En relations internationales, il n’existe ni ennemis éternels ni amis permanents ; il n’y a que des intérêts d’État. La notion d’ennemi est donc relative, déterminée par le contexte et par les intérêts en jeu. Cependant, le cas haïtien soulève une question fondamentale : quel intérêt réel Haïti tire-t-elle de ses relations avec les États-Unis, le Canada et la France ? Que ces pays ont-ils concrètement fait pour Haïti depuis son indépendance ?
La France, ancienne puissance coloniale, a asphyxié Haïti en lui imposant une prétendue dette de l’indépendance — dette illégitime et historiquement injustifiable — qui a durablement saigné l’économie nationale. Les États-Unis, quant à eux, ont isolé Haïti sur le plan diplomatique après 1804 et imposé un embargo visant à punir une nation noire libre ayant osé briser l’ordre esclavagiste. Le Canada, souvent présenté comme un partenaire bienveillant, a longtemps reproduit des logiques similaires d’exclusion et de méfiance raciale à l’égard d’Haïti.
Dès lors, au nom de quels intérêts diplomatiques, commerciaux ou politiques Haïti continue-t-elle de s’accrocher à ces pays en les présentant comme ses principaux alliés ? L’histoire démontre qu’après son indépendance, Haïti n’a jamais été autorisée à respirer librement : elle a été constamment étranglée, dominée et maintenue dans une dépendance structurelle par ces trois puissances.
Cette hostilité persistante s’explique en grande partie par le fait qu’Haïti a bouleversé les fondements mêmes des anciennes civilisations coloniales, bâties sur l’exploitation, la déshumanisation et l’asservissement de l’homme par l’homme. Si l’on parle de civilisation occidentale moderne, Haïti en constitue paradoxalement le noyau moral, en étant le premier peuple noir à proclamer, dans les faits comme dans le droit, l’égalité universelle des êtres humains. Pour Haïti, l’homme est placé au centre de toute chose, sans distinction de race ni d’origine.
Certes, la haine ne saurait être éternelle. Mais l’oubli est impossible tant qu’aucun changement réel de comportement n’est observé de la part des anciennes puissances coloniales et impériales. La réconciliation ne peut exister sans vérité, sans reconnaissance des torts et sans justice historique.
Alceus Dilson
Communicologue, juriste
Alceusdominique@gmail.com

