28 juin 2024
Jean Came Poulard : Confronter nos acerbes réalités!
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Jean Came Poulard : Confronter nos acerbes réalités!

Haïti est plongé dans une grave crise électorale dont la sortie n’est pas encore en vue même pour ceux qui ont des lunettes astronomiques. Cette crise en elle même n’est que le symptôme d’une société en voix de désintégration avancée. Aujourd’hui je sors de mon silence, je sors de derrière les rideaux pour d’abord livrer a la nation un diagnostique sans maquillage de la profondeur de notre laideur ensuite faire ressortir les grandes lignes de mon combat, du combat que toute personne saint d’esprit devrait mener pour rebâtir une société sur de nouvelles bases et léguer enfin un pays à notre descendance. Vous allez m’excuser si dans ce texte des fois je me prononce à la première personne, c’est pour encore mieux souligner mes opinions personnelles qui n’engagent que ma personne de citoyen d’un pays qui n’en est plus un tout en prenant ma responsabilité aussi en tant que membre d’un parti politique moderne.




L’ensemble des problèmes de ce pays peut être à mon avis résumé en trois (3) causes fondamentales :
1) la corruption généralisée et banalisée
2) une éducation inadéquate dans le meilleur des cas ou inexistante dans le pire
3) le racisme

La corruption
Aujourd’hui, on parle de crise électorale mais cette crise n’est pas tombée du ciel ou n’est pas apparue comme dans un conte de fée. Elle est le résultat de plus deux siècles d’une pratique de mainmise sur les élections qui a commencé avec Alexandre Pétion, qui en 1806 a manipulé le nombre de paroisses dans l’Ouest et le Sud en vue de contrôler la chambre des députés qui va être créée à la mort de l’empereur. Manipuler les élections est profondément encré dans nos mœurs de citoyens. Cette manie de contrôler le vote populaire sera répétée maintes fois de 1806 à nos jours. Mais la crise électorale en elle même n’est que le reflet d’un autre problème qui est encore plus profond dans nos coutumes car cela concerne la totalité des citoyens du pays, il s’agit de la corruption.

La pratique de la corruption s’installe chez nous avec une banalité indécente. Revenons à nos cher(e)s Corrompus Electoraux Permanent (CEP), pardons, Conseil Electoral Provisoire ; aujourd’hui on tire de flèches de tout bois pour les accuser de tout et de rien en même temps, mais nous avons oublié – un peu trop vite – que ce CEP a agi dans le noir le plus absolu sur les questions suivantes :

1) le recrutement du personnel des bureaux centraux de Port-au-Prince, sans offres d’emplois connus. Idem pour les employés a tous les niveaux du centre de tabulation des votes. Idem pour les innombrables consultants nationaux et internationaux, membres de cabinets des conseillers, personnels de soutien et petits personnels. Tout a été fait dans le noir complet. Ces gens sont devenus membres de la fonction publique sans offres d’emplois, sans concours, seulement par réseautage et pistons. Comment appelez vous cela ?

2) L’autre volet de la mise en place de la machine électorale c’est la création des BED et BEC, là encore on était allé de scandale en scandale. Et la société s’est tue et s’est accommodée car ceci n’est pas si étranger à notre canevas de penser qui est imprégné des pratiques normales de la corruption ou je dirais de la corruption normale.

3) Les membres de bureau de vote BV d’après le décret électoral sont choisis parmi les noms soumis par les partis politiques engagés dans la course électorale (ce qui est en passant un héritage du décret électoral du gouvernement de transition 2004-2006), cette pratique n’a rien d’éthique et de morale, mais ça rentre dans nos normes de notre mentalité de corruption normale.




4) L’opacité de la compilation des votes au centre de tabulation est encore une énième preuve de notre mentalité à évoluer dans le noir et la non transparence pour ne pas enfreindre notre loi première et suprême de la corruption avant tout.

Je ne dirais rien de plus sur ce CEP, on ne peut pas être honnête et crédible à moitié, alors les scandales des pots de vins versés à X ou Y ne m’ont nullement étonné, c’était logique et normale si non ça violerait notre première règle qui nous lie comme peuple : LA CORRUPTION AVANT TOUT.

Le CEP n’est qu’une illustration minimaliste de notre laideur ou de préférence de notre beauté à être de beau et fière corrompu. Nous pouvons aller chercher partout, dans les institutions étatiques, dans les entreprises privées, dans les ONG et dans la vie courante des gens, c’est la pratique du « Ti zanmi », du réseautage, de la corruption qui prime des qu’on parle d’emploi ou de passation de marché. Notre société est malade et le mal est enraciné dans les profondeurs et est quasiment congénital depuis que l’Empereur lui même a dit : « Plumez la poule mais évite qu’elle crie. ». Aujourd’hui faire un permis de conduire, renouveler sa patente, payer son impôt sur le revenu et tout autre transaction avec la DGI, la douane, la majorité des citoyens vont requérir le service d’un «Raketè ». Aujourd’hui face à la corruption méfiez vous, il n’y a pas de majorité honnête et intègre mais bien une minorité aussi difficile à trouver que la première pierre à lancer à la femme adultère. Aujourd’hui c’est la corruption, le « Ti zanmi » et le réseau qui est devenu la règle dans une société ou la corruption passe avant tout.
L’éducation

« Tant vaut l’éducation tant vaut la nation », que vaut ce palabre encore chez nous quand l’éducation chez nous ne vaut plus rien ou du moins devient une question de « brasse » dans le pays de la corruption avant tout. Aujourd’hui n’importe qui, vraiment n’importe qui, peut louer quelques chambres y mettre des chaises un tableau et déclare cette chose école ou université comme bon lui semble et personne ne lui dira rien, il trouvera des parents assez non éduqués pour envoyer leur enfants dans ce « truc » si le prix est bon.

Aujourd’hui personne ne peut plus dire à combien de vitesse est notre éducation car les écoles française, américaine et même martienne (puisqu’on est dans la comédie totale) existe à chaque coin de rue. Là on est encore dans le mobilier mais essayons de voir le programme. Le programme est obsolète et date d’une époque révolue. On apprend à nos enfants à devenir de la désuétude, des loques venant du passé.

Qui devient professeur dans ce pays ? On devient prof, quand on a pas pu s’inscrire a aucune étude professionnelle ou universitaire par faute d’argent et on a un ami qui nous donne un cours dans une école… voilà c’est laminaire mais c’est réel, si vous voulez verser dans le politiquement correcte et avoir les pieds sur Mars, libre a vous de le faire, moi je vous dis la vérité vrai.




Il existe une autre composante de l’éducation que le plus souvent on néglige et qui est la plus importante. Les gens apprennent beaucoup plus rapidement en observant les autres faire quelques choses. Un enfant acquiert le langage et le comportement des gens qui l’élèvent. Ainsi les classes moyennes (une fiction), la paysannerie et le prolétariat des grandes villes (surtout Port-au-Prince) n’ont de modèle éducationnel que notre classe possédante, or cette classe possédante est l’anti modèle dans les domaines d’intégrité et de sentiment d’appartenance à une nation. Notre soi disant classe dominante n’a jamais historiquement considéré Haïti comme sa patrie. Le modèle colonial français de colonie d’exploitation s’est mué en pays de transit où on y est pour s’enrichir et aller profiter son argent dans les grandes places mondiales, pas question de créer le « minimum à vivre » en Haïti. Pourquoi s’étonner alors du comportement affiché par la majorité des haïtiens qui ont soit un pays de rechange ou en cherche un de manière désespérée, ils ne font que mimer le comportement de nos élites.

Aujourd’hui, il faut arrêter de répéter des inepties de majorité silencieuse qui ne dit rien mais est révoltée dans son fort intérieur. Cette majorité est aussi inexistante que les divisions que croyait posséder le führer quelques heures avant qu’il se suicide en avril 1945. Aujourd’hui la majorité fait comme l’élite, elle cherche à se mettre à l’abris dans un pays de rechange ou essaie aussi de « brasser » la corruption pour tirer lui et sa famille de la misère et se hisser au sommet de l’échelle des corrompus. C’est la triste réalité ! Croyez encore à cette majorité qui n’est pas ce que vous pensez, comme dirait l’autre « Sa w sispèk la se pa sa ». Aujourd’hui on a une société éduquée sur des bases antimorales et à contre courant de l’éthique et nous avons exactement ce que nous avons patiemment semé en deux cents ans d’histoire.

Le racisme
Si vous voulez amis lecteur continuer à croire que le racisme (surtout bête et stupide) n’existe pas en Haïti encore une fois libre à vous de le croire comme toute pensée fictive. La classe possédante en Haïti ne se mélange pas et pour se reproduire mariera ses filles et ses fils avec des « blancs » venus de n’importe ou. Les mariages entre les dominants et les dominés (si vous croyez que ce que je dis la est trop fort libre a vous encore de croire aux compte de fée) sont extrêmement rare et ils se marient entre eux aussi de cousins à cousines comme ça se faisait au plus profonds des âges (C’est sans doute par consanguinité qu’ils sont devenus aussi abrutis au fils du temps). Nous vivons dans cette société ou le teint de ta peau te défini et va te poursuivre partout. Moi, ayant la peau métissée, je vois comment on me traite des fois avec diligences et comment on m’aide à enfreindre les règles, disons jusqu’à ce qu’on découvre mon nom de famille qui ne sonne pas comme les siens. Voilà où nous en sommes des nègres racistes; pure connerie.

Maintenant que faire ?
Si je dois mener un combat ce doit être le bon. Je pourrais m’accommoder et réussir dans cette société pourrie en tirant parti des trois forces de son déclin : La corruption, la bêtise et le racisme. Je ne sais pas pourquoi mais il y a une petite voix dans mon intrinsèque qui me dit que je peux faire mieux que ça et devenir un autre haïtien normal en plus ne me sera d’aucune utilité historique. Je ne veux certes pas devenir important mais je veux et je compte travailler à devenir utile dans un combat qui sera énorme : celui de contribuer a l’émergence d’une société où la corruption n’est plus la règle mais plutôt l’exception. Comment est ce que je vois ce combat qui sera mon combat et aussi le combat de beaucoup d’autres haïtiens et haïtiennes qui pensent qu’ils valent mieux que vivre et de mourir tout en laissant un pays de plus en plus invivable à notre descendance ?

D’abord débarrasser notre pays à tout prix de la corruption. Et la il faut vraiment commencer par changer nos pratiques et notre mode de vie en tant que peuple qui est en grande partie basée sur le favoritisme. Il faut inculquer les valeurs qui ont pour point de départ la méritocratie. Traiter les gens suivant leurs mérites et non les gens qu’ils connaissent, voilà le point de départ de la nouvelle Haïti. Il faut passer des lois dans le pays qui condamne le recrutement dans les entreprises privées et publiques, dans les institutions étatiques et les ONG de personnels sans passer par des offres d’emplois et des concours le plus transparents que possible. Il faut aller d’une main de fer pour mettre fin à notre mentalité de copinage. Encourager toutes les institutions du pays à se doter d’outils de gestion facilitant la transparence à tous les niveaux.

Mais on ne peut pas de manière concrète débarrasser le pays de sa corruption consanguine sans éliminer les parasites de la république. Les parasites de la république ce sont les centaines de fonctionnaires de l’état qui utilisent les privilèges et qui ne font rien. Il faut revoir tout le système de privilèges des fonctionnaires : voitures de services, per diem et autres frais. Nous sommes un pays avec de faibles ressources nous ne pouvons pas nous payer le luxe de les utiliser sans savoir avec précision le retour sur investissement qu’elles nous procureraient. Nous devons prendre notre courage à deux mains pour mettre un terme aux privilèges liés à la fonction publique.

Une refonte complète du système éducatif haïtien devrait permettre la création de vraies écoles et universités républicaines, pour que l’on puisse aboutir à une éducation de qualité pour une nation bien définie.

Pour aboutir ce combat, il nous faut certainement une révolution ; mais je traiterais de la programmatique révolutionnaire dans un autre texte.
Je veux conclure pour dire qu’il faut que nous regardions la réalité en face, nous ne pouvons pas résoudre un problème en ignorant ses causes profondes. Dans ce texte je viens de pointer du doigt une partie du mal de ce pays et je compte dans d’autres textes proposer des solutions pour nous en sortir via une révolution qui transformera à jamais notre république.

Jean Came Poulard
Membre du PAC

 

1 Comment

  • Willio Laguerre 30 décembre 2015

    C’est comme çà on pense pour un pays corrompu comme Haiti. My congrats brother.

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