23 décembre 2025
Une année qui se ferme, une conscience qui s’ouvre
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Une année qui se ferme, une conscience qui s’ouvre

L’Edito du Rezo

L’année se referme comme se ferment les portes trop souvent claquées au visage d’un peuple qui n’a jamais cessé d’attendre. Elle se retire sans bruit, sans célébration véritable, laissant derrière elle le goût amer d’un temps vécu sous contrainte. En Haïti, la fin d’année n’est plus un seuil paisible ; elle est une ligne de fracture, un rappel silencieux que le calendrier avance tandis que la nation demeure entravée.

Depuis trop longtemps, les saisons passent sans répit. Les rituels officiels persistent, mécaniques, déconnectés, comme si la répétition pouvait tenir lieu de sens. Pourtant, le peuple ne se reconnaît plus dans ces gestes figés. Il vit autrement : dans la peur diffuse, dans l’immobilité imposée, dans l’impossibilité de rejoindre les siens, de quitter la capitale, de traverser le pays sans calculer le risque. L’année finit, mais la fatigue, elle, ne connaît pas de clôture.

À l’approche de l’an nouveau, les promesses ressurgissent, familières et usées. On parle d’avenir, de renouveau, de consultations à venir, mais les visages demeurent les mêmes, et les méthodes aussi. L’expérience collective a appris la prudence. Car il est des autorités qui n’exercent pas le pouvoir, mais le marchandent ; qui ne gouvernent pas, mais administrent la résignation ; qui vendent des mots là où la nation attend des actes. Vendeurs de conscience, ils se présentent en sauveurs, tout en organisant l’oubli, la dépendance et l’effacement moral.

Le 1er janvier, date fondatrice, reviendra comme une épreuve de vérité. Parler d’indépendance exige plus que des discours : cela suppose une fidélité à la dignité, un refus de la soumission, une cohérence entre la mémoire invoquée et les pratiques observées. À défaut, la célébration devient parodie, et l’histoire, trahie, se retourne contre ceux qui la manipulent.

Pourtant, tout n’est pas silence ni renoncement. Il existe encore des voix attentives, des consciences éveillées, des espaces où la parole reste libre. Rezo Nòdwès s’inscrit dans cette veille obstinée. À celles et ceux qui l’ont accompagné tout au long de l’année — journalistes, lecteurs, partenaires, citoyens d’ici et d’ailleurs — va une reconnaissance sincère. Ensemble, malgré les vents contraires, une ligne a été tenue : défendre Haïti sans complaisance, sans soumission, sans transaction morale.

À l’orée de 2026, les souhaits ne se veulent ni naïfs ni aveugles. Ils aspirent à la paix, à la protection, à la réconciliation du pays avec lui-même. Ils appellent à l’unité, à ces rares moments où la nation se retrouve, où un match, un chant, une ferveur collective rappellent que l’identité haïtienne survit aux crises qui l’assaillent. Ils confient l’avenir au regard du Très-Haut, non pour fuir la responsabilité humaine, mais pour rappeler que l’espérance demeure un acte de foi et de lucidité.

Que l’année nouvelle soit celle d’une conscience plus vigilante. Qu’elle apprenne à se méfier des pouvoirs qui séduisent sans servir, qui promettent sans réparer. Et que, dans l’épreuve prolongée, Haïti continue d’avancer, portée par celles et ceux qui refusent de vendre leur conscience, parce qu’ils savent qu’elle est le dernier rempart de la dignité nationale.

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