4 octobre 2024
Entre la diplomatie de l’humanitaire et celle du dollar, Port-au-Prince fait son choix
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Entre la diplomatie de l’humanitaire et celle du dollar, Port-au-Prince fait son choix

par Fred E. Denis

Vendredi 4 mai 2018 ((rezonodwes.com))– Les relations entre Taiwan et les états, qui jusqu’à présent le supportaient, ont connu un nouveau revers, avec l’annonce faite le lundi 30 avril sur le compte Twitter de la présidence dominicaine. Cette annonce officialise la rupture des relations entre l’Etat Dominicain et l’Etat Taiwanais et l’établissement des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine.




Flavio Darío Espinal, conseiller juridique de l’exécutif dominicain, a fait savoir que « la décision de prendre cette mesure a été soigneusement examinée et consultée avec les grands secteurs politiques et économiques du pays, en tenant compte principalement des besoins, du potentiel et des perspectives d’avenir pour le peuple dominicain ». Pragmatisme économique, choix géostratégique, vision stratégique, défense des intérêts supra nationaux dominicains, certains diraient ‘’la diplomatie du dollar’’ en action.

La République d’Haïti, de son coté, par l’intermédiaire de son ministre de la communication, annonce le maintien des relations avec Taiwan. « Chaque pays va dans un sens ou dans l’autre, mais pour le moment, c’est avec Taïwan qu’Haïti entretient des relations diplomatiques ». Le ministre rappelle que Taïwan est un partenaire qui vient en aide à Haïti dans différents secteurs. « Nous pouvons dire que c’est un bon partenaire qui soutient le gouvernement ».

Ce qui a attiré le plus mon attention est le grand décalage dans la déclaration des deux officiels, dominicains et haïtiens. L’un parle d’économie, de potentiel, de vision et de perspective sur l’avenir et l’autre nous ressasse les bienfaits de l’aide, du partenariat et de l’humanitaire. Le représentant dominicain a mis en exergue la consultation engagée avec les secteurs politiques et économiques de son pays en ayant en perspective «  les besoins, le potentiel et l’avenir du peuple dominicain ». Tandis que chez nous, notre officiel présente l’idée que la décision haïtienne est fondée sur la perspective humanitaire, la fraternité, la solidarité, l’aide, «  Taiwan est un partenaire qui vient en aide à Haïti dans différents secteurs ». Et paradoxalement, ce gouvernement veut se défaire de la dépendance humanitaire et prône «  la diplomatie des affaires »



L’évidence semble se préciser que le pragmatisme, la vision globale et géostratégique et surtout la prise en compte des perspectives d’avenir du peuple haïtien font défaut à l’actuelle administration. Entre la ‘’diplomatie de l’humanitaire’’ et la ‘’diplomatie du dollar’’, l’Etat Haïtien fait choix de la solidarité, de la commisération, de la fraternité, de l’action humanitaire ‘’questionnable  » avec sa forte charge de condescendance en lieu et place du pragmatisme économique et des intérêts stratégiques de la nation.

Au nom de ce même pragmatisme, « les états n’ont pas d’amis mais des intérêts ». Taipei et Pékin n’ont pas d’amis, mais des intérêts. Et l’administration Haïtienne, elle privilégie quoi ? Le court terme sur le long terme? L’immédiateté sur les perspectives d’avenir ? L’humanitaire sur le développement ? Les intérêts particuliers, privés, de castes ou de groupes au détriment des intérêts nationaux ?

Le concept de  » jeu politique » disparaît dès qu’il y a ENJEU. Telle est la réalité du champ des relations Internationales. Comprendre les relations internationales tant dans leur contradiction objective que dans leur évolution conjoncturelle relève de l’Intelligence politique et économique.

Le bon vieux temps des diplomates généralistes est révolu. L’architecture des rapports mondiaux commande la présence de diplomates spécialistes tant en commerce international, technologies d’investissement, conflits de juridiction et autres.

Je n’arrive pas encore à appréhender la démarche des dirigeants haitiens de prioriser des relations diplomatiques avec Taiwan sur la deuxième plus grande économie mondiale. Pékin gère à elle seule 26% du commerce mondial. La Chine en situation de surcapacité a décidé de produire elle-même des biens qu’elle importait pour donner plus de mobilité sociale à ses classes moyenne et pauvre. Plus de 65 billions de dollars chinois ont rejoint l’Afrique du Sud et le Zimbabwé.




Le Développement des infrastructures en HAITI et l’amélioration des paramètres de Compétitivité tels que l’eau, L’électricité, les télécommunications, l’éco système entrepreneuriale, passerait par un partenariat négocié avec Pékin.

Les décideurs politiques Haïtiens le comprennent ils dans un pays comme HAITI, qui sans être en état de guerre, présente une situation accomplie de croissance quasi nulle sur 36 ans (1980-2016) ? Une situation statistiquement confirmée par une ligne de tendance de pente nulle du Produit Intérieur Brut sur l’ensemble de cette période.

Il faut aussi souligner que les états forts entretiennent des relations extrêmement limitées avec Taiwan par peur de courroucer PEKIN. L’Europe avec ses 28 pays ne reconnait pas Taiwan comme état indépendant. Les Etats Unis d’Amérique ne reconnaissent formellement pas Taiwan comme état souverain, mais plutôt comme une entité géopolitique autonome, compatible à leurs propres intérêts. Ceci est évident dans la représentation diplomatique: « Taipei Economic and Cultural Representative Office » à Washington, résultant du « Taiwan relations Act, en lieu et place d’une ambassade.

Je ne comprends pas non plus cette décision de l’administration Haïtienne de continuer à privilégier l’humanitaire sur l’Économique alors que cette même administration clame haut et fort sa ferme volonté de s’affranchir du joug et de la dépendance de l’humanitaire et prône la ‘’diplomatie des affaires’’. Des décennies de coopération taïwanaise dans la vallée de l’Artibonite, ont ajouté quoi comme valeur à la culture rizicole dans cette région? Et si nous faisons un travail plus complexe d’évaluer les autres axes de cette coopération, quelles sont les valeurs apportées au développement général du pays ?

Je ne conseillerais pas à ce pouvoir politique de bluffer sur le court terme avec Taiwan au risque de rentrer dans un ‘’jeu de dupe à somme nulle’’. L’Asymétrie de pouvoir balance totalement au profit de Taipei que Port au Prince ne pourra pas jouer la carte de la « dépendance réciproque ».

Selon cette théorie, Les ONG du Sud ont besoin des ONG du Nord pour survivre et paradoxalement ceux du Nord ont aussi besoin de ceux du Sud pour fonctionner. Les bailleurs de fonds, les donateurs, les institutions financières internationales, les agences du bilatéralisme et du multilatéralisme, les ONG du Nord ne peuvent pas implémenter leurs programmes/projets sans la participation des bénéficiaires. Les unes sans les autres ne pourraient accomplir leur mission au service des peuples du Sud et de construction d’un monde solidaire ». Cette situation crée une dynamique de dépendance réciproque.

La grande précarité, la vulnérabilité, l’urgence, le déficit budgétaire, la corruption endémique, le programme budgétivore ‘’ Karavan chanjman’’ d’Haïti balancent totalement l’asymétrie de pouvoir au profit de Taiwan. Si Port au Prince pense jouer la carte dépendance réciproque ou Taiwan a maintenant le plus grand besoin d’alliés, qu’il se méprenne. Haïti ne pourra pas vraiment pressurer cet ‘’ETAT » pour des appuis budgétaires directs ou pour que les fonds de l’aide transitent directement par le gouvernement.

L’international ne veut pas et n’accordera pas la gestion des fonds de l’aide internationale directement à Haïti. Taipei le sait et ne doit pas déréguler l’ordre établi. Et dans ce jeu de pouvoir, personne n’est dupe. Les peuples du l’empire du milieu sont de fins stratèges et d’habiles négociateurs.

Entre la diplomatie de l’humanitaire et celle du dollar, Haïti, rate encore le train, Elle a choisi l’humanitaire.

Fred E. DENIS
Maître Es Sciences Administration
Développement International et Affaires Humanitaires.

 

2 Comments

  • paola pitti 4 mai 2018

     » Et l’administration Haïtienne, elle privilégie quoi ? Le court terme sur le long terme? L’immédiateté sur les perspectives d’avenir ? L’humanitaire sur le développement ? Les intérêts particuliers, privés, de castes ou de groupes au détriment des intérêts nationaux ? »
    Vous avez bien repondu a la question… par une question. Oui. Comme d’habitude, les neg sal au pouvoir cherchent les millions qui feront d’eux des etres humains. Voila la reponse. La Chine ne va pas jouer a la corruption avec des haitiens de la trempe de Jovenel. Voila pourquoi il prefererait leser la nation haitienne pour remplir ses poches et celles des affreux monstres qui l’accompagnent. De toute maniere, quoi de neuf. On n’elit pas un pauvre jeran lakou quand on a les interet d’une nation en jeu! Il faudra coute que coute que les haitiens aprennent a choisir leur chef. Il faudra qu’ils apprennent a faire la difference entre en dealeur de drogue, un voyou, un crackhead. Jovenel n’a meme pas le regard d’un restavek. Des que je vois ce type, on sent qu’il est un moins que rien. … Incroyable ce a quoi cette nation est reduite.

  • Eduardo 4 mai 2018

    Pitite o yap mangew wi Kote gran moune ou

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