Sang contaminé du VIH/SIDA: quid de la sécurité transfusionnelle en Haïti ?

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par Dr Jean Ford G. Figaro

Boston,vendredi 31 août 2018 ((rezonodwes.com))– Une politique nationale de transfusion sanguine outillée d’un cadre législatif s’avère de grande importance pour le système de santé haïtien. D’aucuns penseraient que ce temps était périmé dans l’histoire de la maladie du VIH/SIDA dans le pays, suite aux avancées de la technologie médicale et biomédicale. Un scandale qui nous replonge dans les années noires de la première crise sanitaire en plein milieu des années 1980.




La problématique du sang contaminé a marqué le monde de la santé publique comme toute autre grande épidémie, transformant profondément les relations malade-médecin, distillant une méfiance qui depuis s’est enkystée, provoquant ainsi des inquiétudes qui peuvent affecter la sécurité sanitaire et transfusionnelle des patients. La tragédie du sang contaminé est l’un des pires désastres qu’ait connu l’humanité en matière de santé publique.

La nouvelle a été choquante. Une famille a dénoncé au commencement de cette semaine, que leur enfant malade avait besoin d’une transfusion sanguine et le sang donné par la Croix Rouge aurait été contaminée par le virus du VIH. Selon plusieurs témoins, ces complaintes sont de nature cyclique et récidivante. Immédiatement contactées, plusieurs émissions de radio très prisées dans la capitale haïtienne ont défrayé la chronique. Selon les informations dont je dispose d’une source crédible au sein de l’institution, il y a en ce moment une déficience de réactifs pour tester les échantillons. À tout cela, vient s’ajouter le problème de la disponibilité et l’accessibilité de ce liquide précieux pour le corps au niveau de l’institution. Cette accusation est gravissime et les autorités doivent intervenir le plus vite que possible pour investiguer et corriger rapidement avant qu’elle devienne une crise médico-sociale. Des tergiversations sociales, nous en avons assez…

L’organisation mondiale de la santé(OMS) recommande un dépistage systématique des infections dans tous les dons de sang avant leur utilisation. Il devrait être obligatoire pour le VIH, l’hépatite B, l’hépatite C et la syphilis. Le Dr Guyto Jean Pierre, president de la Croix rouge haïtienne, avait déjà dans un article paru dans le Nouvelliste, sous la plume de Roberson Alphonse, en 2017, fait état d’une situation lamentable dans les finances de cette boîte. “Il n’y a plus d’argent. Il n’y a plus rien que je puisse faire. J’ai fait trop de patching. À plusieurs reprises, c’est la Croix-Rouge coréenne qui nous a donné de l’argent pour acheter des intrants”.




Entre temps, le ministère de la santé publique promet de résoudre la situation, mais le problème reste entier. J’ai comme l’impression que nous avons un ministère contre le bien-être de la population haïtienne. Il est notoriété publique que l’état haïtien investit moins de 6% du budget national dans la santé. Donc, il est impossible de prévenir les maladies chroniques et les infections, comme le VIH/SIDA, sans des dépenses mirobolantes dans le secteur. La réponse aux problèmes sanitaires doit être multidisciplinaire. Il faut doter le pays d’un système de transfusion dans tous les hôpitaux de référence des dix départements, ainsi que d’un système national d’hémovigilance chargé de suivre et d’améliorer la sécurité du processus transfusionnel.

Sous le leadership de madame Florence Duperval Guillaume,Le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) avait procédé, le vendredi 11 décembre 2015, au lancement de la politique générale de sécurité transfusionnelle. Une politique qui a pour but de «garantir la disponibilité, l’accessibilité, la sécurité et l’utilisation rationnelle des Produits sanguins labiles (PSL)». Cette démarche folklorique s’est révélée, presque trois ans après, un échec visible, vue la situation actuelle de sécurisation dont le système est accusé à l’heure actuelle. Malgré l’augmentation des dons de sang ces dernières années, le pays est loin de collecter la quantité suffisante par rapport aux besoins nationaux estimés au moins à 100 000 poches de sang par an.




Aucun être humain ne peut vivre sans le sang en qualité et quantité. Je me demande perplexe, combien de vies haïtiennes sont actuellement en danger? Si l’on considère le nombre d’accidents à cause de l’insécurité routière, les besoins de sang pour les interventions chirurgicales, les hemophiliaques, etc…je pense qu’il faut agir vite et sans procrastiner. Ce drame, indexant la Croix Rouge Haïtienne, remet en question l’existence d’un système de santé publique défaillant et démodé. Personne n’est à l’abris, même les plus riches. Un besoin de sang peut se présenter à n’importe quel moment, il faudra se préparer en conséquence. La sécurité transfusionnelle est une priorité pour la santé des malades et la confiance de la population.

Dr Jean Ford G. Figaro, M.D, MsC
Spécialiste des urgences médicales de santé publique.
Boston University School medicine.

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