Industrie musicale haïtienne : Guy Wewe, Dadou Di Yo Sa, Président Gogo, Carel Pedre — la République confisquée des micros
par Reynoldson MOMPOINT
Port-au-Prince, le 16 décembre 2025
Ce qui se déroule sous nos yeux n’est plus un débat culturel. C’est une prise d’otage. L’industrie musicale haïtienne est aujourd’hui enfermée dans une querelle d’animateurs qui ont cessé d’être des passeurs de culture pour devenir des chefs de factions. Guy Wewe, Dadou Di Yo Sa, Président Gogo, Carel Pedre : quatre micros, quatre egos, un même désastre.
Ici, la musique ne parle plus. Ce sont les animateurs qui crient à sa place.
Guy Wewe : le veto déguisé en expertise
Guy Wewe ne programme pas : il autorise. Il ne critique pas : il disqualifie. Derrière le vernis de l’expérience, il exerce un droit de veto non écrit sur ce qui mérite d’exister dans l’espace musical haïtien. Être en froid avec Guy Wewe, c’est risquer l’invisibilité. Être en grâce, c’est bénéficier d’une indulgence éditoriale que le talent seul ne garantit pas.
Il incarne cette vieille école où l’animateur s’est substitué au producteur, au distributeur et parfois même au public. Une monarchie radiophonique sans Constitution.
Dadou Di Yo Sa : le clash comme ligne éditoriale
Avec Dadou Di Yo Sa, on quitte l’analyse pour entrer dans le spectacle permanent. Ici, la musique sert de prétexte au buzz, l’artiste de carburant à la polémique. L’invective devient méthode, l’humiliation contenu, la viralité boussole.
Ce n’est plus de la critique musicale, c’est de la télé-réalité radiophonique. Plus c’est bruyant, plus c’est rentable. Peu importe les dégâts collatéraux sur des carrières fragiles, sur des jeunes artistes sans protection, sur une industrie déjà à genoux.
Président Gogo : la confusion entre insolence et liberté
Président Gogo joue au tribun du peuple, mais agit en pyromane médiatique. Sous couvert de liberté d’expression, il normalise l’irrespect, la dégradation verbale et la mise à mort symbolique. Tout devient matière à moquerie, tout est réduit à une punchline.
La musique n’est plus un art à défendre, mais un terrain de jeu pour l’outrance. Et pendant qu’il amuse la galerie, il contribue à abaisser le niveau du débat culturel à une foire aux vanités.
Carel Pedre : l’élégance du silence sélectif
Carel Pedre, plus sophistiqué dans la forme, n’est pas innocent dans le fond. Son pouvoir réside dans le silence, l’ignorance stratégique, l’exclusion polie. Il choisit, filtre, oriente — sans jamais rendre de comptes. Une censure douce, mais efficace.
Dans cette guerre de micros, son apparente neutralité devient une posture confortable : ne pas salir les mains, mais profiter d’un système où l’animateur reste roi.
Une industrie transformée en féodalité
Le point commun entre Guy Wewe, Dadou Di Yo Sa, Président Gogo et Carel Pedre, c’est cette certitude dangereuse : ils se croient plus importants que la musique. Ils parlent plus qu’ils n’écoutent. Ils existent plus que les œuvres qu’ils diffusent.
L’artiste, lui, doit composer avec leurs humeurs, leurs alliances, leurs conflits personnels. Un mauvais mot, une absence de révérence, une critique mal placée, et la sanction tombe : blacklist, moquerie, invisibilisation.
Nous ne sommes plus dans une industrie. Nous sommes dans une féodalité médiatique.
Le vrai scandale : l’absence de honte
Le plus choquant n’est pas qu’ils se disputent, mais qu’ils le fassent sans aucune honte, exposant leurs différends personnels comme si cela relevait de l’intérêt public. Pendant ce temps, personne ne parle de droits d’auteur, de structuration du marché, d’exportation des talents, de protection sociale des artistes.
On règle des comptes, on mesure les audiences, on nourrit les ego. La musique attend.
Rendre le micro à sa fonction
Il faut le dire sans détour : tant que ces animateurs refuseront de redescendre de leur piédestal, l’industrie musicale haïtienne restera malade. Le micro n’est pas un trône. Ce n’est ni une arme, ni un tribunal, ni un permis de vie ou de mort artistique.
À force de vouloir être les vedettes, ils auront réussi une chose : faire taire la musique au profit de leur propre vacarme.
Reynoldson Mompoint
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