2019 : Procès PetroCaribe ou la tête du Président Jovenel Moïse et de celle du Commissaire Paul Éronce Villard

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Par Maître Johnson JEAN-BAPTISTE*    

Vendredi 25 janvier 2019 ((rezonodwes.com))– La démission en décembre dernier du Magistrat Ocnam Daméus dont la tête avait été redemandée et obtenue après plus de deux mois d’arrêt de prestations judiciaires des avocats du Barreau de Port-au-Prince dans une résolution votée en Assemblée générale pour protester contre le laxisme et le déni de justice qu’ils reprochaient à l’ancien parquetier pour n’avoir pas mis l’action publique en mouvement dans le délai de flagrance contre certains policiers et l’ex-directeur départemental de l’Ouest de la Police nationale, M. Berson Soljour qui avaient bastonné trois (3) avocats du Barreau de Port-au-Prince en début d’octobre 2018, et son remplacement dans la foulée par le Magistrat Paul Éronce Villard semble désobscursir partiellement l’univers judiciaire de Port-au-Prince pour permettre aux  justiciables haïtiens assoiffés de voir que, après plus d’un siècle du procès de consolidation initié sous la présidence de Nord Alexis, un autre grand procès public puisse avoir lieu autour de la cause du PetroCaribe.

Car nombreux étaient ceux qui pensaient que l’ex-chef du parquet de Port-au-Prince, M. Daméus, ne manifestait véritablement aucun intérêt sérieux à l’avancement du procès PetroCaribe qu’ont initié les courageux avocats, Mes. André Michel et Marc-Antoine Maisonneuvre par la saisine du Cabinet d’instruction faite au début de l’année 2018.  

Les défis qui attendent, cette année 2019, le nouveau représentant du Ministère public près le Tribunal civil de Port-au-Prince sont majeurs. Si l’on se passe de citer en effet les questions d’insécurité qui gangrènent et s’installent quasiment en permanence dans la région métropolitaine en particulier les quartiers pauvres de Port-au-Prince où des corps de gangs qui seraient à la solde et de connivence avec les autorités de l’État prennent en otage la population; du massacre de La Saline qui, selon certains rapports publiés par des organismes de défense des droits humains (RNDDH, FJKL, …) a fait plusieurs dizaines de morts, des milliers de déplacés et de l’incendie de plusieurs habitations de pauvres familles, celle du PetroCaribe revient à bon droit sur toutes les lèvres et devrait être inscrite en grande lettre au tableau de l’agenda judiciaire du Commissaire du Gouvernement Paul Éronce Villard.

L’affaire PetroCaribe, rappelons-le, est un vaste scandale financier qui éclabousse la classe politique dirigeante haïtienne et une partie du secteur des affaires de 2008 à 2018. En mai 2006, le feu Président René Préval a signé un accord avec le Gouvernement du Vénézuela qui concerne un ambitieux programme expansionniste régional baptisé “ PetroCaribe ”, de la vision du feu Président Hugo Chavez destiné à repousser l’impérialisme américain dans les sphères de l’Amérique du Sud et des Caraïbes et à promouvoir une coopération Sud-Sud basée sur les principes de solidarité et partage, du panaméricanisme.

En vertu de ce programme, Haïti recevait du Vénézuéla plusieurs millions de baril de pétrole par année à crédit et à un taux de 1% qu’il remboursera sous une période 25 ans. Cet argent, évalué à 3 milliards et 800 millions de dollars américains selon plusieurs rapports réalisés par des commissions parlementaires, était censé investir dans de grands projets d’infrastructures et sociaux de développement national. Cependant, force est de constater que ce fonds a été mal utilisé, sinon détourné et dilapidé par les gouvernants sous les présidences de Réné Préval, de Michel Martelly et de Jocelerme Privert de 2008 à 2017. Même le simple citoyen lambda est à même de s’en rendre compte et pas besoin de lire dans les gros livres pour comprendre, en parcourant à l’oeil nu les maigres infrastructures de base (route, électricité, …) et les réalités socio-économiques du pays, que le fonds PetroCaribe a été dilapidé et volé par ces “ rat do kale politik ”.

Pour les incrédules, je vous donne un simple exemple: après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, le Gouvernement de la République dominicaine est venu construire dans le Nord d’Haïti, à Limonade, dans le fief même de notre fier ancien roi bâtisseur, H. Christophe, le premier campus universitaire du pays. Cet édifice, pour lequel nous tenons à remercier nos voisins Dominicains de leur générosité, n’en demeure pas moins une honte nationale et aurait dû piquer jusque dans l’âme notre orgueil de nation qui avait fait la révolution de 1804, de première république noire du monde ayant changé l’ordre dominant de l’époque, nous, qui pendant des siècles étions taxés de barbares et de bêtes, et pourtant avions fait signifier au monde qui se dit “civilisé” le vrai sens de la civilisation et de la liberté, mais n’avons pas pu malheureusement pendant plus de deux siècles d’histoire ériger pas même un campus universitaire à Port-au-Prince, voire dans les provinces.

Les Dominicains nous ont donné le campus de Limonade qui coûterait 50 millions de dollars américains. Si le Gouvernement de Michel Martelly – qui a dilapidé la part léonine du fonds PetroCaribe – avait décidé de construire 10 campus universitaires dont l’un dans chacun des dix (10) départements géographiques du pays, combien coûteraient-ils et combien d’argent resterait des 3 milliards 800 millions de dollars du fonds PetroCaribe ? Le calcul est simple : 10 x 50 millions = 500 000 millions, et si l’on soustrait les US$ 500 millions qui conviendraient pour construire 10 campus universitaires à raison de l’un dans chaque département géographique du pays, il resterait en caisse 3 milliards et 300 millions de dollars américains. Mais en réalité a-t-on construit de bâtiments publics convenables pour faire fonctionner nos universités et écoles supérieures ?

La réponse c’est que zéro campus n’a été construit. Cette illustration est pour vous montrer à quel degré la dilapidation et le vol par nos gouvernants des fonds PetroCaribe est gigantesque et que ce vaste scandale financier a la mal-vertu d’écraser l’esprit du citoyen avisé. Dans un pays aussi pauvre que Haïti où entre 70 à 80 % de la population vivent dans la paupérisation la plus abjecte, le démantèlement du fonds PetroCaribe est un assassinat de plus et un assassinat de trop du rêve de justice sociale pour la nation haïtienne dont Dessalines, le fondateur de notre patrie, était déjà porteur et pour lequel il a été assassiné en 1806. Le scandale PetroCaribe est donc le crime financier du siècle.

Face à vaste crime financier, les populations de Cité soleil, de La Saline, de Rabotot, du Bel-Air, des quartiers pauvres de Cap-Haïtien, etc., les déshérités et les laissés-pour-compte, Haïtiens de la masse comme intellectuels de la classe moyenne, attendent que Jovenel Moïse, Président de la République auquel la Constitution attribue en son article 136 la prérogative de garantir la bonne marche des institutions, crée les conditions nécessaires et suffisantes pour la tenue du procès PetroCaribe pas plus tard que cette année 2019. Ça doit être un impératif, une condition sine qua non non seulement à la survie de son pouvoir mais aussi à la réalisation des élections en fin 2019 pour renouveler la Chambre des Députés et le tiers du Sénat dont le mandat arrive à expiration en début janvier 2020.

L’instauration d’une justice impartiale et équitable et le renforcement de toutes les chaînes des instances qui interviendront dans le cours de ce procès sont parmi les conditions essentielles pour que ce dernier puisse avoir lieu à Port-au-Prince où actuellement l’appareil judiciaire, socle de la nation, est tant décrié et n’existe que de nom qu’il fait écrouler déjà tout l’édifice des mœurs et valeurs de la nation. Si, selon ce que retiennent les historiens de la philosophie, la condamnation à mort de Socrate en 399 av. J.C., quoique injuste, avait servi à recimenter le tissu social et sauver la cité athénienne qui était décousue depuis la déroute de son armée lors des guerres péloponaises, la réalisation du procès PetroCaribe peut inspirer un nouveau gouvernail de redressement de la barque nationale qui est en train de couler.

Toutes les personnes qui sont nommément citées et soupçonnées dans la dilapidation des fonds PetroCaribe, qu’elles soient proches et membres du Gouvernement Phtkiste au pouvoir, cadres de la fonction publique, adversaires politiques de l’actuel régime, anciens hauts fonctionnaires des gouvernements précédents, les potentats de la bourgeoisie et autres, tous doivent être comparus devant le tribunal de droit commun compétent pour être jugés et condamnés conformément aux lois pénales en vigueur s’ils auront été reconnus coupables. Car il est évident que les plus forts obstacles à la tenue de ce procès seraient d’ordre politique. Si le pouvoir en place ne peut pas faciliter ce procès, la solution à apporter à cet obstacle ne pourra être que politique. Pour une fois donc, depuis la tenue du procès de Consolidation, la justice haïtienne doit se mettre debout pour concrétiser ce qu’il y a de symbolisme dans le portrait de la femme aux yeux bandés qui la représente.

Aujourd’hui, la répression des infractions dites “crimes financiers ou à col blanc” (blanchiment des avoirs, corruption, les délits d’initiés, crime de concussion, etc.) s’érige en véritable norme internationale et ne cesse pas de faire écho à travers le monde, car comme les institutions financières internationales (Banque Mondiale, FMI,…) et l’Organisation des Nation-Unies le montrent souvent, il y a toujours un lien fort entre la corruption et la pauvreté. La corruption et le gaspillage des fonds publics sont considérés comme un cancer qui ralentit le développement des États. À preuve, les États où la corruption sévit le plus sont généralement les plus pauvres et sous-développés.

Est-ce pourquoi que les États en voie de développement ou les Nouveaux pays industrialisés (NPI) comme par exemple la Chine, le Brésil, la Corée du Sud…, où on trouve de réelles volontés politiques de décoller économiquement mènent une lutte sans merci contre ce fléau et répriment sans cesse les dirigeants politiques qui ont leurs mains trempées et leurs pattes graissées dans le blanchiment des avoirs et la corruption. Est-ce pourquoi, l’ex-Président Lula Da Silva, celui qui était le “chouchou” du Brésil de 2002 à 2010, purge actuellement une peine de plus de douze ans de prison ferme et n’a pas pu, malgré sa forte popularité qui reste intacte, se représenter pour la présidentielle d’octobre 2018; et beaucoup de gros barons de son ancien régime et du monde financier brésiliens sont aussi écroués pour la cause du scandale de corruption du groupe brésilien BTP Odebrecht. Il en est de même aussi de Franco et Gianfranco Macri, respectivement père et frère de l’actuel président argentin Mauricio Macri qui sont poursuivis par devant la justice en Argentine pour des faits de corruption et de blanchiments des avoirs qu’ils auraient commis sous les présidences des époux Nestor et Christina de Kirchner.

Cette dernière, aujourd’hui Sénatrice, est elle aussi en proie à des ennuis judiciaires pour ces mêmes causes. Je pourrais allonger encore la liste des anciens (nes) présidents (es) et autres hauts fonctionnaires de l’État qui, au cours de ces dernières années, sont soient condamnés à la prison et purgent en ce moment leurs peines, soient en tain d’être poursuivis devant les tribunaux ou sous enquêtes judiciaires de leur pays. Tels sont les cas en Corée du Sud, au Pérou, pour ne citer que ceux-là.

Haïti ne peut et ne doit pas continuer à être une savanne pour les corrompus et les dilapidateurs des fonds publics de galloper. L’hémoragie judiciaire et l’impunité doivent être stopées, et cela doit commencer d’abord par la réalisation du procès PetroCaribe. De plus, nous – les organisations de défense des droits humains, les secteurs de la société civile, les plateformes de syndicats et les avocats conséquents qui saisissent bien le rôle d’avangardiste que l’avocat doit jouer dans une société – devons surveiller de près à ce que le pouvoir en place, dans un élan d’apaiser les tensions cette année 2019, ne largue dans notre “corsaille” un procès PetroCaribe baclé, une parodie de jugement des corrompus et des “sans foi ni loi” ayant assassiné les opportunités qu’offrait une saine gestion des fonds PetroCaribe à la jeunesse haïtienne qui se déverse ces derniers temps comme une force mécanique vers les faux appâts de salaire en République dominicaine et en Amérique du Sud.

Le procès PetroCaribe doit absolument avoir lieu cette année 2019. Sinon, le Président Jovenel Moïse et son nouveau Commissaire du Gouvernement de la capitale, Paul Éronce Villard, chef de la poursuite pénale, doivent démissionner. Que toutes les forces vives de la nation prêtent mains fortes pacifiquement à tout mouvement socio-patriotico-politique ayant le dossier PetroCaribe en cause. La logique du temps le veut. Reste aux citoyens conséquents à le vouloir aussi.

*Johnson JEAN-BAPTISTE est Avocat au Barreau de Port-au-Prince. Il détient un Master en Philosophie et Critique contemporaine de la Culture et enseigne aux universités. Contacts: Téléphones: (+509) 3606 7787  | (+509)3232-9793; e-mail : johnson.jeanbaptiste@ymail.com

1 COMMENT

  1. Apwè nou fin rekipere lajan PETRO a nan men malfektè yo, fòk nou koupe tout dwèt yo pou’n bay yon pinga ak lòt vòlè nan leta ke nou pako kenbe e ak sila yo ki gen pwojè pou vin vòlè nan leta

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