Une réparation du plexus brachial par neurotisation réalisée au Cap-Haïtien

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Mercredi 7 août 2019 ((rezonodwes.com))– L’équipe du service de chirurgie orthopédie-traumatologie de l’hôpital universitaire Justinien du Cap-Haïtien continue de réaliser des exploits. 

En effet, deux ans après avoir réalisé la première pose de prothèse totale du genou en Haïti, l’équipe dirigée par le professeur Hubert Michel Pierre-Louis vient de réaliser une autre prouesse chirurgicale en arrivant à réparer les nerfs complètements morts d’un jeune patient de 36 ans qui avait été victime d’un accident de la voie publique. 

Fanfan Succès, le patient âgé de 36 ans, père de cinq enfants, natif de Hinche, a été victime le 22 février 2019 d’un accident de la voie publique dont il est sorti avec une paralysie de l’épaule et du bras. Il aurait consulté plusieurs médecins de la place, mais aucune solution n’a été trouvée pour son problème qui devenait de plus en plus inquiétant pour lui et pour sa famille dont il est le seul patron. 

Après plus de 5 mois de consultations décevantes, il a été informé sur les compétences du chef de service d’orthopédie-traumatologie de l’hôpital universitaire Justinien et des résultats obtenus par l’équipe dudit service. M. Succès a décidé d’y venir dans le but de trouver une solution. 

Succès a été d’abord reçu par les résidents du service qui n’ont pas tardé à bien le screener dans un interrogatoire approfondi  afin de comprendre les motifs qui l’ont amené en consultation. Puis ils ont décidé de mener un examen physique très minutieux qui a conduit au diagnostic suivant : 

1- atrophie des muscles deltoïde, trapèze, supra-épineux, pectoraux et les muscles de la loge antérieure du bras ;

2- perte de l’abduction de l’épaule et de la sensibilité au niveau de l’épaule ;

3- abaissement du moignon de l’épaule ;

4- incapacité de réaliser les mouvements de flexion du coude.

Comme le veulent les principes, le patient a été présenté au chef de service pour prendre la décision finale concernant la conduite à tenir devant un tel cas. Le professeur qui décide bien de pousser les challenges afin d’élever le niveau de l’orthopédie en Haïti a tout de suite demandé de préparer le patient pour une intervention chirurgicale. Il veut réaliser la première réparation d’un plexus brachial en Haïti. La préparation – le matériel nécessaire pour les réparations nerveuses étant extrêmement chers et non disponibles en Haïti – le Dr Pierre-Louis a décidé d’aller au bout de ses objectifs.

Il a d’abord fait l’acquisition d’un neurostimulateur, appareil servant non seulement à identifier les nerfs mais aussi à vérifier leur viabilité ; à défaut de la colle de fibrine qui servirait à assembler les torons des nerfs vivants sur les nerfs morts, il a pu utiliser des fils de suture de petits calibres (9-0 et 10-0) avec l’aide des lunettes spéciales coûtant elles aussi une fortune. 

La technique de reurotisation

Inventée en 1912 par Tuttle,  la neurotisation est une technique qui consiste à greffer une ou plusieurs fascicules d’un nerf vivant (fonctionnel) sur un nerf mort afin de rendre fonctionnel un muscle qui était dénervé, donc non fonctionnel. Cette technique implique le sacrifice de tout ou d’une partie du nerf donneur n’entraînant que des séquelles minimales pour le patient. Le nerf sélectionné est déconnecté de son territoire d’innervation originel puis suturé à la partie post-lésionnelle du nerf receveur, lui fournissant dès lors des bourgeons de repousse axonale. Toutefois, elle est un peu difficile, car on doit non seulement raviver un nerf mort mais on doit garder le nerf prélevé vivant. 

Ainsi, le professeur Hubert Michel Pierre Louis avait décidé d’opérer le patient en deux temps. La première intervention a été réalisée le 12 juillet 2019. « On a fait ce qu’on appelle la double neurotisation du nerf musculocutané responsable de l’innervation des muscles principaux de la flexion du coude (le biceps brachial et le brachial antérieur) par des fascicules du nerf ulnaire et du médian. » Cette intervention a duré 2 heures environ. 

À l’instard de la première intervention, la deuxième a été réalisée sous anesthésie générale, mais avec une durée deux fois plus longue. Elle a eu lieu le 23 juillet 2019.  

« On y a neurotisé le nerf axillaire avec des fascicules du nerf de la longue portion du triceps, branche du nerf radial et on a fait la neurotisation du nerf suprascpapulaire avec des fascicules du nerf spinal. »

Même si le temps de récupération des nerfs réparés est relativement long (8 mois en moyenne), l’équipe du service de chirurgie orthopédie-traumatologie peut s’enorgueillir d’avoir pu réaliser cette opération chirurgicale aussi délicate avec uniquement des médecins haïtiens et dans un hôpital oû les moyens font défaut. 

Gérard Maxineau  

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