L’esthétisation de la politique haïtienne

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par Orso Antonio DORELUS

Vendredi 18 janvier 2019 ((rezonodwes.com))– L’homme, cet « avorton chronique » utilise le langage pour se construire dans un dialogue avec autrui. Autrement dit,  le nourrisson humain se révèle incapable d’agir immédiatement dans le monde puisque certaines phases prénatales seraient reportées après sa naissance du seul fait que son cerveau continue à évoluer.

Avec une naissance prématurée, il devait combattre ce hiatus, cependant il n’est pas encore doté de toutes ses capacités. Ainsi, ses parents lui secoururent en lui initiant au dialogue. Comme le souligne Jacques Poulain, ce faisant, «il intériorise le dialogue proposé par les parents en se faisant d’abord l’auditeur d’une parole qu’il pourra ensuite émettre à son tour.[…] le processus physique en cause dans l’émergence de la pensée, de la vie psychique, de la vie intérieure en tant que telle : elle émane « d’une inhibition posée par la parole à la parole».

-Dialogue de sourd entre l’Etat et sa population

Le langage nous permet de s’expérimenter les uns aux autres pour une jouissance commune, un accord commun pour le bien-être de chacun du seul fait que  nous acceptons l’autrui dans son altérité et laisser triompher le meilleur argument passé au tamis de la vérité. Ceci dit, dans la politique haïtienne, il n’existe pas de contrat de vérité entre l’Etat haïtien et sa population.

L’absence de sincérité dans ce dialogue empêche tout progrès communicationnel. Ils ne dialoguent pas pour ne pas dire qu’ils ont un dialogue de sourd du seul fait que la vérité n’est pas le socle ou le fil conducteur de l’acte communicationnel. Ce que l’Etat dit, il ne le fait pas et ce qu’il fait, il ne le dit pas. Il est contraire au dieu de la parole dans son acte de création. Il s’investit plutôt à la dimension pragmatique de la parole en recherchant le consensus dans l’idée de convaincre pour mieux mater ou duper sa population sans se soucier de la vérité.

Pourtant, d’un point de vue métapsychologique, l’homme ne peut penser une pensée qui ne soit pas vraie. Sauf  que dans l’acte de la parole, il peut choisir de refouler la vérité pour baratiner son allocutaire pour arriver à ses fins. C’est ce que fait le Premier Ministre haïtien, Laurent Salvador Lamothe pour se justifier au dossier du Pétrocaribe, en déclarant qu’il a construit «VINGT-CINQ STADES».

Ce qui est contraire aux différentes enquêtes menées par la commission anti-corruption du Sénat haïtien. Même si, ce dernier, est composé  de chamanes qui miment la crise puisqu’ils sont aussi responsables des décisions de l’exécutif du seul fait qu’ils ont des Ministres dans le gouvernement. C’est-à-dire, dans la montée du cabinet Ministériel les parlementaires proposent et imposent leur Ministre dans une logique qu’il appelle « partage de responsabilité ». A défaut de, ils ne ratifieront pas le Premier Ministre. Chacun recherche son salut.

Revenons à la déclaration du premier Ministre. Dans son acte de parole, il essaie d’anticiper la satisfaction chez l’allocutaire qu’il  ne peut  pas ne pas désirer obtenir et que celui-ci lui doit retourner pour une jouissance commune comme l’artiste dans sa démarche pragmatique qui anticipe la satisfaction de son œuvre chez le contemplateur. Surtout, dans la sphère de la politique, le consensus est de l’ordre puisqu’il exige l’abstraction de la vérité comme c’est le cas pour les croyances et les conventions.

Le Premier Ministre porte une parole malheureuse sans se soucier de l’objectivité de celle-ci du seul fait qu’il détient l’autorité juridique sur la population, sa parole doit prendre effet. Le Ministre omet que « l’agir communicationnel doit sa puissance de justification et de légitimation à la certitude performative indéfectible qu’il semble véhiculer, à son pouvoir de produire ses effets du seul fait qu’il les mette à transparence et qu’il dise qu’il le fait. »

Cependant il ne fait que le contraire, sans expérimenter la logique de vérité de sa parole, il entend la jouir chez l’autrui. Qui pis est, la légitimité de sa ratification au parlement était faite sous la promesse de tenir la vérité. En faisant cela, il viole purement et simplement le principe du dialogue et de ses promesses puisqu’il croit que la finalité de la communication est intercompréhensible. Malheureusement, comme J. Habermas voulait le montrer, c’est l’inverse qui est vrai du seul fait que  « l’être pensant ne peut comprendre ce qu’il dit à lui-même qu’en pensant que ce qu’il dit est vrai. Il ne peut penser une proposition sans la penser vraie. Cette impossibilité de penser une proposition sans la penser vraie tient à la façon dont l’acte référentiel et la prédication se conditionnent mutuellement dans l’énonciation propositionnelle.»

-Le jugement de la vérité

Le Premier Ministre cherche l’accord de la population et souhaite que celle-ci lui réponde favorablement comme celle de la voix de la mère dans l’écoute intra-uterine. C’est-à-dire, il entend convaincre abstraction faite de la vérité comme les rites chamaniques permettaient d’oublier la maladie, la guerre ou la mort en faisant de leur mime l’occasion d’accéder à toutes les actions consommatoires habituellement refusées.  Pour ainsi dire « les rites de production communicationnelle du consensus font oublier chaque crise d’incertitude et d’accusation mutuelle en faisant de leur mime l’occasion d’accéder en commun à une jouissance commune du vrai. »

Il est vrai que dans ce cas le P. Ministre cherche une «jouissance commune du vrai », cependant cette démarche ne s’inscrit pas dans la dynamique des possédés du vrai ou du jugement de la vérité. C’est la raison pour laquelle la population n’entend pas valider sa parole ou encore ne jouit pas l’effet de cette parole puisque celle-ci n’est en aucun cas performative comme celle du dieu de la parole qui dit : « que la lumière soit! Et la lumière fut.». En d’autres termes, comme le scientifique qui délègue à la nature visible du monde externe la tache de juger la vérité de son hypothèse, la population s’investit elle-même à juger la véracité de cette parole dans une approche vérification expérimentale comme le dieu de la parole qui voyait que sa création était bonne après l’avoir créée…

Cette attitude de supercherie du P. Ministre dans l’acte dialogique n’est autre que le produit du système néolibéral qui met à l’écart toute vérité et qui évite le dialogue. L’Etat haïtien est le moteur même de la crise dans le sens qu’il la mime pour mieux tirer le profit et garder la stabilité de la « boucle infinie». Le Ministre en véritable pragmaticien n’entend pas  garder  sa capacité de parole pour jouir son bonheur et pour trouver le bonheur d’autrui à travers une démarche dialogique sans projeter son monde dans le monde de l’autre mais il se détourne de la vérité pour arriver à toute fin consommatoire. 

Ce qui favorisera bien sûr l’autisme pragmatique. En d’autres termes, quand l’homme politicien demande de dialoguer c’est pour mieux asseoir sa position puisqu’il anticipe déjà l’effet de sa parole gratifiante qu’il veut obtenir par le consensus. En plus, dans la politique pragmatique la discussion sans contraintes s’avère le meilleur moyen…le dialogue social est impossible. Quand l’Etat haïtien ne cherche pas le consensus par la parole pour donner naissance à l’autisme, il organise des festivités de l’ordre chamanique comme le Carnaval.

D’ailleurs cette festivité est l’un des meilleurs moyens pour sublimer la crise socio-économique du pays du seul fait qu’elle met en scène des procédés d’illusion pour montrer l’harmonie existant entre les riches et les pauvres et la faire oublier passagèrement…Ce que Sigmund Freud affirme également, « la douce narcose introduite en nous par l’art peut seulement nous apporter un retrait éphémère de l’urgence des besoins vitaux et elle n’est pas assez forte pour nous faire oublier notre misère réelle. »

L’être humain doit pouvoir utiliser sa capacité de langage pour se transformer dans un dialogue avec autrui, sans  projeter son monde dans l’univers de l’autre. Chacun a le droit de valider ou de ne pas valider la pensée de son énonciateur ou de son allocutaire surtout si ce dernier est incapable de démontrer ce qu’il dit objectivement. L’acte communicationnel sera toujours le lieu où l’homme s’apprend à se transformer tout en respectant l’altérité de son allocutaire.

Dans le cas de la politique, cette dernière doit-être sincérisée, comme le souligne Lesly François Manigat, sans faire abstraction de la vérité. Sinon, l’Etat sera toujours décrédibilisé tout comme la population prend son Président, Jovenel Moise, pour une véritable farce du seul fait que son acte de parole n’est pas performatif…

Orso Antonio DORELUS
Etudiant en master Esthétique contemporaine des arts et de la culture.

Fait à Paris le 18 Janvier 2018.

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