27 juin 2024
Affaire Duvalier et consorts : « En Haïti, on poursuit l’enquête, pas les criminels », selon FIDH
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Affaire Duvalier et consorts : « En Haïti, on poursuit l’enquête, pas les criminels », selon FIDH

Jean-Claude Duvalier a succédé à son père François Duvalier à la tête de l’État haïtien en 1971. Il a exercé un pouvoir autoritaire jusqu’à son renversement et son exil en France en 1986. Ce règne de quinze (15) ans a été caractérisé selon la Commission interaméricaine des droits de l’Homme par des violations graves et systématiques des droits humains et en particulier par des arrestations et détentions arbitraires, par la pratique de la torture, par des exécutions sommaires, et des disparitions forcées




Lundi 26 mars 2018 ((rezonodwes.com))– La mort de Jean-Claude Duvalier en octobre 2014 a conduit à une certaine démobilisation dans cette affaire qui est pourtant toujours en cours et vise des membres du régime de Jean-Claude Duvalier nommément désignés par le ministère public et appelés « consorts ». Plus de trente (30) ans après les faits et quatre (4) années après la relance de l’instruction par la Cour d’appel de Port-au-Prince, les victimes demandent toujours la mise en cause des « consorts » encore en vie, qui doivent répondre de leurs actes devant une cour de justice.

Si l’affaire des crimes contre l’humanité commis sous le régime de Jean-Claude Duvalier ne doit pas être la seule procédure sur les crimes du passé à devoir prospérer et aboutir à des condamnations, son caractère emblématique lui confère un pouvoir de levier pour d’autres procédures sur les crimes de sang. Des violations des droits humains ont été commises durant différents régimes haïtiens qui n’ont pas vu leurs auteurs rendre des comptes devant la justice. L’aboutissement de l’affaire Jean-Claude Duvalier pourrait ainsi servir de catalyseur et permettre une prise de conscience sur le fait que les crimes de sang ne peuvent rester impunis et contribuer ainsi aux efforts de lutte contre l’impunité des violations des droits humains et des crimes internationaux en Haïti.

De la réussite de cette procédure dépend la capacité de l’État haïtien à s’inscrire dans l’État de droit et la démocratie41. Elle traduirait également l’engagement des autorités haïtiennes dans la lutte contre l’impunité et dans le renforcement de la justice dans le pays.
En outre, ce travail judiciaire doit être accompagné par un travail autour du devoir de mémoire sur les crimes de cette période sombre du pays et des espaces qui ont été convertis en cimetières clandestins doivent être protégés.




Le manque de sensibilisation aux crimes du passé, pourtant essentielle à la non-répétition de ces crimes, est inquiétante. S’il avait été décrété qu’une « journée nationale du souvenir des victimes des crimes sous les régimes Duvalier » serait commémorée tous les 26 avril à partir de 2015, aucune n’a été officiellement tenue. Seules des associations, telle que la Fondation Devoir de Mémoire-Haïti, organisent de telles activités de commémoration 42. L’engagement dans un travail autour du devoir de mémoire, incluant un travail profond d’éducation et de sensibilisation de la population haïtienne, est nécessaire.

Nos organisations appellent ainsi les autorités judiciaires haïtiennes à :
• Clôturer le supplément d’instruction dans l’affaire Duvalier et consorts, confié depuis quatre (4) années à un juge de la composition de la Cour d’appel, dont la mission était de procéder à l’audition de tous les plaignants qui n’ont pas été entendus par le juge d’instruction, à la convocation et l’interrogatoire de tous les inculpés cités et l’identification de tous les « consorts », et à l’audition de tous les témoins cités et identifiés ;




• Renvoyer les « consorts » en jugement pour crimes contre l’humanité devant une Cour d’assises haïtienne dans les plus brefs délais.
• Accorder plus de moyens au juge en charge du supplément d’instruction dans l’affaire Duvalier et consorts, afin qu’il puisse mener et finaliser son instruction en toute indépendance ;
• Garantir le travail indépendant du pouvoir judiciaire, libre de toute interférence politique ;
• Démontrer une réelle volonté de faire de la justice et de la protection des droits humains une priorité,  en engageant les réformes nécessaires de l’État de droit et en donnant les moyens suffisants aux secteurs de la justice et pénitentiaire ;
• Informer et sensibiliser la population sur les crimes du passé, notamment les jeunes générations, et investir dans un réel travail autour du devoir de mémoire ;
• Coopérer avec la MINUJUSTH et la communauté internationale pour lutter contre l’impunité et pour le respect des droits humains.

Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)

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