités, fondées sur le droit, le partage, la solidarité, l’éducation, le respect de l’environnement et le culte du bien commun, enfoncent le pays dans une  crise sans précédent. Les volontés politiques tardent encore à surgir en vue d’une prise de conscience générale afin de faire face positivement aux problèmes qui rongent la population. Faute de confiance, les responsables des institutions étatiques perdent leur légitimité. Donc, pas de chance d’initier un dialogue entre les protagonistes troublant ainsi l’ordre social et la paix publique. L’insécurité est généralisée, personne n’est à l’abri. Cette situation fait chuter la production nationale et augmenter l’importation causant ainsi une inflation (IHSI, juillet 2019) très élevée de plus de 19% et la fluctuation du dollar américain qui atteint déjà la barre d’environ 95 Gourdes pour un dollar. Le peuple haïtien est livré à lui-même dans une lutte sans merci contre la  pauvreté infrahumaine. C’est une véritable crise sans une lueur d’espoir pour la société.  Où sont les responsables de ce pays? Où est la majorité silencieuse des intellectuels? Où est passé le sens du civisme et de citoyenneté dans ce pays? Est-ce le déterminisme historique d’Haïti qui est en train de se reproduire? À savoir : les mêmes causes produisent-ils toujours les mêmes effets dans les mêmes circonstances? »

A travers la première section de cet article, nous nous proposons de poser le problème en faisant un survol historico-institutionnel de la crise haïtienne depuis l’indépendance à nos jours. Nous avons posé le problème en termes de la gestion des biens communs chez les haïtiens. Pour ce faire, nous avons rendu présent à l’esprit de nos lecteurs les problèmes de continuité politique, d’adaptation des services publics offerts dans le pays dans le sens du bien commun, la neutralité dans les services, la transparence, la confiance et la fiabilité dans la gestion de la chose publique etc. Dans la deuxième section, nous avons fait appel aux idées de Claude Ryan sur l’autorité politique au service du bien commun en tenant compte de l’approche néo-libérale selon les idées de l’auteur.  La troisième section est réservée à l’aspect général de l’État  et les politiques publiques en Haïti, en questionnant la moralité publique des autorités étatiques. Notre vision de cette recherche se repose sur les principes historico-systémique. Nous faisons appel aux théories de Marx sur les rapports sociaux de production et celle de Sigmund Freud sur la théorie psychopathologique de l’homme en société. Dans la quatrième section, nous avons questionné la crise sur le plan institutionnel, civique, économique et citoyenne. Nos regards tournent aussi vers les sociologues afin de pouvoir expliquer sur le plan global les phénomènes sociaux et certaines institutions telle que : la famille, l’école, l’université, l’État et les trois pouvoirs etc. Nous parlons du système démocratique haïtien et le développement économique. Dans la cinquième section, nous avons fait certaines  allégations scientifiques sur la crise afin de donner aux lecteurs une certaine compréhension de la situation. Enfin, nous faisons  des ouvertures sur les solutions en vue de l’éradication de cette crise.

I.- Historicité du problème

1.1- Un survol historique

Les historiens diraient depuis après l’indépendance d’Haïti, le pays est plongé dans une crise sans précédent : les grognes contre le titre de Jean-Jacques Dessalines quelques mois plus tard, le 22 septembre 1804, il se désigne empereur sous le nom de Jacques 1er. Il projeta de nationaliser les terres et de les répartir entre tous les citoyens. Ce qui causa sa mort le 17 octobre 1806. On assista également  jusqu’ à nos jours à la rivalité  entre la minorité mulâtre et la majorité noire. Après la mort de Dessalines, Henri Christophe le remplaça au pouvoir et scinda le pays en deux. D’où la scission entre le Nord et le reste du pays. Christophe était devenu  roi Henri 1er en 1811, quelques années plus tard, il se suicida  en 1820.  Sur le plan international, ils avaient  mis le pays en quarantaine pour avoir osé cette prouesse, en lui infligeant des sanctions de non reconnaissance de son indépendance gagnée au prix de leur sang. D’autres (La France) demandèrent des indemnités pour cette reconnaissance. Jean-Pierre Boyer, un mulâtre de l’époque qui succéda à un de ces pairs,  Pétion,  le 11 juillet 1825, sous la menace du retour des français avec  14 vaisseaux et 500 canons, signa  un traité avec le roi de France Charles X en vue de la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti en échange d’une indemnité de 150 millions de francs-or[2].  Les haïtiens acquittèrent entièrement  cette « dette » jusqu’en 1888. Ce bref  survol historique nous fait comprendre que la gouvernance économique, sociale, diplomatique et politique d’Haïti était mal partie, car les héros  avaient généré une indépendance physique des noirs, mais n’arrivaient pas à effectuer l’indépendance sociale, économique, intellectuelle et psychique des esclaves.

Dans toute la vie historico-politique de la société  haïtienne, le pays n’a jamais connu des périodes de stabilité constantes. Les mouvements politiques se font toujours sur des fonds de contestation  à tort ou à raison. Il y a toujours une communauté internationale, c’est-à-dire les pays dits industrialisés représentés de nos jours par le «Core Group » qui s’ingérèrent dans les affaires du pays, en mettant la pression en vue de garder le contrôle politique et économique du pays.

Pour en faire une histoire courte sur les crises haïtiennes, laissons de côté 132 ans de vie historique, depuis la fin du règne de Jean-Pierre Boyer, en vue d’un survol sur la gouvernance de 29 ans des Duvalier[3] (Père et fils). A partir de 1957-59, un système dictatorial s’installât dans le pays. Toutes les libertés ont été restreintes… pour continuer sa course en 1971 jusqu’au 7 février 1986, le jour de la défaite du président Jean-Claude Duvalier[4] au pouvoir. Pendant cette période, il y avait une domination Duvaliérienne supportée par les membres de sa milice : les tontons macoutes ou les volontaires de la sécurité nationale. La liberté d’expression n’était pas au rendez-vous. Elle faisait place  à la répression pour tout «impair » commis contre  le gouvernement de l’époque. Il y avait une paix apparente parce que tout le monde se gardait de faire de quelconques commentaires socio-politiques sous peine de ne pas se faire arrêter et d’être taxé de «kamoken ». Enfin, durant toute cette période la peur fut au rendez-vous au sein des familles, partis politiques, l’église et de la société en général.

Le 7 février 1986, une lueur d’espoir planait sur Haïti : c’est la fin de la dictature. Tout le monde croyait dans un véritable changement dans le pays. Du Conseil National de Gouvernement (CNG) dirigé par Henri Namphy en passant par les gouvernements provisoires et des coups d’état répétés de l’époque jusqu’en 1991. Après le départ forcé du Président Jean Bertrand Aristide, tous les espoirs du peuple haïtien s’effondrèrent. Les projets du redressement des systèmes politiques, économiques, sociaux, éducatifs etc. échappèrent à tous les leaders politiques de l’époque pour faire place à la corruption et la malversation. De là, il y avait une polarisation des forces antagoniques au détriment des besoins du pays et de la population. Les conflits socio-politiques, les forces en présence et l’effervescence de la  population aggravaient la crise et mettant ainsi en cause le système[5].  De 2004 à nos jours, elles  continuent à se battre pour des intérêts personnels, aux dépens des intérêts supérieurs de la nation. Des experts en politique questionnent l’incapacité du système à répondre aux exigences minimales de la population. Les revendications salariales, de droit à la sante, l’éducation, la  nourriture le logement etc. pleuvent. Les recettes de l’État sont à leur plus bas niveau, il n’y pas de production nationale, l’importation n’est pas contrôlée,  le taux de chômage augmente, l’inflation fluctuait entre les années et atteint les deux chiffres, soit 17% en 2019. L’immigration des jeunes vers les pays de l’Amérique du sud (chili, Brésil etc.) selon un article du Nouvelliste écrit  en 2018 par M. Patrick Saint-Pre, à partir des  statistiques de  la police d’investigation chilienne PDI –Policía de Investigaciones[6], il y avait  104 782 Haïtiens  au Chili en 2017, soit 114% de plus qu’en 2016 qui accusait un total de  48 783 Haïtiens au  Chili. Ce pays représente le nouvel eldorado des jeunes haïtiens qui sont sans espoir d’un lendemain meilleur dans leur pays.

2.1.- Le contexte

2.1.1.- Le Contexte historico-social de la crise haïtienne

Dès le  lendemain de la guerre de l’indépendance haïtienne, les problèmes socio-économiques, politiques, culturels et identitaires surgissaient. Certains moments douloureux de notre histoire nous montrent que nous sommes réellement frappés par ces dangers susmentionnés, fruit de nos incompréhensions et des luttes fratricides dues à l’individualisme à outrance. Nous nous sommes mis ensemble pour faire l’indépendance, cependant, notre attachement à l’exploitation des biens du pays fait de nous des monstres jusqu’à éliminer nos compatriotes et frères de combats refusant d’adhérer à nos instincts d’exploiteurs et de corrupteurs. Nos comportements, en tant que dirigeants et citoyens de la cité à laquelle nous devrions être les gardiens de la sauvegarde de l’indépendance nationale,  de la sécurité intérieure et extérieure du pays, la santé, la moralité publique, du travail, de la famille,  à l’instruction, à l’éducation et des libertés, nous avons préféré la destruction des biens communs de la nation au profit de nos intérêts individuels. Nos attitudes de  dirigeants (es) plongent le pays dans une crise à cause de l’absence de l’esprit communautaire, du respect des biens communs. Nous assistons non sans peine à la pollution du pays et des lieux publics en particuliers. Nous prenons tout avec une légèreté telle, que les problèmes électoraux, constitutionnels, fiscaux etc. deviennent des sources intarissables de mauvaises gouvernances du pays. Ceux-ci ne nous interpellent pas dans une perspective de redressement de la situation, puisque nos dirigeants se sentent très confortables dans ce marasme. Quel exemple de civisme et citoyenne allons-nous donner à nos enfants qui seront les futurs dirigeants du pays, si nous ne respectons pas les biens et les institutions publics républicains? Nous devons penser que la responsabilité et l’autorité marchent de pairs et doivent être considérés comme un service obligatoire à la population. Ces obligations deviennent des actions rares dans notre pays pour faire place à l’immoralité, l’impunité…

2.1.2.- Le contexte institutionnel

Sur le plan institutionnel, Haïti fonctionne comme une société sans État et les pouvoirs politiques.  Les responsables étatiques, parlementaires et législatifs se comportent tellement mal dans leur administration qu’ils n’ont pratiquement pas la confiance de la population. Dans ce cas, ils deviennent ipso faction sans pouvoir, ni autorité. C’est l’anarchisme en tant que mouvement politique qui y règne en maître. C’est  le refus total de l’autorité de l’État par la désobéissance civile. Les lois n’ont plus de force, l’administration est en veilleuse pour faire place à l’anarchie, l’effondrement de l’économie, de l’agriculture, du commerce,  la corruption devient quasiment généralisée et devient monnaie courante. On assiste à  la disparition de la société comme sphère des libertés individuelles, lieu de vie, d’échange et de bonheur. L’État devient moribond, sans aucune emprise sur les   biens communs, ni les personnes.

3.1.-Le sens des services et du  bien commun en Haïti

3.1.1.- Les services et principes

Pour qu’il y ait services, il faut  qu’ils soient dans l’objectif de donner de la satisfaction dans  l’intérêt général, sans penser à la rentabilité financière ou des profits. D’ailleurs, c’est ce qui différencie l’entreprise publique qui perçoit des taxes pour la redistribuer sous forme de service  à la population. Tandis que l’entreprise privée doit compter d’abord et avant tout sur sa rentabilité et ses profits. L’article 235 de la constitution stipule que : «Les Fonctionnaires et Employés sont exclusivement au service de l’État. Ils ont tenus à l’observation stricte des normes et éthique déterminées par la Loi sur la Fonction Publique[7]. »  Les services publics haïtiens ne respectent aucun principe. Selon qu’il est écrit dans certains documents, les services doivent respecter les principes suivants : d’égalité, de continuité, de mutabilité et d’accessibilité dans la plus stricte  transparence, de neutralité et  de fiabilité.

3.1.1.1.- Égalité dans les services

L’État haïtien, à travers les institutions publiques a pour  mission et devoir de distribuer les services à tous les haïtiens, sans distinction de classes,  de leur condition sociale, de leur handicap, etc. Dans ce cas, il n’est pas toujours facile pour les usagers de bénéficier à leur convenance personnelle des services de l’État. Au lieu d’être redistribués au milieu de la population, dans une stratégie de gain personnel, les responsables ont créé une rareté psychologique en vue de forcer les usagers à utiliser à leurs frais les services des raquetteurs. Le sens du service à la communauté n’interpelle pas les responsables étatiques afin de lutter contre les inégalités économiques et sociales en vertu du principe d’égalité et d’équité.

3.1.1.2.- Continuité politique

Haïti, depuis 1986 baigne dans une instabilité politique sans précédent. Même les gouvernements qui arrivent à boucler leur mandat, le font dans la douleur politique. Or, les sens même du service public se trouvent dans la continuité de l’État. A chaque changement de gouvernement, il y une rupture des services, soit elle est discriminatoire, soit elle est politique ou volontaire.  Par exemple, tout effort d’un gouvernement à mettre en place des services publics en permanence tels que les services de santé à travers l’aménagement des services dans les hôpitaux, l’électricité, eau, etc. sur une base régulière, tout peut être basculé du jour au lendemain de l’absence de ce gouvernement. Donc, le principe de continuité de l’État fait défaut à ces actions citoyennes.

3.1.1.2.-Adaptation en fonction des besoins de la population

Les services, s’ils existent dans les institutions publiques, sont très mal conçus en raison de la lourdeur administrative. Là où il y a les techniciens appropriés, la technicité fait défaut et vice-versa. Des fois, les deux existent mais la conscience professionnelle n’est pas au rendez-vous afin de servir convenablement et rapidement les usagers. Même avec l’évolution de la technologie, les services trainent et ne sont pas durables c’est-à-dire, ils sont sujets au changement sans raison valable, juste un changement de gouvernement, la carte d’identité nationale passe au numéro de matricule fiscale, pour ensuite faire place au numéro d’identification nationale jusqu’à la  dernière-née en date avec des puces et la prise des empreintes digitales et visuelles. A qui profite ce service quand il est sujet à des modifications à chaque gouvernement? Nous pouvons comprendre qu’un service public ne peut pas être figé, en raison du principe de mutabilité, cependant, le hic est de savoir pourquoi change-t-on à chaque moment et à qui profite ce changement?

3.1.1.3.- Accessibilité à tout le monde

Les services que bénéficie la population haïtienne ne sont pas accessibles aux usagers. Les demandes dépassent  de loin les offres des services. La file d’attente peut durer un temps record, pendant que ceux qui sont administrativement responsables pour offrir les services n’en n’ont fait peu de cas. Que dire de la déconcentration de ces services? Pour dix départements, tous les services sociaux de base se concentrent à Port-au-Prince, ce qui les rend inaccessibles pour la population rurale. Il n’existe pas en Haïti des services de proximité. Tout se concentre à un endroit fixe qui requiert des heures et même des jours un service de base. D’où la  conséquence d’une lourdeur administrative à outrance.

3.1.1.4.- Neutralité dans les services

La neutralité n’existe pas  dans l’activité quotidienne des services publics en Haïti.  A tort ou à raison, il y a toujours un poulain à protéger et à favoriser au niveau de l’État. Les agents  de la fonction publique ne sont pas neutre politiquement, voire sur les convictions philosophiques, religieuses, syndicales. La priorité des services  est accordée à l’origine sociale et au statut de la personne avant tout autre chose. Alors que, les  usagers devraient avoir les mêmes droits.

3.1.1.5.- Transparence dans la gestion de la chose publique

La transparence représente le nœud gordien du problème de la gestion de la chose publique en Haïti. Les scandales ne gênent pas, car les responsables administratifs ont relativement perdu le sens de la pudeur et de l’éthique dans notre pays. Les principes de passation de marché dépendent de l’influence de l’autorité étatique qui les change comme des chemises. Et, ceci, en fonction de leurs intérêts mesquins. La priorité des services est accordée à ceux qui peuvent donner de pots-de-vin. Le sens de la communication est perdu avec les mauvais services. Les usagers ont toujours surpris des changements dans les services, car la transparence se mesure au degré des ambitions de ceux qui dirigent.  Voilà pourquoi les autorités administratives ont perdu le sens de  l’évaluation des politiques et des actions publiques à  tous les niveaux de l’État. Car,  la transparence et la participation citoyenne peuvent contribuer à  la reddition de comptes  en termes de gestion des  politiques publiques afin de relever le niveau de fonctionnement de l’État.

3.1.1.6.- Confiance et fiabilité dans les services

L’absence de confiance et la fiabilité fait de la gestion de la chose publique une jungle, une bombe à retardement. Il y a une crise de confiance qui met en retard toute action positive dans ce pays, faute des mauvais fonctionnements des services publics. Les lois existent, mais elles ne sont pas suivies, ni respectées. La rapidité et la fiabilité des services en Haïti sont à reconsidérer dans un éventuel remaniement systémique.

 

 

4.1.- Le sens du bien commun dans les services : considération générale

4.1.1.- Le bien commun dans sa globalité

Le « bien commun » c’est ce qui renvoie à une multiplicité de sens. Selon Gilles Yovan, le terme « commun » veut dire « mettre en société ». Pour Socrate,  les champs du bien sont : l’honnêteté et la justice ; l’avantage, l’agrément, la jouissance et le plaisir et enfin la convenance et la règle. Plus près de nous, le penseur économiste Riccardo Petrella énonce trois facteurs  des biens communs : La vision religieuse qui donne au bien commun un sens spirituel.  La justice qui prône le vivre ensemble dans la paix et la miséricorde. Le combat pour la dignité humaine qui prend tout son sens dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et ses valeurs « liberté, égalité, fraternité ».

4.1.2..- Le  bien commun dans sa singularité

Haïti  le bien commun et le sens du service a perdu tout son sens pour faire place avarement à la confiscation des biens communs du pays.  D’ailleurs, le premier bien commun des haïtiens c’est Haïti elle-même, cloitrée dans une politique de destruction outrancière de ses richesses par les représentants des pouvoirs publics au détriment de la majorité de la population. Nous avons perdu, depuis peu avant 1986 le sens de la civilité tels que: la politesse, la courtoisie, le savoir-vivre, l’altruisme et du respect de l’autre. Nous sommes devenus insensibles  à la détresse de l’autre. Une personne en détresse devient à nos yeux un acte théâtral à filmer et à distribuer à travers les réseaux sociaux. La vie privée de l’un devient la risée de l’autre. L’individualisme bat son plein, le Moi est beaucoup plus important que le problème de la collectivité. En tant que pays pionnier signataire de la déclaration universelle des droits de l’homme, tous les droits de nos concitoyens sont bafoués, même les plus élémentaires tels que : le droit à l’éducation, la nourriture, l’eau potable,  au logement et  à la santé etc. de la population. Or, l’article 22 de la constitution d’Haïti stipule que : « L’État reconnaît le droit de tout citoyen à un logement décent, à l’éducation, à l’alimentation et à la sécurité sociale[8]. »  Plus loin dans l’article 23, il  est dit  que : «l’État est astreint à l’obligation d’assurer à tous les citoyens dans toutes les collectivités territoriales les moyens appropriés pour garantir la protection, le maintien et le rétablissement de leur santé par la création d’hôpitaux, centres de santé et de dispensaires. »  Si nous nous référons à la théorie de la pyramide de Maslow,  les haïtiens ont  aussi des besoins de sécurité, d’appartenance, d’estime de soi et de réalisation de soi. Les besoins de sécurité,  car aucun être humain ne peut (sur)vivre sans un minimum de sécurité et sans contact humain. La mobilité, l’énergie  et d’autres biens communs font partie de ce droit à vivre dignement dans notre société. Or leur accès est fortement conditionné à la capacité financière de chacun.

5.- La pertinence

Hait doit donner des solutions durables  aux problèmes qu’il  traverse actuellement, et, ceci de manière urgente. L’évolution de la situation dans ce pays démontre clairement que nous allons droit vers une catastrophe politique et  économique. Il est un impératif pour les acteurs de ce pays de s’entendre sur son avenir immédiat. Sans un effort permanent pour résoudre les problèmes, la nation toute entière en paiera les conséquences.

6.- Objectifs

Dans cette réflexion, nous pensons faire des choix  d’analyse sur certaines institutions pour asseoir notre questionnement du problème. Nous ne prétendons pas donner des réponses à tous les problèmes mentionnés. Cependant, nous allons faire apparaître leur importance pour juguler la crise et leur effet «domino »  sur les autres secteurs de la vie nationale.  L’analyse des transformations de la situation socio-politique du pays nous permettra de voir  comment évoluent les valeurs morales  et certaines institutions du pays.  Quelles sont les conceptions futures des haïtiens et leur  rapport à l’altérité, la solidarité, le patriotisme Notre objectif est de comprendre tous ces points par rapport  la crise qui secoue toutes les sphères de notre pays.

7.- Les idées de Claude Ryan sur l’autorité politique et le service du bien commun

Le texte le plus rapproché de notre réflexion est celui de Claude Ryan,  écrit en 2004 sur l’éthique publique. Il est intitulé : «L’autorité politique et le service du bien commun dans les conditions d’aujourd’hui » dans lequel il dit que le service du bien commun est la responsabilité première des gouvernements mandatés au nom de la population. Cependant le service du bien commun n’aura aucun sens, il n’est pas accompagné de l’action concrète des pouvoirs politiques. Qu’en est-il du bien commun? Ryan, entend par le bien commun la bonne vie humaine, la qualité de bien de la population, l’ensemble des conditions menant à la qualité de vie des personnes, des groupes, des institutions,  la liberté, la justice, la concorde et la paix, etc. Tout le monde, par le truchement de l’État qui est l’émanation de la société,  doit être responsable des biens communs : les citoyens, la famille, les communautés doivent se sentir interpellés par les mauvais traitements qu’on inflige aux biens communs dans un pays donné.

Ryan fait une démarcation entre biens communs qui concerne les citoyens et les biens communs qui sont le lot de la société politique. Ceux-ci sont spécifiquement reliés à la vie humaine, aux croyances religieuses, les valeurs esthétiques. Cependant, la libre recherche de la vérité, les pensées et la vie privée des citoyens ne relèvent pas des biens communs temporels, car la personne humaine est au centre de la vie sociale. Selon Ryan,  le bien commun n’est jamais à l’état pur, mais il englobe tout le monde dans la vie quotidienne et sous des formes diverses.

La conception du bien commun varie selon  la culture, les intérêts, les opinions, les goûts et inclinations des individus et des groupes.

Parlant de l’action gouvernementale, l’auteur augure qu’elle est  fortement conditionnée,  par le contexte dans lequel elle évolue à travers les sociétés. Certaines périodes se prêtent à une expansion marquée de l’action gouvernementale. L’action gouvernementale doit s’inscrire dans une politique d’assainissement des  mœurs politiques, corrompues pendant de longues années de favoritisme et de laxisme éthique. C’est également une obligation de rattraper les retards au niveau de la sante, l’éducation, les services sociaux de base et les infrastructures publiques.

Pour mieux exercer son pouvoir, tout gouvernement doit chercher à réduire les dépenses publiques et rendre moins lourd l’endettement du pays.

Il doit maintenir les acquis démocratiques tels que : la gratuité scolaire,  les soins médicaux et hospitaliers gratuits, les libertés syndicales,  les services sociaux  en faveur des personnes âgées, les  aides financières aux étudiants, aide sociale, autrement dit la justice sociale pour le peuple.

L’action d’un gouvernement doit répondre aux besoins concrets de la population et non à la satisfaction des idéologues qui font fi de la réalité. L’État doit être vu comme un instrument pouvant servir la population. « Il faut aussi, cependant, être conscient que l’État est un instrument très délicat qui ne peut pas répondre directement à tous les problèmes et dont l’usage coûte vite très cher et peut même desservir les fins pour lesquelles on veut l’utiliser[9]. » (Ryan 2004)

7.1.- Aspect Néolibéral de l’État dans  les idées de Ryan

Dans une approche néolibérale, lorsqu’on parle de l’État, on a toujours tendance à croire que   tout ce qui est de la responsabilité  de l’État est synonyme de bureaucratie, de lourdeur administrative, de contrôle tatillon et d’anonymat, etc. Or, la meilleure face de servir l’intérêt de la communauté c’est de mettre en question chaque action gouvernementale afin de comparer les avantages et les coûts  dans le but de prendre de bonnes décisions en faveur de la communauté.  Ryan fait croire que  l’approche néolibérale du rôle de l’État  «est défectueuse »  1) Elle veut primer la rentabilité économique sur les valeurs des services rendus par l’État. Il est pour qu’un  gouvernement assure la bonne marche de la vie économique et des lois y afférant, cependant, un gouvernement ne peut pas exister seulement pour ces raisons. 2) Outre les critères économiques, le rôle d’un gouvernement  c’est de veiller à ce que des valeurs telles que : la dignité et les droits de la personne, la justice, l’égalité des chances, les droits minoritaires. Pour Ryan, Les critères de rentabilité économique ne sont pas les seuls qui peuvent satisfaire, la réponse aux besoins de la population est aussi importante dans le secteur public.   L’auteur avance que : «Le juge ultime de la performance de l’entreprise privée est sa clientèle. Le juge de la performance d’un gouvernement est au contraire l’ensemble de la population[10]. »

7.2.- Aspect général de l’État et des politiques publiques

Avant d’être nationale, les politiques publiques doivent être locales. Les parlementaires devraient être les premiers dans leurs circonscriptions et départements respectifs à  suggérer par des  projets lois, les besoins des actions concrètes d’un gouvernement. Ces actions ne doivent pas être circonscrites seulement pendant les périodes électorales, dans le cas contraire, ils n’auront pas la confiance de la population, des électeurs.   Compte tenu de l’importance prioritaire qui doit être accordée à la santé, à l’éducation et aux mesures de soutien du revenu, les initiatives visant la sécurité physique des personnes, la création ou le maintien d’emplois, la construction  et  l’amélioration des routes, l’aide directe à diverses classes et personnes, l’ouverture de chantiers de construction gouvernementaux et les subventions d’appoint à divers organismes sont de bons exemples des actions et politiques publiques d’un gouvernement responsable. Un gouvernement, pour inspirer confiance à une population, «doit d’abord donner l’exemple des vertus de compétence, d’intégrité et d’engagement désintéressé au service du bien commun que l’on est en droit d’exiger des détenteurs de charges publiques[11]. » Les élus   incompétents, frivoles, imbus d’un esprit partisan et enclins au favoritisme peuvent réussir à  garder le pouvoir pendant un certain temps. Mais ils n’auront pas le moindre respect de leurs concitoyens qui à leur tour leur gratifieront de doute et de mépris à tous y compris les  institutions et loi régissant la vie politique de ce pays.

7.3.- Aspect de  la moralité  publique des autorités étatiques

Quant à la moralité publique, il incombe aux autorités publiques de faire des lois appropriées à ce que la conduite des affaires, la conduite des acteurs politiques, les mœurs politiques et le comportement des personnes dans les lieux publics soient astreints à des normes raisonnables. En cas de  neutralité et passivité devant des actions qui réclament  des solutions urgentes  impliquant des choix éthiques  qui sont opposés à l’intérêt général le gouvernement en place et responsable sera discrédité. Enfin, Ryan pense que les responsables des gouvernements doivent se comporter dignement et modestement, de façon telle qu’ils doivent intérieurement disposer à accepter d’être gouverné par l’adversaire politique dans une éventuelle légitimité d’obtenir la faveur populaire

8.-Les observations scientifiques du problème

La réflexion que  nous allons développer  découlera des principes historico-systémique. «La méthode historique[12] est la méthode employée pour constituer l’histoire ; elle sert à déterminer scientifiquement les faits historiques, puis à les grouper en un système scientifique. » Cette méthode va d’abord être appliquée à la méthode historique afin d’interpréter les tranches d’histoire évoquées dans la recherche. En réunissant  les faits, nous allons les interpréter de manière identique et  historique, pour qu’enfin nous les questionnions en mettant en causes les systèmes de gouvernements, de gouvernance éducative, civique, citoyenne, institutionnelle etc.  Nous allons par la méthode systémique dont les fondements épistémologiques seront autour des rappels des faits historiques tout au long de notre étude.  L’approche systémique comme courant de pensée et démarche intellectuelle sera l’objet de réflexion. En effet, la systémique comprend une double nature. Elle est   à la fois connue comme un courant de pensée, un paradigme scientifique et comme une méthode, une démarche intellectuelle. Cette dualité de la systémique s’inscrit dans la mise en perspective épistémologique de notre réflexion en tant que paradigme scientifique dans un premier temps et ensuite nous utiliserons le caractère opérationnel de la systémique en vue de mener des démarches de pensée qui  seront explicitées à travers l’exploration d’un certain nombre de concepts et théories.

 

9.- Les enseignements sur les phénomènes psycho-sociaux

9.1.- Carl Marx et les Phénomènes sociaux

Carl Marx,  philosophe, économiste, sociologue, lui aussi tentait de répondre aux problèmes sociaux et les rapports entre les gens  de la société de son époque. Les œuvres de Marx, jusqu’à aujourd’hui sont d’une grande importance pour le monde. Marx explique les  rapports sociaux de production, par tout ce qui se manifeste brusquement entre les hommes pendant le processus de production. « Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives matérielles. L’ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base concrète sur laquelle s’élève une superstructure juridique et politique à laquelle correspondent des formes de consciences sociales déterminées[13]. »  Selon lui,  le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie sociale, politique et intellectuel en général d’une société. Certains sociologues disent que les rapports sociaux  amènent  les êtres humains dans une «trajectoire de vie à travers des interactions et des liens d’interdépendance. »  Nous pensons également que les rapports sociaux découlent de  la socialisation, familiale, éducative, culturelle. Celle-ci est l’empreinte indélébile du processus identitaire, d’un peuple, d’une nation etc.

En Haïti, tout ce qui touche l’essence de la société est en décrépitude. Malgré  la présence de grands penseurs  Marxistes, capitalistes, «néo-libéralistes » haïtiens, comme dirait Maurice Sixto dans «Ti Sentaniz », «Yo pa pwoblem Ti Sentaniz (Ayiti) nan gwo liv yap li yo », c’est-à-dire,   ils n’arrivent pas à solutionner les problèmes d’Haïti. Soit ils ne sont pas conscients, soit ils font partie intégrante des problèmes. Dans ce cas, ne pouvant pas être juges et partie à la fois, ils les étouffent  à leur profit et au détriment de la société toute entière. Certains experts politiques, psychiatriques et sociologiques les appellent des hystériques ou des névroses caractérisés et par un type particulier de personnalité marqué par le théâtralisme, la dépendance et la manipulation de leur entourage en  poussant une partie du peuple haïtien  à l’hystérie collective par l’agitation, excitation, frénésie et tout ceci pour leur compte personnel. Nous avons été dans les idées de Sigmund Freud en vue d’essayer d’expliquer leur comportement.

9.2.- Sigmund Freud et la psychopathologie de l’homme en société

Plus près de nous, dans les années trente, plusieurs courants de pensée dominaient les actions des humains dans les sociétés occidentales : La psychanalyse les instances intrapsychiques, c’est-à-dire, les intérêts pulsionnels, les intérêts extérieurs, les intérêts narcissiques et les intérêts de la totalité de la personne que Freud appelait respectivement : le Ça, le surmoi, l’idéal du moi et le moi (ego). Sigmund Freud avait fait ces études afin d’observer le domaine restreint de la psychopathologie dans le but de comprendre le fonctionnement du psychique de l’homme dans les sociétés.  Les psychologues dans leur comportement préventif sont sans répit attentifs en vue de prévenir chez leurs patients ce qu’ils appellent la «conflictualité », qui est l’action de se reporter à une époque ou à un fait antérieur, d’établir une relation de dépendance entre deux faits[14]. : le comportement du patient et de son environnement. Donc il cherche les causes du problème psychique du patient dans ses rapports sociaux afin de l’aider à le solutionner.  Les problèmes politiques d’Haïti sont pathologiques. Les responsables et les acteurs politiques sont pour la plupart des hystériques dans l’invention des crises dans le pays afin de satisfaire leurs besoins personnels aux dépens du reste de la société. A la différence de S. Freud, ces gens ne sont pas inconscients, ils  sont bien conscients du mal auquel ils font le pays. Ce sont des personnes qui ont des comportements sadiques face aux problèmes du pays et de la société. Nous ne pouvons pas opiner sur les problèmes d’Haïti sans questionner les sociologues, qui considèrent que les faits sociaux et politiques doivent être pris et compris de manière globale et totale.

9.3.- Les aspects sociologiques de la situation

Au nom de la théorie sociologique augurant qu’un fait social est total et global, après avoir passé en revue les notions de Freud susmentionnées, nous pensons qu’il est normal de faire appel aux idées des structuralistes qui parlent de certains objets sociaux officiellement isolés des autres, nous citons : la famille, l’école,  le travail, la justice, l’économie, la politique etc.  et qui sont un ensemble interdépendant dans les mouvements communs au point de vue d’une société dynamique. Celle-ci représente  non seulement un ensemble organisé mais aussi contradictoire, fruit d’un même environnement. Elle évolue en fonction des normes et  principes de l’échange culturel, économique, de la réciprocité et de tout ce qui caractérise la dimension sociale de l’homme.

Nous pouvons aussi regarder la situation haïtienne sous un angle systémique des relations entre les individus au niveau familial professionnel social. Les règles implicites  et les interactions de communications inconscientes entre les hommes en société. Le mode d’organisation socio-politique, les échanges entre les parties etc. sont autant de facteurs qui peuvent nous aider à comprendre la crise que traverse  la société haïtienne. Car, tous les mouvements sociaux sont liés entre eux. Nous devons faire connaître la réalité sociale dans laquelle le pays fonctionne et qui la contraint à être fragmentée. Il nous parait très difficile  et même complexe le comprendre dans sa singularité afin de proposer des solutions aux problèmes, en tenant compte des différents aspects caractérisant la vie nationale. Que pouvons-nous penser ?

Sur le plan sociologique, on se demande si c’est la société qui crée[15] les individus ou ce sont les individus qui choisissent leurs institutions. En fait, qu’est-ce qu’une institution? En 1982, les terminologues de l’Université Laval précisaient que « institutions, au pluriel, désignent les organismes qui assurent la vie sociale et politique d’un pays[16]». Les institutions politiques, enfin, sont des organisations fondamentales d’un État ou d’une nation. Ces institutions sont les organes du pouvoir souverain sur le territoire.  Dans une perspective institutionnaliste, certains sociologues affirment  que les institutions transcendent les acteurs individuels. Elles émanent des caractéristiques culturelles constantes des sociétés et de leur comportement. (Sewell, 1992 ; Scott, 1995 ; Dugger, 1990).  Par contre, le courant sociologique institutionnaliste[17]  parle des individus  en tant que créateurs des institutions en fonction de leurs intérêts. Selon certains sociologues examinent la question institutionnelle selon 3 principes ou moments :

1) les institutions sont des structures exogènes aux individus : À l’instar d’Ayner,  nous disons  que les institutions ne sont pas des entités monolithiques, elles comprennent des éléments divers. Elles  comportent des éléments distincts mais interconnectés  sous forme d’organisations. Elles influencent de manière isolée les comportements des individus en les guidant, les motivant à adopter des comportements particuliers.

 2) les institutions endogènes sont celles qui  sont en interactions avec les individus : elles  s’imposent d’elles-mêmes.  Le comportement y est auto-exécutoire parce que les individus   adoptent le comportement institutionnel, ce  confirme implicitement les croyances  et les normes auxquelles les individus s’associent. Les institutions sont le reflet des actions et des intérêts de certains individus : «  Les règles, croyances et normes héritées du passé informent et reflètent les modèles cognitifs partagés par les individus… » On peut le constater dans les choix  et la vision personnelle de ces individus.

En somme, les équilibres multiples entre les institutions et les individus deviennent la règle plutôt que l’exception dans les situations qui se reproduisent.  Plusieurs tendances sociologiques décrivent les institutions,  Durkheim, s’intéresse tout particulièrement à la constitution sociale des codes de conduites et des croyances. Tandis que Parsons parle des comportements normés. L’accent est mis sur les structures et relations sociales[18]par Wrong (1961), Granovetter (1985) et March et Olsen (1989).

La crise que nous vivons actuellement en Haïti montre que l’État faillit à sa mission. Un gouvernement ne peut pas à lui seul questionner le modèle  et la  révision en profondeur du rôle de l’État, tout le monde est concerné par cette situation en vue de questionner les aspects d’ordre social, culturel et écologique qui bloquent l’État haïtien, à côté des critères économiques.  Tout changement susceptible d’entraîner une détérioration de la condition des personnes les  plus pauvres, de la qualité des services dans les domaines de la santé, de l’éducation et des politiques sociales et de la qualité de l’environnement naturel devra être collectif.  Sans un faisceau autour de ces projets, le pays  est voué à l’échec pour n’avoir pas questionné le système dans sa globalité. Vues dans cette perspective, nous nous posons la question suivant : La Crise que traverse actuellement Haïti, est-elle civique, citoyenne, institutionnelle ou systémique?

10.- Conception de la crise

Les chercheurs parlent de trois significations du concept crise, tenant compte de la littérature actuelle :

Du point de vue médical, une crise, c’est l’effondrement[19] soudain et brusque d’un organe, la rupture d’un système et une perte de maîtrise d’un individu dans certains cas de maladie. C’est une dégradation de l’homéostasie, c’est-à-dire, la tendance des organismes vivants à maintenir constants leurs paramètres biologiques face aux modifications du milieu extérieur[20], par exemple, une Crise cardiaque, une Crise de rhumatismes.  Etc.

C’est une phase difficile traversée par un groupe social. Par exemple la Crise de l’Université.

la Crise économique qui est une rupture d’équilibre entre grandeurs économiques, notamment entre production et consommation. La crise est aussi une période de pénurie, d’insuffisance de production, de main-d’œuvre qualifiée, de logement, de politique etc. Faisant l’historicité des crises dans le monde, le petit dictionnaire Larousse explique le concept crise en ces termes : les crises[21] économiques sont encore des crises de sous-production agricole (type Ancien Régime), affectant d’abord les milieux ruraux. Puis le développement de l’industrie lourde et des communications ainsi que l’imbrication des systèmes monétaires provoquant des crises de surproduction industrielle, plus longues et plus étendues. Dans un troisième temps, les facteurs financiers deviennent déterminants, causant des crises boursières (le krach de la Bourse de New York en 1929). La crise qui frappe de nombreuses économies depuis 1973, à la suite du quadruplement du prix du pétrole, présente des aspects originaux comme le chômage coexistant avec l’inflation (stagflation). En octobre 1987, le marché boursier international connaît un nouveau krach de grande ampleur, conséquence directe d’une spéculation financière et reflet de la précarité monétaire internationale. En 1991, une nouvelle crise, liée à la guerre du Golfe, secoue l’économie mondiale. Selon Alain Badiou, en général, toutes les crises ont des impacts sur les communautés et les acteurs qui les subissent, ce qui entraine un état de choc; surtout lorsqu’il y a destruction d’une géographie humaine[22]. Par exemple le séisme du 12 janvier 2010 en Haïti. La crise peut être physique, politique, institutionnelle, civique, citoyenne, systémique ou mentale.

10.1.- La crise haïtienne est-elle civique?

Certains penseurs déclarent que lorsqu’on parle de civisme, on aborde une problématique qui dépasse celle de la citoyenneté. Le civisme interpelle le citoyen comme le non-citoyen[23]. Le civisme fait appel aux comportements quotidiens des gens de la société dans leurs rapports mutuels au profit de leur pays.  Le civisme c’est l’acte de servir son pays en respectant les normes et principes établis par l’autorité.  En d’autres termes, c’est le respect d’autrui et  des normes émanant des autorités publiques; reconnaître ses droits et faire son devoir afin de faire régner l’ordre et l’harmonie dans la société.  Tel qu’il appert dans l’article 52.1 de la constitution de la République d’Haïti :

«Le devoir civique est l’ensemble des obligations du citoyen dans l’ordre moral, politique, social et économique vis-à-vis de l’État et de la patrie. Ces obligations sont: a) respecter la constitution et l’emblème national; b) respecter les lois; c) voter aux élections sans contrainte; d) payer ses taxes; e) servir de juré; f) défendre le pays en cas de guerre; g) s’instruire et se perfectionner; h) respecter et protéger l’environnement; i) respecter scrupuleusement les deniers et biens de l’État; j) respecter le bien d’autrui; k) œuvrer pour le maintien de la paix; l) fournir assistance aux personnes en danger; m) respecter les droits et la liberté d’autrui[24]

C’est la soumission individuelle et collective des principes et des règles qui régissent la vie et l’intérêt général en société en mettant de côté les intérêts particuliers.

Le civisme est d’abord et avant tout un état d’esprit collectif qui incite les gens d’un même pays à ne pas gêner les autres, à ne pas perturber le fonctionnement extérieur de la société. Par exemple : il ne faut pas  jeter les papiers, les détritus sur les trottoirs; respecter les symboles de la circulation routière, le drapeau, les places publiques; les devoirs de payer les taxes, les impôts etc.,  enfin, tous les endroits communautaires fréquentés doivent être laissés sains et saufs pour chaque nouvelle utilisation. Tout acte civique doit être conforme à la loi.

En Haïti, la crise  Civique est caractérisée par l’individualisme face aux problèmes collectifs.

Le manque de respect pour les biens communs de la société. L’effritement des valeurs morales et culturelles.  

La pollution des trottoirs et des lieux publics, l’abstention électorale, la fraude fiscale, les affaires, la montée de la délinquance et la difficulté de trouver des donneurs de sang et des bénévoles pour s’occuper des autres et du bien commun de façon désintéressée… En fait, ce qui démarque le civisme du citoyen, c’est que le civisme respecte les droits de tout un chacun,  il  accomplit ses devoirs envers le pays, la patrie,  la communauté et la société sans mettre  en question ses actions. Le civisme  peut être un citoyen, mais un citoyen peut ne pas être un civisme, si dans ses actions politiques et sociales il désobéit toujours aux lois et normes régissant la nation. Par exemple, la désobéissance civile n’est pas un acte civique, c’est un acte citoyen. Le Civisme pense toujours à l’ordre des choses, à la morale et l’éthique. Il sait que les gouvernements passent, mais le pays demeure. Dans ce cas, les structures et les acquis fondamentaux du pays doivent être protégés et  sauvegardés contre vents et marées. Le civisme a un sens très conservateur de l’amour de la patrie et de la protection de son pays. C’est quelqu’un qui nourrit un sens d’un nationalisme très poussé contre toute attaque extérieure pouvant atteindre la dignité, le respect de la patrie commune et prêt à se battre pour défendre les normes et principes relatifs à la vie nationale.

10.2.- La crise haïtienne est-elle citoyenne?

Le concept « citoyenneté » au civisme est beaucoup plus large, ce sont des rôles sociaux spécifiques dans lesquels la personne participe en vue de défendre mutuellement des intérêts et des idées au profit de la communauté. Par exemple des associations écologiques, associations de consommateurs, de défense des droits de la personne, associations de quartier, etc. Pour M. Sarr, être citoyen, c’est d’avoir plusieurs responsabilités communes auxquelles en s’informant, en informant, en travaillant, en consommant et en produisant. C’est valoriser les valeurs éthiques communes au groupe social organisé. Le sens même de la citoyenneté est récurrent et contesté, car les idées sont très variées. L’une des définitions les plus reconnues de la citoyenneté est celle de T.H. Marshall, qui considère la citoyenneté  selon  trois angles : civil, qui parle des droits assurant la liberté individuelle, le politique qui est celui de participer à des exercices du pouvoir politiques et le  social qui donne droit au bien-être, à la sécurité et à une vie d’être humain civilisé selon les critères légaux. Cela suppose certains droits, responsabilités et devoirs légaux, sociaux et moraux.  C’est Hannah Arendt qui parle du concept « citoyen » avec le plus de clarté et nous citons : « un citoyen parmi les citoyens d’un pays parmi d’autres pays. Ses droits et ses devoirs doivent être définis et limités, non seulement par ceux de ses concitoyens, mais aussi par les limites d’un territoire… » Mais la citoyenneté est-elle, de ce fait, limitée aux limites d’un État-nation ? La citoyenneté est souvent liée à l’identité.

L’identité du citoyen haïtien est noyée entre son amour pour le pays et la nécessité de trouver un mieux-être en acceptant tout ce qui n’est pas de sa culture et de ses valeurs intrinsèques au détriment du pays. Tenant compte de la variété des formations et l’éducation scolaire, chaque école veut être distinguée et forme «un monstre» en voulant écarter l’haïtien de ses valeurs socioculturelles.

Sarr, dans un texte écrit  sur l’éducation à la citoyenneté au Sénégal, nous fait comprendre que l’éducation à la citoyenneté est un thème fédérateur, il fait appel à l’éducation à la vie familiale et en matière de population, le programme de formation et d’information à l’environnement, l’éducation aux droits humains, l’éducation à la paix, l’éducation pour le développement. Il  prend corps dans le renouvellement constant des approches et pratiques pédagogiques. Cependant,  l’éducation à la citoyenneté c’est qui outille les jeunes en leur fournissant des savoirs, des savoir-faire et une compréhension qui leur permet de jouer un rôle actif, efficace dans la société comme des citoyens à part entière éclairés et critiqués, moralement et socialement responsables.  Elle inculque au jeune les bases suivantes:

La responsabilité sociale et morale, c’est-à-dire elle permet au jeune d’être confiant, responsable sur le plan social et moral, que ce soit à l’école ou ailleurs. Elle donne la possibilité au jeune de savoir que les gens ont des droits et des devoirs envers leur pays et la société dans laquelle ils évoluent.

L’engagement, elle apprend au jeune à s’impliquer, s’engager sur le plan social dans sa communauté et de mettre son savoir, ses connaissances au service des autres. 

L’éducation politique (civique), le jeune droit pouvoir participer à la vie politique publique de son pays par le savoir, le savoir-faire et les valeurs. La vie publique au niveau local, national et international.

En Haïti, le citoyen remet tous ses droits et devoirs en question à chaque fois que le besoin se fait sentir, particulièrement sur le plan politique, soit le plus souvent par intérêt de groupe ou  personnel au nom du pays. Ils sont unis pour défendre leurs intérêts au nom du pays. Sitôt le «gâteau » est reparti, le pays replonge encore dans la même situation, jusqu’à ce qu’un autre groupe surgisse pour une nouvelle revendication sans base et fondement, sinon, une revendication intéressée.  Le citoyen fait tout au nom de la modernité et prêt à régner tout état habituel, tout critère et principe conforme aux règles établies. Pour justifier son action, le «citoyen » est prêt à chambarder tout jugement de valeur morale, culturelle ou esthétique propre pour faire place sans égard et scrupule à qui se fait ailleurs.  Dans notre pays, le mot citoyen est galvaudé et perd tout son sens scientifique. La situation socio-politique du pays démontre  une certaine absence, un effacement physique et idéologique et une démission  de l’intelligentsia d’Haïti  dans les actions civiques et politiques du pays, soit par peur d’être vilipendé politiquement ou corporellement. Quand tout va mal sur le plan politique, ils se contentent  seulement d’une note de protestation et des propositions de tout à fait provisoire de  résolution de crise, sans leur implication effective.  Leur retrait et silence ont donné droit  et  cédé la place à des opportunistes. Le feu M. Lesly François Saint Roc Manigat avait-il raison de dire qu’il y a une haine contre l’intelligentsia haïtienne. Nous pensons  que depuis peu, le pays est dirigé par ceux qui se disent des «citoyens responsables. » L’engagement et les actions de ces gens ne sont que passagers, comme des feux de pailles sans substance idéologique. Le Moi et le surMoi remplacent l’idéal national qui est l’ «Union fait la force »  ou encore « Pour le pays pour les ancêtres, marchons unis ».  Ou sont nos institutions dans tout ça?

10.3.- La crise haïtienne est-elle institutionnelle?

Le philosophe John Searle, auteur d’un livre majeur sur les institutions (1995), et, plus récemment d’un article intitulé « What is an institution ? » (2005), affirme que les institutions sont des « faits » strictement humains[25]. Selon Searle, ils dépendent de notre langage ainsi que d’une « intention collective ». Pour être valides et perdurer, les institutions doivent en effet avoir fait l’objet d’un débat accord, même minimal, entre individus. Les institutions sont donc des faits collectifs. Non seulement dans leur fondement, mais aussi dans leurs effets : elles influencent, voire contraignent, les pratiques de plusieurs individus.  Une institution, c’est «ce  qui est institué des rapports sociaux par la hiérarchisation et l’attribution de rôles, au sein d’une entreprise ou d’un régime politique[26]. »  Par exemple, des  croyances et valeurs telles que la confiance, les conceptions de l’égalité ou de la justice, etc. Une institution, c’est ce qui  maintient sa  force normative, en vue de susciter le respect des lois.  Le lieu de l’institution est aussi  le lieu de s’enquérir de l’autorité instituante, de la référence « au nom de » laquelle on institue, on ordonne, on agence la société. Dès qu’on identifie les institutions, on identifie également l’autorité et le lieu légitime,  originel et matriciel des institutions. Nous pouvons comprendre que ce ne sont pas les hommes qui donnent de l’autorité aux institutions, mais au contraire ce sont les lois et les principes sur lesquels se fondent les institutions qui donnent l’autorité aux hommes. En d’autres termes, les hommes passent et les institutions demeurent.

Notre étude  ne pourra pas mettre en question toutes les institutions du pays. Ce serait trop prétentieux de notre part. D’ailleurs une telle étude demanderait  beaucoup plus de temps et un article ne pourra pas embrasser en profondeur toute cette recherche. Nous allons sélectionner quelques institutions phares,  de la société, par exemple, la famille, l’école, l’État,  en vue d’analyse substantielle de la situation socio-politique tant au niveau conjoncturel que structurel.

11.- Pour le pays et pour nos pères formons des fils

11.1.- La famille

Selon le Petit Larousse, la famille est « un ensemble formé par le père, la mère et les enfants ».  En Haïti,  au lieu de famille nucléaire, nous avons culturellement adopté un type de famille qui est la famille élargie. Outre que les enfants, la famille est composée de toutes personnes ayant un lien de parenté ou avec lesquelles les personnes ont développées une certaine relation basée sur le respect mutuel. Par exemple un filleul, un domestique habitant dans une famille depuis des années, peut être considéré comme étant membre de cette famille. Les sociologues et les ethnologues parlent de ménages.

A cause des mutations sociales, certains pays comme les pays industrialisés dont le Canada en particulier parlent de famille recomposée, famille monoparentale, famille homoparentale. La typologie familiale évolue en fonction  des rapports qui se développent à l’intérieur des sociétés (occidentales ou autres).

Les sociologues disent que la famille à trois fonctions de bas : 1) engendrer, 2) protéger 3) éduquer[27]. Le rôle de la famille est de transmettre la vie, l’intégrité physique et psychique par le biais des modèles sociaux. Anne Muxel, dans le chapitre 3 de  son ouvrage intitulé : Famille et politique la chaîne des générations  « La famille est un lieu d’inculcation mais aussi d’échanges où se façonnent et se transmettent les valeurs et les modèles culturels entre les générations. Valeurs et modèles, premiers repères ou absence d’ancrage, à partir desquels tout citoyen va établir des liens élémentaires au monde politique[28]. »  

En Haïti, le rôle de la famille dans la structure sociale et culturelle n’est pas vraiment défini sur le plan de la sociologie politique. Le comportement individuel des gens de la société haïtienne en ce domaine fait croire qu’il existe de préférence un affaiblissement des rapports politiques partisans au profit des intérêts individuels. La famille dans ses rôles institutionnels est affaiblie en raison des conditions socio-économiques des ménages. Dans ce cas la participation politique des  ménages est toujours conditionnée par des intérêts mesquins de groupes au détriment des intérêts supérieurs de la nation. La continuité des bonnes décisions politiques n’est pas transmise. Il y a toujours une cassure dans les actions politiques, car l’affiliation politique et idéologique n’est ni de gauche, ni de droite, elle se fait en fonction des intérêts. Nous pouvons comprendre pourquoi il y a toujours, depuis dans les années 86 une instabilité politique et des changements de camps politiques  qui ne font que réduire le pays a sa plus simple expression sur le plan socio-économique. Ceux qui prennent des positions dans les élections, sont très mal informés. Les discours politiques sont basés sur le mensonge, sans aucun précepte sur les valeurs et les actions concrètes. Les renseignements sur la situation politique haïtienne se disputent dans les media par des libres opinions, sans une formation formelle de la population et des familles, tenant compte du taux d’analphabétisme dans le pays. Au contraire, les gens les plus avisés en profitent pour faire passer leurs opinions par des voies infra-politiques.  Dans les pays industrialisés, la politique rentre dans les familles à travers les enfants, non pas pour dire quel parti politique est bon ou mauvais, mais les enfants sont éduqués de façon telle qu’ils apprennent à connaître, à aimer ou ne pas aimer le système pour son fonctionnement et avec un réalisme éclairé. La socialisation infantile sur le plan politique fait partie des programmes scolaires. Anne Muxel l’a si bien dit dans son enquête sur le niveau de connaissance politique des enfants durant la dernière campagne présidentielle en France. Plus de quatre enfants sur cinq (86 %) âgés de 6 à 12 ans étaient au courant de l’élection et presque tous (90 %) connaissaient le nom de François Hollande, président en exercice. Les enfants, soit 92% savent déjà, à travers les actions de leurs parents, qu’ils auront, dans leur âge majeur à voter et le vote est secret.

Malgré nos multiples recherches sur la situation, nous n’avons repéré aucune étude en Haïti montrant la socialisation des enfants sur le plan politique. Nous sommes d’accord qu’il faut épargner les enfants de certaines situations pour lesquelles ils ne sont pas prêts. Cependant, en tant que futurs dirigeants du pays, ils ne doivent pas être exclus de ce qui se passe quotidiennement dans leur pays. Mêmes si politiquement ce sont des innocents, ils pourront déjà avoir des repères en grandissant, ils pourront comprendre et orienter leur choix minutieusement. Demain, ils deviendront des jeunes, et  auront à construire une identité politique, ils auront besoin de cet apprentissage infantile pour se lancer de façon progressive dans la vie sociale et politique d’Haïti. Anne Muxel à raison en disant ceci : «De même que l’identité sociale d’un individu n’est jamais achevée, de même son identité politique s’engendre dans une construction et dans une réévaluation permanentes[29]. » En Haïti, la triture développée dans les familles, c’est que les enfants et les jeunes ne doivent pas très tôt se mêler de la politique. Cela se comprend, car on dit souvent chez nous que : « politik se bagay ki sal, moun serye pas dwe fe politik. »  Dans cette situation, les parents, outre leur ignorance de la politique haïtienne, ont vraiment une phobie de parler des questions  politiques à la maison avec leurs enfants. Or, le plus souvent on dit que : « la politique circule par les affects plus que par les discours, par les identifications plus que par les leçons civiques, par les émotions plus que par les raisonnements[30]. »  Les orientations idéologiques devraient être l’apanage premier des familles.  La politique haïtienne ne  se transmet pas dans les  familles. D’ailleurs, c’est presqu’un sujet tabou dont on parle très peu à la maison. Or, la politique fait partie  de tout ce qui touche les activités de la vie quotidienne,  autant dire de l’art et de la culture. C’est pourquoi qu’il y a un vieil adage qui dit : « si vous ne vous occupez pas de la politique, elle ne tardera pas à s’occuper de vous. »  Nous parlons tous les jours des problèmes sociaux, des problèmes infrastructurels et environnementaux. Donc, nous faisons de la politique sans le savoir.  Au sein de la famille haïtienne, nous devons garder un rôle essentiel en vue d’assurer la cohésion de la société.  Cependant, la  tendance à l’individualisme est tellement forte de nos jours qu’elle veut se démarquer de cette cohésion sociale pour  la transformer. Malheureusement, les familles haïtiennes se cherchent encore dans le sillage de la politique en Haïti. Par manque d’encadrement, la famille en tant qu’institution n’est pas le cadre privilégie de l’éducation. Elle est divisée dans son ensemble sur le plan social, économique, politique,  civique etc. Les parents sont réduits au silence et perdent leur mission première qui celle d’éduquer et socialiser leurs enfants dans tous les sphères de la vie nationale.   Les notions de bien commun et de responsabilité du citoyen qui devraient être les champs d’action socialisatrice des parents ont perdu tout leur sens. Nous assistons à une démission de la famille (des parents)  pour préparer leurs enfants à  prendre leurs  responsabilités en faveur de la Cité. Cas,  l’initiation au civisme, l’apprentissage de la liberté et de la responsabilité  doivent être fait d’abord en famille.  Ils font partie des valeurs intrinsèques et fondamentales et sont indivisibles de l’action éducative.

11.2.- L’école, lieu de socialisation primaire et secondaire

Si la famille est la gardienne de la socialisation primaire des enfants, l’école est le lieu de continuité de la socialisation primaire. Elle est chargée également de socialisation secondaire des enfants.  L’école étant une «institution sociale[31] », une mauvaise appréhension de l’éducation des enfants peut causer des dégâts sur plusieurs générations. La médecine peut traiter une erreur médicale sur un patient. Cependant, il n’y a pas de remède miracle pour traiter un cerveau mal éduqué, et la société en paiera le prix pendant plusieurs générations.

Parlons de l’école haïtienne, a-t-elle compris sa mission qui est celle d’initier les élèves à la réflexion et à l’esprit critique axé également sur le civisme? Le diagnostic de la société montre le contraire. Les valeurs fondamentales de la société s’effritent au même prix que la faillite de l’éducation scolaire. Même les activités les plus élémentaires dans lesquelles les enfants apprenaient à dompter leur vie, à respecter leurs professeurs et les autres, à acquérir des notions élémentaires d’ordre, d’hygiène, de discipline et les bases de la morale sont en voie de disparition dans la société. Elle cède la place à la contestation, la démission familiale, la marginalité, la  toxicomanie, délinquance juvénile. Nous assistons à un conflit générationnel, une rupture dans le respect des choses «sacrées »,  de  l’ordre et principes  établis et l’effritement des  valeurs.

Outre  les deux rôles de l’école qui sont la socialisation et la transmission du savoir, Marie Duru-Bellat, avance qu’ « au-delà de sa vocation à transformer les jeunes en membres productifs de la société, l’école remplit un rôle plus général de socialisation puisqu’il s’agit d’en faire des membres bien intégrés[32] ». Il a relevé une autre finalité de l’école qui est l’instrumentalisation qui permet l’accès des individus dans différentes position sociales en fonction de  et scolaire etc. certains critères tels que : la compétence intellectuelle instrumentale de sélection permettant la répartition des individus dans différentes positions sociales en se basant sur des critères de compétences intellectuelles et scolaires de chacun de ses individus. Marie Duru-Bellat,  parle de l’école en tant que  productrice en disant que « l’éducation a pour fonction essentielle d’inculquer aux enfants les valeurs morales qui constituent le ciment de la société dans son ensemble (…), il est vain de croire que nous pouvons élever nos enfants comme nous le voulons[33]… ».  Selon lui, le rôle social de l’école peut être résumé dans trois fonctions : L’homogénéisation, par rapport à l’intégration sociale. La division sociale du travail, en fonction de la différenciation afin de garantir une division sociale du travail

La légitimation des hiérarchies sociales, c’est l’unification de l’école dans la diversification

Il y a une absence de cohésion sociale en Haïti. L’État, à travers le MENFP en  tant qu’instituteur social » doit donner et exiger les moyens de diffusion des valeurs universelle afin de favoriser la cohésion sociale, par la formation qu’elle donne, elle doit contribuer  aussi  à l’insertion professionnelle des individus.  La population scolaire s’accroît au même rythme que la population haïtienne. L’État devrait faire certaines mise en places structurelles et administratives afin de bien accueillir les cohortes d’enfants qui rentrent à l’école chaque année. Une éducation de qualité demande tout un paquet de préparation : la quantité d’écoles, d’enseignants, les programmes scolaire, la didactique dans les écoles etc. Or, l’Institut haïtien de statistique a fait la projection de la population scolaire de la manière suivante :

Tableau 1 : Structure démographique de la population des 0-18 ans (par âge et sexe) (Projections 2015)[34]

Niveau cible Age Total Garçons Filles
Petite enfance 0-2 ans       779 739     398 089     381 650
Préscolaire 3-5 ans       758 919     387 124     371 795
Fondamental Cycles 1 et 2 6-11 ans    1 454 880     740 734     714 146
Fondamental Cycle 3 12-14 ans       700 161     355 532     344 629
Secondaire 15-18 ans       913 181     462 766     450 415
Total    4 606 880  2 344 245  2 262 635
%   100% 51% 49%

Source : IHSI, Projections de la population 2007

Selon E. Durkheim les interventions de l’école doivent être  basées notamment sur la raison, l’égalité des chances, la liberté, le respect des autres et de l’autorité, la fraternité, la tolérance etc. Afin d’avoir une «société intégrée, qui valorise le bien commun et exclut tout type de privilège. »  L’école doit permettre à l’enfant de développer sa personnalité, de s’épanouir et de recevoir des influences autres que celle de sa famille. Ce tableau nous montre qu’il y a moins de filles qui fréquentent l’école par rapport aux garçons. Alors que les filles sont majoritaires sur le plan statistique, 52% par rapport à la population totale. Cela a des répercussions sur la société toute entière. Or,   Philippe Perrenoud et C. Montandon, dans leurs écrits avancent que : «l’école a joué un rôle important dans la reproduction des classes sociales, par le simple fait qu’elle est au principe des hiérarchies d’excellence et de qualification, elles-mêmes déterminantes dans l’attribution des emplois, des pouvoirs et des revenus[35]. »  Nous comprenons pourquoi les femmes sont toujours reléguées au second plan dans la société.

12.- L’Université, lieu de réflexion et de résolution des problèmes socio-économiques et politiques

L’unanimité se fait autour de la définition et de la finalité de l’université comme étant un lieu de «création de communautés  productives d’apprenants et de savants[36]. » Cet endroit peut influencer les attentes de la société et dans des situations de faiblesse idéologique universitaire, la société peut tout aussi bien influencer les universitaires.  Dans les états généraux de l’Université d’État d’Haïti organise  le 12 mai 2018, les participants ont abouti à une définition de  l’université qui est  «le lieu par excellence de la raison critique, de la liberté et de la vérité….d’enseignement-recherche-service[37]. » Selon le Dr. Kenold Moreau, «l’université doit s’évertuer à fournir les moyens nécessaires à la reconstruction et au développement économique, social et culturel du pays en alignant ses programmes sur ces trois dimensions du développement : économique, sociale et culturelle[38] »  Il augure que la mission de l’Université[39] est :

1) la production et la diffusion du savoir;

2) la formation des humains cultivés et éclairés;

3) la formation des personnes capables de contribuer au développement social, culturel, politique et économique de la société,

4) la formation des personnes capables d’effectuer des choix informés et de s’adapter aux transitions professionnelles et autres tout au long de leur vie,

5) la formation des personnes possédant des bases solide leur permettant de poursuivre leur apprentissage au gré des besoins sans cesse changeants et de l’évolution de la société.

Nous ajoutons ainsi une quatrième dimension qui est celle de la politique. Nous avons en Haïti environ 219 universités et écoles spécialisées à travers tout le pays[40]  De nos jours l’université d’État d’Haïti a perdu ses repères en matière de réflexions sur ces 4 dimensions. Elle est réduite à sa plus simple expression, si l’on regarde la plupart des universitaires haïtiens, au lieu de se servir de leur savoir et savoir-faire pour aider à résoudre les problèmes du pays, ils sont réduits à des pots de chagrins derrières leurs barricades et les pneus enflammés afin de soutenir les revendications populaires.

Comment peut-on parler de l’université comme étant un système d’un système si les jeunes ne sont pas en condition d’apprentissage afin de  fournir à l’État les moyens humains et techniques pour mettre en place ses politiques publiques dans une perspective de développement économique, social et culturel et politique. L’université haïtienne n’a-t-elle pas raté sa vocation qui est celle de donner de la formation à tous les cadres supérieurs  dans  des métiers dont le pays a besoin pour sa reconstruction et son développement.

Depuis 1986, l’université haïtienne commençait à perdre ses repères par le «dechoucage » des professeurs qualifiés de l’époque pour leurs idéologies « Macoute » pour faire appel à  d’autres professeurs qui sont pour la plupart des piètres au nom de la démocratie. Dans ce cas, aurons-nous des  cadres qualifiés selon les  normes internationales, qualifiés selon les normes et principes de la démocratie universelle caractérisée par la tolérance, la liberté, la justice pour tous, le bien-être généralisé. L’université peut-elle préparer des hommes et des femmes efficaces, compétents dans leurs professions, alors que depuis 1986 les universitaires se cherchent dans des marasmes politiques perturbant  à longueur d’années les activités universitaires. Nous sommes arrivés à un moment où  l’éducation supérieure haïtienne ne peut en aucun cas réhabiliter la culture générale, ni la formation politique. Les jeunes universitaires, les peuples deviennent prisonniers de la politicaillerie  écartant ainsi tous les objectifs  utilitaires de création et de production  de richesses économiques, culturelles, politiques et intellectuelles.

12.1.- L’autonomie universitaire en Haïti

L’autonomie universitaire suppose plus de libertés et de responsabilités pour les universités. Cette initiative doit être officialisée par de lois de la part des responsables étatiques.  L’autonomie universitaire est conçue dans un esprit de renforcer la réactivité et la légitimité des universités. Dans une perspective autonome, les universités  conçoivent des projets d’établissements, des choix stratégiques, responsable de leur politique de recrutement, elles ont droit à un budget et de sa gestion globale, de l’emploi et de la masse salariale.  Les universités ont  une nouvelle mission, celle de l’insertion professionnelle des étudiants. Cette activité est mondiale. Par exemple, selon le Ministère de l’enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation[41],  en France, en 2012,  80 universités sur 83 sont autonomes.

L’autonomie universitaire est un concept charrié et acquis par les jeunes universitaires  de l’époque dans leurs revendications depuis 1986. C’est l’indépendance de l’université d’État d’Haïti par rapport au pouvoir central de l’État,   avec la possibilité pour les responsables de  décider sur l’avenir du pays à travers l’université. L’autonomie universitaire tient compte également de l’autonomie financière. L’université d’État d’Haïti[42]  possède par le vote pour renouveler son équipe stratégique, c’est-à-dire le Recteur, le vice-recteur aux affaires académiques et le vice-recteur à la recherche. Cette pratique est tout aussi de mise dans toutes les entités de l’UEH. Pour ce qui est du vote à l’UEH, le nombre de votants dépend du conseil universitaire  représenté par chaque entité. Par exemple aux dernières élections universitaires, il y avait 11 enseignants, 11 étudiants et 11 doyens des entités qui avaient voté en vue d’élire les candidats de leur choix.  Selon la dernière résolution de l’université, 2 représentants des entités des provinces  et le personnel administratif ont le droit de participer aux débats universitaires[43], ils peuvent influencer les votes à partir des débats.  Cependant ils  n’ont pas droit de vote pour l’instant. L’université d’État d’Haïti comporte  30 milles étudiants, 1500 enseignants dont 12% d’entre eux ont un Ph.D et 800 membres du  personnels administratifs.

12.2.- L’UEH, la politique et la démocratie

Les activités  politiques estudiantines  ne sont pas négligeables. Soutenus de près ou de loin par certains enseignants et certains leaders politiques, la vie politique à l’UEH a une configuration spontanée. Les formes d’engagement politique dépendent de la conjoncture et du discours dominant. Les revendications universitaires telles que : meilleures conditions de travail, laboratoires, la réforme universitaire,  le budget universitaire, les subventions etc., dans une logique mercantile,  sont toujours confondues avec les revendications de l’heure. Une bonne raison pour ces universitaires de gagner les rues et se mêler avec d’autres idéaux politiques au nom du peuple haïtien. Normalement l’essence des revendications universitaires se confond avec celles de la population dans le but de réclamer le changement du système, l’avènement d’un État de droit et repenser la fonction  de l’appareil Étatique du pays. Ce qui nous parait très démocratique et légitime de redéfinir le rôle des structures politiques et sociales, questionner les technologies de gestion stratégique de l’État, s’opposer drastiquement à la corruption etc.    Les périodes de crises servent de tremplins pour un engagement de la communauté universitaire sur les causes de leur chapelle. Une fois la conjoncture politique est plus ou moins stable, les revendications sur les besoins de l’université deviennent feu de paille, sans être satisfaites. Nous nous  demandons est-ce un bon moyen pour ces acteurs de réagir comme le profane, le commun des mortels? Alors que l’espace universitaire devrait être un lieu de débats contradictoires sur les situations socio-politiques et économiques du pays afin de trouver des solutions durables. Les réseaux de débats et de discussions scientifiques  sont quasiment inexistants à l’UEH pour faire place aux relations informelles. Dans ce cas, on ne peut pas distinguer l’étudiant et le profane dans les actions politiques. L’université, tout en étant le lieu des débats contradictoires, devrait être gardienne de la démocratie. Bien au contraire, les liens entre scientifiques-intellectuels et politiques à travers les tentatives de causeries, de conférences-débats contradictoires conduisent  à des réactions d’intolérance et même de violence à l’intérieur de l’espace universitaire au profit de l’idéologie politique conjoncturelle dominante. Que dire de la participation estudiantine dans une éventuelle conférence nationale, quand il y a une phobie des experts et intellectuels indépendants de fréquenter et véhiculer leurs idées dans l’espace universitaire?  Partisans des gouvernements ou membres de l’opposition ou militants des partis, le seul engagement des universitaires devrait être un faisceau autour des projets de développement technologique, économique, social et intellectuel du pays.    Dans le cas contraire, il y a une absence de consistance autour d’un projet durable au profit de la politicaillerie dans les réactions des acteurs à l’université d’État d’Haïti. Selon le Dr. Kénold Moreau, «l’université doit s’évertuer à fournir les moyens nécessaires à la reconstruction et au développement économique, social et culturel du pays en alignant ses programmes sur ces trois dimensions du développement : économique, sociale et culturelle[44] » La non valorisation des universitaires et de l’Université d’État d’Haïti est  une source de perpétuation de la crise haïtienne. Nous pouvons dire à l’instar de Aguessy que : «l’éducation est posée comme un bien privé, individuel ou collectif, son rôle est redéfini en termes de productivité – pour les entreprises –, de rentabilité – pour les individus –, et de croissance – pour les États[45]. »  Entre la productivité (intellectuelle), la rentabilité (performance) individuelle et la croissance (pour le pays),  où se trouve l’éducation universitaire haïtien dans tout ça? La politique universitaire ne devrait-elle pas  une politique publique?

13.- Institutions religieuses et la crise politique en Haïti

13.1.- Le Protestantisme

Nous n’avions pas la prétention de maîtriser intégralement le fonctionnement des institutions religieuses. Cependant en termes de pourcentage, les religions les plus fréquentées en Haïti sont le catholicisme, le protestantisme et le vodou. Le CIA World Factbook parle de 28.5 % de protestants en Haïti en 2016, dont 15.4% de baptistes, 7.9 % de pentecôtistes, 3 % d’adventistes et de 1.5 % de méthodistes. Le pasteur Fritz Fontus «pense que l’implantation du protestantisme n’est pas définitive : des enquêtes révèlent, par exemple, que 13,5 % des protestants retombent dans les pratiques du vaudou, ce qui serait le signe d’une inculturation superficielle[46]. »  Le Dr Romain nous présente toujours dans son livre, « la croissance[47] soutenue du protestantisme en Haïti à travers les années. Année Pourcentage de protestants 1930 1.5% . 1940 4% , 1950 8%,  1960 12%,  1977 20% , 2000 40%.  Le Dr EXANTUS avance le chiffre de 52% en 2012.» Selon le Dr. Exantus[48],  Au niveau de l’éducation, il y a  42% des écoles fondamentales en Haïti sont l’œuvre des protestants. Sur le plan sanitaire, le secteur protestant gère 66 centres de santé et d’hôpitaux, ce qui représente 60% de la couverture médicale du pa1     876Dys. Au niveau universitaire, ce secteur possède  25% des universités privées haïtiennes notamment  les Universités GOC, FDSA, ADVENTISTE, LIMBE etc. Les protestants ont donné naissance à  la première station de radiodiffusion à couverture nationale  »Radio Télé Lumière ».  Au niveau humanitaire, ils sont venus avec les  ONG comme COMPASSION INTERNATIONALE, WORLD RELIEF, WORLD VISION, ARMEE DU SALUT viennent en aide aux nécessiteux du pays  Ont-ils réussi à concevoir l’éducation sur le plan socio-culturel? La situation des haïtiens depuis environs 200 ans à partir de l’implantation du protestantisme en Haïti ne justifie pas l’avancée en ce sens.

13.2.- Le catholicisme

Les avis sont partagés sur le pourcentage des catholiques pratiquants. Certains disent qu’elle représentait en 2016 près de 55 % des Haïtiens. Des chercheurs comme Lewis Ampidu Clorméus (2014) dit que  la religion catholique prédomine[49] dans le paysage religieux avec 54,7 % par rapport à  2,11 % se déclarent « vodouisants » (adeptes du vodou). Alors qu’il est quasiment unanime que le vodou considère comme « religion nationale » et fondement de l[50]’haïtianité. Il y a une explication de cet infirme pourcentage représentant le  vodou, c’est que, selon l’auteur,  la grande majorité des « vodouisants » sont des catholiques pratiquants. C’est une pratique chez nous, quand on demande à quelqu’un sa religion, la personne, si elle n’est pas protestante, même si elle est vodouisant, répond toujours qu’elle est catholique. Est-ce les méfaits subi par les vodouisants par exemple la campagne rejetée de 1940-41 qui sont encore vivant dans leur mémoire. Selon Laennec Hurbon, sur le plan social, l’Église Catholique a fonctionné comme l’un des appareils les plus importants de l’État depuis le concordat de 1860. Jusqu’en 1995, Elle possédait 2 105 écoles congréganistes, presbytérales et de laïcs catholiques sont sous le contrôle de l’Église. L’église possède des hôpitaux et des universités et également des ONG. Par exemple, l’hôpital Saint François de Salle et l’Université Notre-Dame d’Haïti, la Commission Justice et Paix pour ne citer que ceux-là. La radio et télé soleil sont aussi les œuvres de l’Église catholique.  Les responsables de l’Église catholique sont très impliqués sur le plan social et religieux à travers l’organisation catholique dénommée la Conférence Haïtienne des Religieux (CHR). Par ailleurs, certains chercheurs se questionnent sur la qualité et le type d’éducation  offerts par ces écoles. Quasiment tous les dirigeants de ce pays, en référence à leur curriculum vitae reviennent de ces écoles dites «élitistes »  et de «qualité.» On se demande pourquoi ces dirigeants sont-ils majoritairement des piètres dans la gestion de la chose publique du pays? C’est une autre piste pour de prochaines recherches en ce domaine.

13.3.- Le Vodou

Des institutions comme la religion Vaudou, gardienne de la culture haïtienne, cette institution fonctionnent comme si elle était toujours dans le sillage des colons d’avant 1804. Cette religion inculquait implicitement à ses adeptes le sens du sacré. En fait,  selon Ambroise Dorino Gabriel, (2010), le sacré est  considéré  comme des choses  intouchables, incorruptibles et ce sont des vérités incontestables[51]. Sur le plan culturel, le sacré est un lieu commun,  une source d’inspiration, de créativité et de ressourcement. Tous les principes évaluateurs du mouvement social découlent du sacré. Le Vodou c’est relativement l’émanation même de la culture haïtienne à travers laquelle se véhiculent ces principes. Tout ce que nous sommes, notre identité se forgent à travers cette culture.  C’est pourquoi Jean Price Mars priorisa la culture orale et critique le « bovarysme » qui est la tendance de l’élite et l’intelligentsia haïtienne  de nier son Moi collectif[52] qu’est le Vodou. Après la plaidoirie de Mars en vue de faire connaître le Vodou comme religion, le 4 avril 2003 était sorti un arrêté[53] dans son article 1 reconnaissant officiellement le vodou comme une religion à part entière. Le sociologue Claude souffrant, (1969), analysant les écrits de Price Mars sur les sentiments religieux disait que :

 «Le village haïtien est, dans certains cas, un milieu sacral. La religion est pratiquement la seule action culturelle qui s’y exerce. Pas d’écoles. Pas de journaux. Pas de syndicats. Pas de coopératives. Pas de parti politique… Pas de foyers d’éducation agricole ou sociale. Le monopole du religieux est presque absolu. Même les services sociaux, quelquefois, passent par la médiation du religieux. Le temporel n’y est donc que le canal profane, l’ombre du religieux. Ce temporel n’a ni autonomie ni consistance, son efficacité propre est masquée par un halo mystique[54]. »

Jusqu’en 2019, aucune recherche ne montre des réalisations de ce secteur religieux sur le plan social et éducatif. Les vodouisants restent-ils ancrés dans cette «hypersacralisation des mentalités[55] » qui fait de ses adeptes des «polarisés » vers l’au-delà et le divin? Continuent-ils à vivre dans l’au-delà en négligeant la vie sur terre à travers  le développement, la promotion économique et sociale?

Cinquante ans après le constat du Dr. Claude Souffrant, nous nous demandons si les responsables se sentent confortables dans leur fonctionnement. A l’instar des catholiques et des protestants, ils n’ont officiellement aucun projet de se lancer dans l’éducation civique, citoyenne et  intellectuelle de nos enfants afin de perpétuer les valeurs de cette nation. Dans une synergie, une symbiose fraternelle, le pays pourrait trouver sa vraie route, la route du développement économique, politique et sociale. Aucune école primaire, secondaire, ni même universitaire ne se réclament officiellement être de l’obédience vodouique. Où se trouve la religion Vodou dans un tel projet de formation de nos jeunes? Les responsables et adeptes du Vodou vont-ils prétexter de la peur des représailles comme celles de la campagne rejetée de 1941? Contrairement au taux de 2.11% de vodouisants que donnent les statistiques  en Haïti, nous pensons que relativement 100%  haïtiens sont des vodouisants. Nous sommes conscients que notre allégation peut soulever des mécontentements et des polémiques. Les raisons sont simples, c’est qu’il est quasiment unanime que tous les haïtiens, pour des cas de maladies se servent la pharmacopée implicite du vodou. Par exemple, pour guérir une fièvre, qui d’entre les haïtiens ne connait pas  la friction de l’huile «Maskreti » (Palma Christi) et l’infusion du thé de l’ « asosi ». Autant d’exemples de bienfaits de médicaments naturels  de la pharmacopée du Vodou que jouissent tous les haïtiens. Le Créole qui est notre langue maternelle, un élément culturel très fort,  est une invention des vodouisants multi-linguistes de l’époque coloniale,  afin de bien mener la lutte pour l’indépendance d’Haïti. Fort de tout cela, tous les haïtiens sont des vodouisants innés.  Les écoles et universités pourraient servir aux vodouisants des lieux scientifiques pour développer leurs industries pharmaceutiques. Alors pourquoi restent-ils fermés comme au temps de l’esclavage? Kenold Moreau a raison, quand il dit que : « l’université haïtienne, tant par l’organisation des études, le contenu des enseignements, les méthodes pédagogiques que par les structures organiques et administratives se révèlera en mesure d’atteindre les objectifs suivants : a) rénover la culture nationale; b) rehausser le niveau culturel de la population; c)  S’imposer comme un foyer de progrès permanent; Former des cadres experts et patriotiquement engagés; Tels devraient être les principes cardinaux d’orientations de l’enseignement supérieur en Haïti[56]. » Dans ce cas, les vodouisants sont concernés par la transmission des savoirs implicites afin de les rendre scientifiques par la recherche et le développement.

Les tentatives de calquer nos systèmes économiques politiques et sociaux sur les autres pays «développés» ont du mal à marcher convenablement. Les dirigeants de cette religion se laissent plutôt entraîner dans la discorde et la division. Le pays s’effondre et ils n’arrivent même pas à s’entendre sur les principes d’avoir un leader pouvant représenter valablement ce secteur. Malgré l’évolution intellectuelle et sociale des adeptes du Vodou, cette religion reste encore enfermée dans des pratiques feutrées. L’espace laissé par les autres cultes protestants et catholiques à tous les niveaux de la vie nationale devrait interpeller les adeptes de la religion de nos ancêtres afin de mettre la main à la pâte sociale,  éducative et politique, de telle pâte tarde encore à nous donner de la formation intellectuelle et religieuse, de la formation technologique et technique comme pains quotidiens. L’État haïtien aussi à son rôle à jouer afin d’aider cette religion, qui n’est pas seulement celui d’un  accompagnateur mystique des représentants de l’État au besoin, le Vodou doit sortir positivement de son mutisme.

14.- Pour
 le
 Pays,
 pour 
les 
Ancêtres
 Marchons
 unis,
 marchons 
unis


14.1.- L’État, les trois pouvoirs (l’autorité) et la politique

Les chercheurs distinguent l’État moderne par rapport à l’État ancien. Celui-ci faisait tout dans un esprit totalitaire. Tandis que  l’État moderne se donne pour tâche de s’occuper des droits de la personne et de la propriété privée. C’est un État qui régule les activités et échanges économiques en les circonscrivant dans un cadre juridique. Sur le plan politique et dans une perspective de rationalité,  l’État accompagne les institutions par l’instauration des politiques publiques en faveur de la communauté par le biais de l’administration et de la fonction publique en vue d’exercer son pouvoir sur la société, sans ingérence internationale. L’État est un collectif abstrait[57] qui incarne sur le plan politique l’organisation de la société, Des juristes allemands  et français du 20e. s  tels que : Jellinek, Laband et  Carré de Malberg parlaient de la théorie des trois critères de tout État souverain[58] :

  • un territoire qui est délimité par des frontières. Il comprend également  le sol, sous-sol, l’espace maritime et l’espace aérien du pays ;
  • une population qui est composée des gens et des communautés de la nation et du peuple.
  • un gouvernement  qui est un pouvoir d’injonction légitime et  juridique réglé par des lois et leur application;

Dans certains pays, dont le Canada et les États-Unis, on parle de l’État fédéral qui une confédération d’États. Contrairement au modèle susmentionné, ils partagent  la souveraineté et en  partie leurs  compétences  sont mises en commun au niveau de l’État fédéral en matière de défense nationale, politique monétaire, diplomatie. Ce type d’État est soutenu en général  par  deux chambres : une assemblée représentative de la population et un sénat représentant les États.

En Haïti, notre État est «souverain » suivant la constitution de 1987, l’État  est composé de trois pouvoirs :

  1. Le pouvoir Exécutif
  2. Le pouvoir législatif
  3. Le pouvoir judiciaire

Outre le rôle politique de l’État, la constitution haïtienne, en son article 19  fait injonction à l’État en son article 19  stipulant que : «l’État a l’impérieuse obligation de garantir le droit à la vie, à la santé, au respect de la personne humaine, à tous les citoyens sans distinction, conformément à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Ils sont nombreux, les auteurs qui réduisent la politique au concept de pouvoir. Des chercheurs tels que : Lasswell et Dahl, Burdeau, Duverger et Aron parlent de la  politique  en tant qu’exercice du pouvoir.   Dahl eut à dire qu’un «système politique est une trame persistante de rapports humains qui implique une mesure significative de pouvoir, de domination ou d’autorité[59]. » D’autres disent qu’au lieu d’être un fondement de la politique,  le pouvoir est un instrument de la politique et la lutte pour le pouvoir est un autre regard de la politique.  Max Weber, de son côté dit qu’ «est politique un groupe de domination dont les ordres sont exécutés sur un territoire donné par une organisation administrative qui dispose de la menace et du recours à la violence physique[60]. »  

L’analyse des  aspects politiques, si elle veut être comprise,  devrait être l’apanage de la sociologie qui selon elle, les faits sociaux sont totaux et globaux[61].  Nous ne pouvons pas exclure la vie sociale de la vie politique, de la vie économique etc. En d’autres termes, sur le plan  politique les domaines économiques, religieux, etc. L’analyse d’un élément le politique, ne doit pas être comprise de manière isolée de l’ensemble qu’est la société toute entière. Voilà pourquoi, il nous est impératif de passer en revue les trois pouvoirs de l’État haïtien: l’exécutif, le législatif et le judiciaire, afin de dégager les points de ressemblances et de divergences menant le pays dans cette situation de crise interminable.

14.1.1.- Le pouvoir Exécutif

Le pouvoir Exécutif est exercé par le président de la république et  le cabinet ministériel. Il a pour mission la nomination du premier ministre qui, selon l’article 133 de la constitution de 1987 est le chef du gouvernement. De concert avec le premier ministre, le président fait choix  des ministres, il accrédite les ambassadeurs,  signe les traités,  veille au respect et à l’exécution de la constitution. En tant que  le principal garant de la souveraineté nationale, il assure le bon fonctionnement régulier des pouvoirs publics  dans une optique de continuité et de la stabilité politique du pays etc.   Le premier ministre a aussi des responsabilités bien définis, en accord avec le président, le premier ministre choisit les ministres.

14.1.2.- Le pouvoir législatif

Le pouvoir Législatif se compose de deux Chambres : La chambre des députés composée de 136 députés et la chambre du sénat qui comprend 30 sénateurs élus. Ces deux chambres sont indépendantes mais surtout liées par l’assemblée nationale en vue de statuer ensemble sur des projets lois. En toute indépendance, les deux chambres  ratifient  ou non les décisions du gouvernement, elles votent le budget du pays. La prestation de serment du président de la république se fait en assemblée. Séparément, les deux chambres reçoivent le premier ministre dans le cadre de la déclaration de sa politique générale la politique générale du premier ministre pour la ratification. Elles  votent les traités internationaux.

14.1.3.- Le pouvoir judiciaire

Le pouvoir judiciaire de la république d’Haïti est exercé par les cours et les tribunaux tels que : la cour de cassation, les cours d’appel, les tribunaux de paix, les tribunaux de première instance.  Sur le plan de l’organisation  géographique, ce  pouvoir très complexe parmi les trois pouvoirs. Le pouvoir judiciaire a pour tâche et mission d’interpréter strictement les lois. La cour de cassation se compose de  neuf juges nommés par le président de la république pour une période de dix ans. Les juges de la cour de première instance sont nommés pour 7 ans et ils sont inamovibles, jusqu’à l’épuisement de leurs mandats.

La constitution de 1987 définit clairement les relations existant entre les trois pouvoirs en vue d’assurer la gestion du pays. Ces trois pouvoirs sont constitutionnellement interdépendants. Comme disait M. Claude Moise, son article écrit en 2012 : ces  «Organes de l’État central sont exécutif qui est  bicéphale, le législatif bicaméral et le judiciaire à paliers[62]. »  De ce fait,   L’exécutif  est le gardien de la souveraineté nationale, le pouvoir législatif consolide cette souveraineté par des lois et veille à leur application. Le pouvoir judiciaire, à travers les cours et tribunaux a le pouvoir de faire respecter les lois par les nationaux au nom de la démocratie. On ne peut pas concevoir la gouvernance d’Haïti sans l’un de ces trois pouvoirs. Cependant, M. Claude Moise, parlant de la gouvernance d’Haïti soutient qu’ : «Elle est intrinsèquement perturbatrice lorsque le gouvernement n’est pas l’émanation d’un parti majoritaire au Parlement. Une certaine fragilité peut naître d’une évolution imprévisible des rapports entre les deux têtes de l’exécutif et aboutir à des chocs d’intérêts, conflits de personnalités, rupture[63]. »

Les trois pouvoirs qui ont la responsabilité de mener le pays sur le plan socio-politique, économique et judicaire n’offrent pas à la population des actions positives relatives à leur vocation. Un manque de confiance totale s’installe entre les acteurs des pouvoirs  politiques  et le peuple. Ce qui fait que tous les mouvements et discours de ces hommes et femmes politiques n’ont pas convaincu le peuple qui devient de moins en moins crédule et de plus en plus distant face à leurs mandants. Toute action politique entre ces trois pouvoirs est un «deal » qui se fait pour l’enrichissement des uns et des autres au détriment du peuple.   L’éthique politique et professionnelle est absente au niveau des trois pouvoirs pour faire place à  la corruption, la malversation et le banditisme d’État. Des actions politiques traîtres, sournoises et perfides qui fragilisent tout un système politique et conduisent le pays sur le bord du gouffre.

15.- Pour
les
Aïeux,
pour
la
Patrie…dans nos rangs points de traîtres.

Les experts en sociologie politique disent qu’il existe 9 grands systèmes politiques[64] à savoir :

  • La théocratie. Elle est  désignée couramment par un régime dans lequel des dépositaires sont des autorités religieuses,
  • La république qui n’est pas obligée d’être  une démocratie dont le peuple est le seul souverain. C’est un régime dont  dans lequel le pouvoir est responsable devant la nation.
  • La démocratie  qui est un régime dans le peuple  lui-même souverain. Tous les pouvoirs sont exercés par le peuple ou ses représentants. «La démocratie est donc le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »
  • L’oligarchie est considérée comme la  dégénérescence de la démocratie.
  • La monarchie qui est un gouvernement d’un seul « commandement » : le souverain dirigé par  un roi, un empereur, un calife, un émir, ou autre, accède au pouvoir soit par élection, soit par héritage,
  • La féodalité  qui est un système politique dans lequel société au pouvoir éclaté et la souveraineté est répandue çà et là entre les différentes seigneuries : le seigneur gouverne une terre et y exerce la justice. 
  • Le despotisme : qui veut dire « le maître dans la maison », « le maître des esclaves ». Elle a une  connotation péjorative très négative. Le despotisme désigne un pouvoir arbitraire et oppressif, qui s’exerce en dehors des limites du droit.
  • La dictature  est la disposition des pouvoirs par un homme en vue de  mener à bien une mission. Le socialisme du XIXe a développé la notion de dictature du prolétariat, période de pouvoir absolu de la classe ouvrière qui doit permettre le passage au socialisme.
  • Le totalitarisme  qui est un phénomène, c’est l’avènement de régimes dictatoriaux extrêmes au XXe siècle : l’Italie fasciste, l’Allemagne nazie, l’URSS ou la Chine maoïste dans lesquels l’État a cherché à contrôler et à soumettre la totalité de la vie sociale à son pouvoir.   la nation ne peut pas se donner sa propre loi ni n’a droit à aucune liberté. Ce genre de système politique monopolise les   médias, contrôle  et censure la production culturelle etc.

De tous ces systèmes politiques, Haïti se range parmi les pays qui professent la démocratie comme système politique et se lance aveuglément dans le néo-libéralisme comme système économique. Ceci met le pays à nu dans ces problèmes de production nationale, de concurrences internationales et d’échanges commerciaux. Les dirigeants n’ont pas les moyens de leur politique. C’est une source d’éclatement et de crise perpétuelle. Dans ce cas, Haïti va-t-elle résister, quand  les pays formant les grandes puissances économiques commencent par laisser le système néo-libéralisme qui selon eux est dépassé pour faire place à la «MODERNITE » en tant que palliatif pouvant aider les pays en développement à rattraper leur retard par rapport aux progrès socio-économiques et technologiques du monde?

15.1.- La crise haïtienne est-elle systémique?

Depuis 1987, Haïti adopte la démocratie en tant que système politique en lieu et place de la dictature. Dans un système démocratique, il y a un gouvernement dans lequel le peuple exerce de manière souveraine et  directement  par le vote son pouvoir. C’est le peuple qui donne à ses représentants de la légitimité. Donc, dit-on : «La démocratie c’est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » Gettysburg (1863). Selon Alexis Tocqueville, la démocratie assure  l’égalisation des conditions sociales et l’évolution des classes sociales. Dans ce cas, la démocratie devrait être considérée comme étant le système politique faisant la promotion de la liberté individuelle et le respect des divergences politiques. Tocqueville avance que la démocratie  est la  «charnière qui relie libéralisme politique et libéralisme économique[65].» D’autres experts ajoutent que la démocratie doit être un facteur explicatif du développement économique, des droits civiques et politiques. Donc, nous pouvons à partir de ces allégations, qu’une absence de développement économiques et des autres droits entraînent ipso facto l’absence de la démocratie dans un pays comme le nôtre.

15.2.- Le système démocratique  haïtien et le développement

La démocratie marche de pair avec les termes transparence et reddition de comptes. Sans scrupule, les dirigeants politiques se battent contre les tentatives des citoyens d’avoir des explications sur les dépenses des gouvernements. Alors que nous disons que nous sommes en démocratie. S’il y avait une  bonne gouvernance et gestion des fonds publics et le respect des normes démocratiques, pourquoi, au nom de la démocratie le peuple ne peut pas trouver des explications sur les actions gouvernementales?  Les citoyens n’ont-ils pas le droit des s’impliquer dans les affaires de la république? Quand nous savons à l’instar de Tocqueville, que : «Le premier danger de la société démocratique est donc de pousser les citoyens à s’exclure de la vie publique qui devrait pourtant être une préoccupation essentielle[66]. » Nous vivons dans un État  de droit, l’inclusion, la transparence,  la protection des droits de l’homme et des libertés doivent-être les fers de lance d’une démocratie.  La divergence d’opinion et la  tolérance qui sont des aspects essentiels de la démocratie. Il y a une absence de confiance dans les institutions du pays. Elle se confirme à travers  des élections irrégulières, Le courtage gouvernemental,  l’asservissement de la justice, le mercantilisme parlementaire indépendance judiciaire, etc. ne peuvent pas garantir la démocratie sans tenir compte des intérêts supérieurs de la nation. Pour Tocqueville, la première caractéristique qui définit une société démocratique, «c’est l’égalité des conditions. Cela signifie que les individus sont juridiquement égaux[67]. »   Notre système démocratique est calqué sur celui de l’occidental pour lequel nous n’utilisons ni avoir, ni savoir pour appliquer ce système. Selon les données de  2017 de l’IHSI, l’économie haïtienne est caractérisée par un Produit Intérieur Brut (PIB) per capita de 752,20 dollars pour une population de 10,9 millions d’habitants. Le Produit Intérieur Brut, en volume et  de 1,2% contre 1,5% en 2016. Une   consommation finale de  2,7%  pour des Investissements de  0,9% qui ont tiré la croissance. Nous assistons à une chute des exportations, de 1,2%. «La consommation finale a été surtout boostée par la hausse des transferts de la diaspora (15,4%) et l’accroissement de la masse salariale tant au niveau public (8,0% que privé (15,5%). »  Nous ne faisons que singer  très mal car rien n’est respecté dans notre système démocratique dans lequel nos valeurs intrinsèques et ne sont pas prises en compte. Un système démocratique doit être soudé d’un système économique. En vertu de quel système économique Haïti fonctionne-t-elle : le capitalisme, le libéralisme, le néo-libéralisme?

Une démocratie qui marche à reculons ne peut être supportée par aucun système économique pour son développement. Si la démocratie est le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple, elle ne pourra pas évoluer dans un pays dans lequel il y a une alphabétisation à outrance. Les universitaires et  professionnels ne sont pas valorisés. Nos dirigeants, au nom du développement payent le luxe  d’importer des techniciens de l’étranger, alors qu’ils investissent dans des universitaires qui devraient mériter leurs confiances sur le plan technique. Quelle aberration! Le développement et l’indice de développement humain sont les deux facettes d’une même médaille.  Toutes les institutions du pays sont en faillite, que ce soit la famille, l’école, les institutions religieuses, la société civile, le secteur privé et son comportement individualiste, les collectivités locales, les syndicats, les médias, etc., dans ce cas, par où allons-nous initier le développement?  N’est-ce-pas Alexis de Toqueville qui dit : « Éblouis par l’enrichissement, le désir d’une plus grande satisfaction matérielle et la recherche du confort individuel diminuent la vie culturelle, les citoyens oublient de participer à la vie politique qui, du même coup, s’appauvrit[68]. » Nous n’avons quasiment pas d’industriels dans le pays. Les données de l’IHSI nous montrent la situation dans le tableau suivant :

Branches d’activité[69] Produit Intérieur Brut par secteur (En millions de gourdes constantes)
  2012-13 2013-14 2014-15* 2015-16** 2016-17***
Agric., Sylvic., Élev. et Pêche 3360 3311 3131 3227 3254
Industries Extractives 18 19 20 20 20
Industries Manufacturières 1174 1206 1261 1280 1293
Électricité et Eau 69 70 70 72 73
Bâtiments et Travaux Publics 1470 1586 1622 1625 1639
Com., Restaurants et Hôtels 4147 4323 4441 4474 4524
Transports et Communication 1117 1158 1189 1194 1205
Autres Services Marchands 1692 1779 1817 1865 1894
Services non Marchands 1671 1705 1761 1788 1803
Branche Fictive[70] -909 -996 -981 -992 -994
Valeur ajoutée brute totale 13809 14191 14331 14553 14711
Impôts moins subventions sur les produits 1208 1248 1295 1300 1328
Produit intérieur brut 15017 15439 15626 15853 16039
Taux de croissance en % 4,2 2,8 1,2 1,5 1,2

Source : Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI)-Notes : **Semi-définitif – **Provisoires – ***Estimations

Les embryons d’industries que nous avons, au lieu de les renforcer, les transformer techniquement et technologiquement, nous les avons pour la plupart  privatisées. Quant aux autres, elles sont tombées sous le poids de l’économie néo-libérale, transformant ainsi les industriels haïtiens en grands commerçants des produits importes. Le secteur privé des affaires devient un secteur où  se défilent les négociants et grossistes des produits étrangers en  Haïti. Le tableau ci-contre montre la situation générale  du produit intérieur brut du pays avec un taux de croissance qui continue à se déprécier.

16.- Pouvons-nous nous inquiéter de l’avenir de la politique en Haïti?

Toutes les conditions sont réunies pour constater la défaillance des institutions et de l’État en Haïti. La capacité du peuple à choisir ses dirigeants pour exercer leur pouvoir au sein des gouvernements n’aide pas le pays à se relever de ses problèmes profonds, puisque les résultats attendus de ces dirigeants sont toujours de piètres qualités. Le pays a un taux d’analphabétisme frisant les 41% de la population haïtienne. Il n’y a pas de volonté manifeste de sortir le peuple dans ce problème, car c’est une source de satisfaction politique pour les dirigeants. Ceux-ci se servent de cette situation pour mentir et tromper le peuple dans les périodes électorales. Par exemple, quand on fait savoir à des pauvres paysans qu’un président peut acheter des vents et bloquer les cyclones pour ne pas ravager les maisons et la plantation des paysans, sont autant de fables qui montrent que le peuple est très vulnérables sur le plan politique.  Aussi bizarre que cela puisse paraître, les aides extérieures ne peuvent pas résoudre les problèmes d’Haïti. Au contraire elles contribuent à l’enfoncer davantage dans ses problèmes. Haïti a une crise profonde d’hommes et de femmes que nous pouvons résumer en ces termes :

16.1.- La crise haïtienne est  disciplinaire

Michel Foucault dit que La notion de « discipline » est étroitement liée à celle de « pouvoir » Selon lui,  le pouvoir n’est ni l’État, ni une quelconque institution[71]. Il est avant tout multiple et relationnel. Certains chercheurs dont Didier Ottaviani (2003) pensent que la discipline est née avec les mutations économiques, l’accroissement de l’appareil de production, l’apparition de stocks exposés à la dépravation. Ils  ont rendu nécessaire une nouvelle forme de contrôle des populations. La discipline est «une technique de gestion destinée, non pas à réprimer les exactions des individus, mais à orienter leur comportement[72]. »  La première caractéristique de la discipline   ne se tient  pas sur des faits, elle est destinée à encadrer l’individu, à orienter ses potentialités d’action. Aucun projet social et économique d’Haïti ne peut  concrètement se développer sans la discipline des responsables des  pouvoirs. La discipline est fondamentale dans la gestion financière et dans tout ce qui a rapport aux êtres humains. Le droit de regard sur la gestion de la république est avant tout l’affaire des pouvoirs. Selon Ottaviani, «La discipline a donc une fonction « normalisatrice » c’est-à-dire qu’elle tend, d’une part, à homogénéiser un ensemble, un espace et un temps, et, d’autre part, à individualiser, à marquer des distances, des écarts entre les individus, à régler leur interconnexion. » En Haïti, une personne qui est disciplinée,  ponctuelle, méticuleuse, pevoyante et méthodique fait parfois la risée des autres. Des fois on lui demande «Si c’est lui qui vient pour redresser le pays… »  («eske se ou kap  vinn range peyi a? ») Donc nous sentons  que le désordre (l’anarchie) chasse la discipline dans ce pays, sous prétexte que l’établissement de l’ordre et la discipline  s’apparentent à des sanctions. Pour frayer le chemin du désordre,  cette phrase vient toujours en renfort : «se pa premye glas ki kraze nan gouvenman » Le scandale petrocaribe en dit long sur ce comportement. Malgré le rapport de la Cours Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif, les visés dans ces rapports, pour trouver un bouc-émissaire à leur forfait, préfèrent de  parcourir plus de trente ans d’histoire récente afin de chercher d’autres coupables  en vue de  jeter la confusion. Il faut quand même un jour pour freiner le désordre institutionnalisé.

16.2.- La crise haïtienne est éthique

Pour évoquer le terme éthique, il est nécessaire de le distinguer du mot « morale », selon l’usage actuel qui apparaît dans les Sciences de Gestion (Igalens J. Joras M. 2010). La morale  distingue le bien du mal. Le plus souvent, on attribue la morale au domaine de la foi. On questionne le comportement d’un individu par sa morale, son milieu et son cadre de vie.  Avoir la morale c’est « ne pas nuire à autrui, rien de plus[73]» (Ogien R. 2007), et « résister à l’intolérable » (Julien F. 2006). Tandis que l’éthique est du domaine de la raison. L’éthique est tellement importante dans la vie d’un groupe et des personnes en général que  dans les entreprises privées ou publiques on parle de l’éthique des achats, des contrats, de la finance, de la GRH, des systèmes d’information, etc.  Les normes éthiques et morales, qu’elles soient individuelle, de groupe,  dans une entreprise ou dans une collectivité sont établies par rapport à  son identité et sa culture. Selon les philosophes, il existe l’éthique de conviction, de responsabilité, de l’altérité. Pour ce qui est de l’éthique des affaires,  F.Henrot (éd. Plon 2010) parle du respect de la loi– « toutes les règles édictées par les autorités publiques qu’elle qu’en soit la nature[74]» Parlant de la crise éthique, nous pensons que c’est une situation qui échappe au  contrôle des acteurs haïtiens, suite à des comportements inéthiques tels que les actes «frauduleux, irresponsables, criminels de certains, pour répondre aux besoins et attentes de la puissance publique[75]. » Aussi paradoxale que cela puisse paraître, le respect de la personne humaine, la sauvegarde de l’environnement, des ressources et du milieu naturel, les questions autour de l’argent, la prise en compte des valeurs culturelles et intellectuelles, la qualité de l’information et de la communication etc. font partie de la conduite d’éthique.  L’article 168 du code de déontologie et d’éthique de la fonction publique haïtienne stipule que  : « Le fonctionnaire est astreint à l’obligation de servir les intérêts généraux de la République avec loyauté, dévouement, probité, discrétion, efficience, efficacité, impartialité, diligence et désintéressement dans le respect de la Constitution et l’obéissance aux lois et règlements en vigueur[76].» Rien de l’article 168 n’est globalement respecté dans  le fonctionnement de l’administration publique haïtienne. L’article 181 : «L’obligation de probité et de désintéressement entraîne la répression de tous les agissements qui y sont contraires, tels que l’ingérence, le trafic d’influence, la corruption, la concussion, le délit d’initié, le détournement ou la soustraction de deniers publics, actes et documents de l’administration[77]. » Les scandales de détournement de fonds dans ce pays en disent long sur le mauvais fonctionnement et le non-respect des principes administratif. Les autorités internes et  de régulations sont tellement impliqués dans des situations louches qu’ils n’ont aucune confiance ni respect de la société. Les institutions haïtienne responsables de contrôle telles que : la CSCCA, de l’UCREF, de l’ULCC et de la CNMP, la Justice qui devraient contribuer  à la lutte contre la corruption en Haïti sont limitées par  leurs actions  «aux respects des procédures et formalités sans s’élever à la dimension philosophique de l’éthique[78]. » Très souvent les responsables de ces institutions ne sont pas libres de leur mouvement sur le plan administratif. Ils  ont des redevances et des allégeances,  envers leurs patrons (Président, premier Ministre et Ministres) aux dépens des normes administratives. Or l’article 5 de la loi portant prévention et répression de la corruption stipule que : «Sont considérés comme actes de corruption au regard de la présente Loi les faits suivants : «la concussion, l’enrichissement illicite, le blanchiment du produit du crime, le détournement de biens publics, l‘abus de fonction, le pot-de-vin, les commissions illicites, la surfacturation, le trafic d’influence, le népotisme, le délit d’initié, la passation illégale de marchés publics, la prise illicite d’intérêts,  l‘abus de biens sociaux, l‘abus de fonction et tous autres actes qualifiés comme tels par la loi[79]. »   C’est aussi un problème de conscience professionnelle et d’éthique. Car, on ne peut pas donner ce qu’on n’a pas.  D’où le nerf de cette crise semble aussi une crise d’autorité.

16.3.- La crise haïtienne est une crise d’autorité

Il faut faire la différence entre l’autoritarisme qui est un système de gouvernement capable de restreindre la liberté des personnes et l’autorité des personnes responsables de mener la barque d’un gouvernement. L’autorité « implique une obéissance dans laquelle les hommes gardent leur liberté[80]. » Une autorité doit être bienveillante et soucieuse du bien commun. Au contraire, si cette autorité s’abuse du bien commun aux dépens du peuple, un jour ou l’autre, il perdra son légitimité et l’autorité ne pourra pas contrôler la situation générale.  Hannah Arendt dit que l’autorité est plausible dans l’éducation des enfants, c’est le modèle de l’autorité paternelle et maternelle. On trouve également la continuité de cette autorité à l’école au milieu des dirigeants et enseignants, c’est ce que l’auteur appelle « autorité prépolitique[81] » La démission des parents et des responsables scolaires dans l’éducation civique, éthique, morale et citoyenne des apprenants explique l’acharnement à faire disparaître les autorités politiques. Car, les enfants seront les citoyens de demain. C’est Arendt qui dit que : «La disparition de l’autorité, loin de libérer l’homme, aboutit à la disparition des libertés et à l’enfer sur terre[82]. » Dans le désordre administratif en Haïti, le plus souvent il y a une absence d’autorité, soit par une phobie d’être ligoté, révoqué et même tué,  si on intervient pour limiter les dégâts, soit par implication pleine et entière de l’autorité en question dans le désordre et la corruption. Dans ce cas, cette autorité accepte implicitement d’être complice. La corruption est tellement forte dans ce pays que les exemples ou modèles d’autorités ne sont pas toujours verticaux pour des raisons susmentionnées. C’est  l’anarchie qui  prime sur la loi.  En d’autres termes, nous pouvons dire que la crise d’autorité en Haïti est la résultante de la faiblesse de l’État exprimée à travers son incapacité de mettre de l’ordre dans l’administration publique, d’éradiquer l’insécurité dans le pays, de finir avec le problème de la contrebande, l’incapacité de gérer le système de santé, d’éducation, de justice etc.

16.4.- Une crise de confiance

La crise de confiance, est le sentiment d’insécurité de celui qui se fie à quelqu’un, à quelque chose et a été déçu par le comportement ou l’acte de la personne. Sur le plan politique, c’est une approbation donnée à la politique du gouvernement par la majorité de l’Assemblée nationale  en toute confiance,  sans crainte d’être trompé de confiance, sans hésiter, en toute sûreté[83].   Selon les auteurs Richard Balme, Jean-Louis Marie et Olivier Rozenberg, (2003),  «La conscience est une forme de transparence de la représentation politique….la confiance politique opère en situation d’asymétrie d’information. Cette asymétrie caractérise en premier lieu la relation entre l’offre (les élites politiques et bureaucratiques) et la demande (l’ensemble des citoyens[84] »  En Haïti, le système d’information des gouvernements fonctionne à sens unique, c’est-à-dire, il n’y a pas une triture de partage d’information de manière horizontale. Dans notre pays, les rumeurs ont force d’informations réelles parce que les responsables étatiques pensent que le peuple c’est la «canaille », la racaille,  par conséquent, il n’a pas droit  à l’information. L’information est tellement inégalement répartie que la population ne peut pas distinguer la vraie information de la fausse. Et entre les promesses électorales et les réalisations concrètes, il n’y a pas de différence. Et pour cause, un manque de confiance s’installe entre le peuple et les autorités C’est pourquoi les auteurs suscités disent que : «la confiance est liée entre connaissance et évaluation politiques[85]. » A force d’endurer le mensonge des responsables politiques dans des promesses électorales et post électorales, le peuple devient très méfiant à l’égard  de ses représentants, des gens de l’État et des gouvernements, c’est la méfiance et la défiance totale. Il y a une perte de l’intérêt pour la politique très prononcée jusqu’au retrait de la population au moment d’exprimer leur vote. Or, dans tous les pays vocation démocratique, voter est un droit. En Haïti, le peuple a lutté corps et âme afin d’avoir ce droit, par méfiance, il est en train de le perdre. Selon une recherche sur les motifs de la confiance politique… en France par les auteurs Richard Balme, Jean-Louis Marie et Olivier Rozenberg, (2003)  ils ont découvert que les français ont reproché les politiciens pour les raisons suivantes : l’hypocrisie, leurs discours n’ont aucun fondement et ne sont faits que pour plaire à leurs électeurs. La défiance, parce que ces hommes politiques ne sont pas comme eux, leur position les font démarquer de la population. Les hommes politiques aiment le pouvoir, ils ont de l’ambition, arrivés au timon des affaires, le peuple est exclus. Dans cette recherche, la corruption passe au second plan pour les français. Ce qui est contraire pour le peuple haïtien. Dans une éventuelle recherche, ce sont  la corruption  et la malversation[86] qui primeront sur tout. L’incapacité des politiciens haïtiens à s’engager dans leur promesse au profit de la satisfaction de leur «ego », l’absence de conscience professionnelle, de l’altérité et de l’éthique chez nos politiciens perpétuent la crise de confiance  dans la population.

16.5.- La crise haïtienne est démocratique

Il se développe en Haïti, une sorte d’incivilité, c’est-à-dire, une  attitude de non-respect, à la fois à l’égard des autres citoyens (ex : politesse), envers les bâtiments  les  lieux de l’espace public (ex : transports publics). Il n’existe pas de reconnaissance mutuelle et tolérante des individus entre eux, au nom du respect de la dignité de la personne humaine. Donc, le peuple haïtien ne vit pas en harmonie avec lui-même et les dirigeants étatiques.  Il y a également une absence de civisme qui n’entraîne aucun respect des symboles et des choses sacrées, des lois et des règles. Les valeurs intrinsèques et l’identité culturelle s’effritent. Les gens en majorité n’ont pas la conscience de leur devoir envers la communauté et la société haïtienne en générale. Il y a une absence totale de solidarité pour faire place à l’individualisme. Les hommes et les femmes haïtiennes en aucun cas ne s’attachent pas aux projets communs. Malgré nous avons un système démocratique, les gens ne peuvent pas se mettre ensemble pour s’entendre sur un projet afin de résoudre les problèmes du pays. A chacun la solution personnelle aux problèmes du pays et l’individu est prête à tout chambarder, si sa vision personnelle de la situation n’est pas acceptée par la majorité.  Tout principe démocratique veut que ce soit l’opinion majoritairement acceptée qui doit passer au nom de la démocratie.  La division est toujours au rendez-vous. Nous perdons notre temps pour rien dans les discussions et débats dans lesquels le plus souvent ne respecte aucune idéologie. Les intérêts politique personnels rendent l’haïtien sans idéologie politique. Il n’y a ni droite, ni gauche, voire ceux qui se situent au centre. Nous perdons nos «reins et cerveaux politiques » au nom des intérêts mesquins.  Les haïtiens, s’ils s’entendent pour faire quelque chose, chacun s’attend à ce qu’il impose son propre projet aux autres. Il y n’y a aucun esprit démocratique dans tels comportements. Or, la solidarité c’est  une attitude de tolérance et  d’ouverture à autrui en respectant les  principes républicains de liberté et de  fraternité.

17.- Conclusion

Le concept Haïti est un idéal qui  n’existe que dans la pensée et non dans le réel. Nous devons matérialiser ce nom  qui possède toutes les qualités. Sans des hommes et des femmes intègres, Haïti restera une idée, un projet inachevé depuis 1804. C’est un constat, quel que soit les systèmes politiques et économiques conçus ou adoptés pour ce pays, ils resteront vœux pieux, s’il n’y a pas une volonté commune des hommes et des femmes haïtiens pour juguler la crise. Plus de 21 constitutions depuis l’indépendance, plus de 56 gouvernements, nous végétons encore, parce que nous ne voulons pas nous unir pour  supporter jusqu’au bout les projets politiques et économiques de notre pays.  Nous préférons agir en machiavélisme, en individualisme, mettre en évidence nos ego, (Le Moi et le surMoi)  pensons que nous avons chacun la solution des problèmes de ce pays en défendant individuellement notre chapelle. Or le principe démocratique est le respect de  l’unité dans la diversité.  Nous parlons tous et toutes la même langue : le Créole et nous avons l’impression que nous ne nous comprenons et nous ne nous entendons pas sur un projet réel afin de sauver notre pays du marasme politique et économique. Nous refusons d’assurer la cohésion et l’accès de tous les citoyens  à des services d’intérêt général par des politiques publiques. La sécurité intérieure et extérieure du pays n’est pas contrôlée, la sécurité physique est dans l’impasse, ce sont les gangs qui font la loi dans ce pays. C’est une honte de constater l’état de délabrement dans lequel se trouve notre plus grand boulevard qui porte le nom du père de la patrie commune : le boulevard Jean-Jacques Dessalines. Nous crachons et faisons nos besoins physiques sur les monuments dédiés aux héros de notre indépendance.  A l’instar de Carl Marx, la politique d’infrastructure, notamment tout un  ensemble des moyens et des rapports de production qui sont à la base des formations sociales, politique et de superstructure, c’est-à-dire tout le système politique, l’appareil d’État et le système idéologique juridique, scolaire, culturel, religieux etc., qui   ne se  reposent sur aucune  base économique solide, est totalement négligé dans les projets de développement de ce pays.   Comment pouvons-nous attendre à des investissements dans ce pays? Nous avons un problème chronique de transparence dans le secteur public, dans l’organisation, le financement et la régulation des services à donner aux citoyens. La justice haïtienne est toujours clonée en fonction des désirs des gouvernements aux dépens de ce qui est légal.   Un fait est certain qu’il faut questionner notre système éducatif dans ce type de comportement individualiste affiché au détriment des intérêts supérieurs de la nation. L’école  en général dans l’éducation qu’elle véhicule, n’est-elle pas responsable de nos comportements de destructeurs et  d’inconscients? Le type d’éducation qu’on donne à nos enfants  permet-il à ces futurs dirigeants du pays de devenir des citoyens, patriotes compétents, honnêtes, intègres et conséquents? N’est-ce pas le Dr. Kenold Moreau qui dit que : «l’université doit s’évertuer à fournir les moyens nécessaires à la reconstruction et au développement économique, social et culturel du pays en alignant ses programmes sur ces trois dimensions du développement : économique, sociale et culturelle[87] »

De ce qui précède, il importe de dire que nous avons  ipso facto   une crise d’hommes et de femmes qui ne sont pas aptes à résoudre les problèmes d’Haïti. Cette crise humaine causée par une absence de discipline et un manque d’éducation civique, intellectuelle et citoyenne de qualité.

Références Bibliographiques

Alexis, de Tocqueville (1856), Égalisation des conditions et démocratie,  http://www.ac-grenoble.fr/disciplines/ses/Content/telecharger/EDS/AdeTocqueville.pdf

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 [1] V. Jankélévitch, (1964),  L’ironie, Paris, Flammarion, Champs. https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/diogene-le-cynique-ou-la-mauvaise-141670, consulte le 20 aout 2019

  Bellita BAYARD est professeure d’Université, elle a étudié à Montréal (Canada), où elle a obtenu un Diplôme d’Études Spécialisées en Gestion des Affaires (DESG) à l’École des hautes études commerciales (HEC) et une maîtrise en administration publique avec option en management international à l’École nationale d’administration publique (ENAP, Montréal). Elle est licenciée en Anthropo-sociologie. Elle est également certifiée en sciences économiques de la Faculté de droit et des sciences économiques, et détient une maîtrise en sciences du développement de la Faculté d’ethnologie de l’Université d’État d’Haïti (UEH). Elle est doctorante de l’Institut des sciences et des technologies avancées d’Haïti (ISTEAH) dans le domaine des Sciences de l’Éducation avec option Gestion des Systèmes Éducatifs.  

[1] V. Jankélévitch, (1964),  L’ironie, Paris, Flammarion, Champs. https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/diogene-le-cynique-ou-la-mauvaise-141670, consulte le 20 aout 2019

[2] https://www.nofi.media/2018/05/la-dette-dindependance-dhaiti-du-17-avril-1825/53209

[3] https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-l-institut-pierre-renouvin1-2012-1-page-157.htm

[4] https://www.universalis.fr/encyclopedie/jean-claude-duvalier/

[5] https://mappemonde-archive.mgm.fr/num3/lieux/lieux04301.html

[6] Patrick Saint-Pre, (2018), L’immigration haïtienne au Chili a augmenté de 114% en 2017, dans le Nouvelliste.

[7] La constitution de 1987 de la République d’Haïti

[8] La constitution de la République d’Haïti de 1987.

[9] Claude Ryan, (2004),  L’autorité politique et le service du bien commun dans les conditions d’aujourd’hui, https://journals.openedition.org/ethiquepublique/2045

[10] Idem

[11] Op. Cit.

[12] Charles Seignobos, (2014),  la a méthode historique appliquée aux sciences sociales, https://books.openedition.org/enseditions/492?lang=fr

[13] Herve Touboul, Le social chez Marx, https://journals.openedition.org/leportique/2715, 2014.

[14]Dictionnaire Larousse, (2018)

[15] Ayner Greif, (      ),  qu’est-ce que l’analyse institutionnelle traduction de Marc Lenormand

[16] Gaston Bernier (1991), Établissement et institution Gaston Bernier https://www.erudit.org/fr/revues/documentation/1991-v37-n2-documentation01683/1028451ar.pdf

[17]Op. Cit.

[18] Idem

[19] Michel Joras, (2011), Éthique et crises, Genèse d’une économie de la conformité éthique ?

[20] Dictionnaire Larousse (2018)

[21] Op. Cit.

[22]Cite par Michel Joras (2011),  dans, Éthique et crises, Genèse d’une économie de la conformité éthique ?

[23]Etienne Cerexhe, (2006), La Libre Belgique

[24] Constitution de 1987 de la République d’Haïti

[25]Arnaud Fossier et Eric Monnet, (2009), Que faire des instituions : Les institutions, mode d’emploi, Traces, Revue des sciences humaines, https://journals.openedition.org/traces/4183

[26] Idem

[27] Serge Vallon, (2006), Qu’est-ce qu’une famille ? Fonctions et représentations familiales, https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-et-traitements-2006-1-page-154.htm

[28] Anne Muxel, (2001), Famille et politique la chaîne des générations https://www.cairn.info/l-experience-politique-des-jeunes–9782724608380-page-51.htm

[29]Anne Muxel, (2001),  L’expérience politique des jeunes, Paris, Presses de Sciences Po.

[30] Idem

[31] Gérard Fourez (2006), L’institution-école et les politiques de l’école, https://www.cairn.info/eduquer–9782804150464-page-97.htm

[32] Paul Ricœur,  (1985), Avant la loi morale : l’éthique, Les enjeux, le rôle social de l’école, dans Encyclopédia Universalis,

[33] Op. Cit.

[34] Ministère de l’Education nationale et de la formation professionnelle (MENFP), (2018), Plan décennal d’éducation et de formation (PDEF) Octobre 2018-Septembre 2028

[35] Philippe Perrenoud et Cléopâtre Montandon (1988) Les transformations de l’école : entre 
politiques d’institutions et pratiques des acteurs. https://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1988/1988_16.html

[36] Brian D. Denman, (2005),  Dans Politiques et gestion de l’enseignement supérieur

[37] L’UEH, (2018),  ses états généraux, L’université, c’est quoi ? Dans,  Le Nouvelliste

[38] Kenold Moreau, (2013), Mission de l’université dans la société haïtienne, dans,  le Nouvelliste

[39] Op. Cit.

[40] Ministère de l’Education nationale et de la formation professionnelle (MENFP), (2018), Plan décennal d’éducation et de formation (PDEF) Octobre 2018-Septembre 2028

[41] MSRI (2012), l’autonomie universitaire en France,  http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid55933/comprendre-l-autonomie-des-universites.html

[42] Notes de 2019 du Secrétariat général de l’UEH

[43] Idem

[44] Kénold Moreau, Ph.D (2018)  Mission de l’université dans la société haïtienne, dans le Nouvelliste

[45] Cite par Luc Ngwe, Hilaire de Prince Pokam Albert Mandjack et Ernest Folefack, (  ), L’université et les universitaires dans les mutations politiques et éducatives au Cameroun.

[46] Cite par Laennec Hurbon, (2006), Fritz Fontus, Les Églises protestantes en Haïti. Communication et inculturation, https://journals.openedition.org/assr/3517

[47] Joses Jean-Baptiste, (2013), Vers le bicentenaire du protestantisme en Haïti

https://www.lenouvelliste.com/article/123173/vers-le-bicentenaire-du-protestantisme-en-haiti

[48] Op. Cit.

[49] Lewis Ampidou Clormeus, (2014),  L’Église catholique face à la diversité religieuse à Port-au-Prince(1942-2012),  https://journals.openedition.org/assr/26016

[50] Laennec Hurbon, (2012), Religions, politique et mondialisation en Haïti https://books.openedition.org/editionsmsh/8335?lang=fr

[51] Ambroise Dorino Gabriel, (2010), Le sens du vodou haïtien dans la lutte religieuse, identitaire et politique d’Haïti  https://journals.openedition.org/assr/26016

[52] Jean Price Mars, (1928), Ainsi Parla l’oncle

[53] Dïmitri Bechacq, (2014),  Le secteur vodou en Haïti Esthétique politique d’un militantisme religieux (1986-2010) https://www.cairn.info/revue-histoire-monde-et-cultures-religieuses-2014-1-page-101.htm

[54] Claude Souffrant, (1969), vaudou et développement
chez Jean Price-Mars, dans  Revue présence africaine, http://classiques.uqac.ca/contemporains/souffrant_claude/vodou_Jean_Price-Mars/vodou_texte.html

[55] Idem

[56] Kenold Moreau, Ph.D (2018)  Mission de l’université dans la société haïtienne, dans le Nouvelliste

[57] http://www.lemondepolitique.fr/cours/droit_constitutionnel/etat/definition.html

[58] Idem

[59] Op. Cit.

[60] http://sociol.chez.com/socio/grandsdomaines/sociopoli.htm, Qu’est-ce que la sociologie politique?

[61] Emile Durkheim, ()  Les règles de la méthode sociologique

[62] Claude Moise (2012),  Comment gouverner selon le régime politique de la Constitution de 1987? http://www.haiti-perspectives.com/pdf/1.2-comment.pdf

[63] Op. Cit.

[64] https://www.laculturegenerale.com/systemes-politiques/ , La culture générale

[65] Alexis de Tocqueville (1856), Égalisation des conditions et démocratie,  http://www.ac-grenoble.fr/disciplines/ses/Content/telecharger/EDS/AdeTocqueville.pdf

[66] Alexis de Tocqueville (1856), Égalisation des conditions et démocratie,  http://www.ac-grenoble.fr/disciplines/ses/Content/telecharger/EDS/AdeTocqueville.pdf

[67] Alexis de Tocqueville (1856), Égalisation des conditions et démocratie,  http://www.ac-grenoble.fr/disciplines/ses/Content/telecharger/EDS/AdeTocqueville.pdf

[68] Op. Cit.

[69] Ministère de l’Education nationale et de la formation professionnelle (MENFP), (2018), Plan décennal d’éducation et de formation (PDEF) Octobre 2018-Septembre 2028.

[70] Note du MENFP : Il s’agit, par convention, d’une unité spéciale qui prend en compte l’utilisation faite par les autres de la «production imputée de services bancaires» (SCN 93).

[71] Didier Ottaviani, (2003),  Foucault – Deleuze : de la discipline au contrôle

[72] Didier Ottaviani, (2003),  Foucault – Deleuze : de la discipline au contrôle

[73] Michel Joras, (2011), Éthique et crises,  Genèse d’une économie de la conformité éthique ?

[74] Cite par Michel Joras, (2011), Éthique et crises,  Genèse d’une économie de la conformité éthique ?

[75] Idem

[76] Le Moniteur, (2013), Arrêté définissant la Règle déontologique applicable aux agents de la fonction publique, # 63

[77] idem

[78] Enex Jean-Charles, (2015), Conférence sur l’éthique dans la fonction publique,  prononcée lors de la fête des employés de l’administration publique. http://www.omrh.gouv.ht/Media/2-DocumentsStrategiques/PRESENTATION%20ETHIQUE%20FONCTION%20PUBLIQUE%20HAITIENNE.pdf

[79] Le Moniteur, (2014), Loi  portant prévention et répression de la corruption, # 87

[80] Cite par Faoudel (2008), Crise de l’autorité et totalitarisme selon Hannah Arendt (1906-1975), le totalitarisme, conséquence de la disparition de l’autorité

[81] Idem

[82] Cite par Faoudel (2008), Crise de l’autorité et totalitarisme selon Hannah Arendt (1906-1975), le totalitarisme, conséquence de la disparition de l’autorité.

[83] Petit Dictionnaire Larousse

[84] Richard BalmeJean-Louis Marie et Olivier Rozenberg, (2003), Les motifs de la confiance (et de la défiance ) politique : intérêt, connaissance et conviction dans les formes du raisonnement politique, https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2003-3-page-433.htm

[85] Idem

[86] Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA), (2019) Rapport sur les dépenses des fonds petrocaribe.

[87] Kenold Moreau, PhD (2013)  Mission de l’université dans la société haïtienne, dans le Nouvelliste

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