Par Ralf Dieudonné JN MARY
Après 52 ans d’attente, Haïti retrouve la Coupe du Monde.
Ce n’est pas seulement un match décisif, ni un tournoi : c’est le retour d’un peuple debout, fier, déterminé à croire à nouveau.
Et ce retour commence dans une ruelle d’Haïti, avec un enfant, un ballon de chaussettes, et le rêve de tout un peuple.
Ce matin-là, quelque chose a changé. Dans une ruelle d’Haïti, un enfant apparaît, un ballon de chaussettes nouées entre les mains. Il le pose au sol, comme on dépose un trésor.
Puis il commence à jouer.
Dans ses yeux brillait désormais ce que tout un peuple a vu la veille :
Haïti, qualifiée pour la Coupe du monde.
Haïti, debout.
Ce ballon de chaussettes est plus qu’un jeu : il est le symbole d’une histoire longue de décennies, d’espoirs accumulés et de rêves qui ne meurent jamais.
Il y a des dates qui ne sont pas de simples chiffres.
Il y a des années qui ne sont pas seulement des rendez-vous du calendrier.
1974 fut une apparition.
2026 sera une résurrection.
Et au cœur de cette résurrection, il y a ceux qui porteront le maillot, qui marcheront sur le terrain comme tout un peuple marche derrière eux.
Haïti retourne à la Coupe du Monde.
Pas comme un invité timide.
Pas comme un figurant.
Mais comme un peuple qui revient à la grande lumière avec son histoire, ses cicatrices, son courage, et surtout sa foi.
Aux joueurs de la sélection nationale, cette première parole est pour vous.
Vous ne portez pas seulement un maillot.
Vous portez des montagnes, des quartiers, des campagnes, des exils, des prières murmurées dans la nuit.
Vous portez l’espérance d’un peuple qui a trop souvent appris à tomber, mais qui n’a jamais appris à renoncer.
On dit souvent que le football appartient aux grandes puissances.
On dit qu’il faut des milliards pour exister.
On dit qu’il faut des traditions d’acier et des vitrines de trophées.
Mais on oublie une chose essentielle :
le football appartient d’abord à ceux qui y croient.
Haïti ne demande pas la permission pour croire. Haïti croit, et c’est déjà une victoire.
Notre jeu n’a rien du hasard.
C’est un mélange forgé, assumé, revendiqué.
Le mariage instinctif entre la fantaisie qui ose et de la rigueur qui guide.
L’alliance rare entre l’imprévisible et la discipline, entre l’étincelle et l’architecture,
entre le feu et la maîtrise.
Un football où l’audace s’organise,
où la créativité obéit à un plan,
où chaque geste libre repose sur une structure solide.
C’est ce jeu-là, le nôtre, que nous nous apprêtons à dévoiler au monde en 2026.
Un style qui ne copie personne, mais qui porte en lui la folie tropicale, la précision européenne, et la fierté haïtienne.
Vous êtes cette synthèse vivante.
Vous êtes cette alliance rare.
Vous êtes la preuve que l’équilibre peut naître même du chaos.
Et maintenant, ce message s’adresse à chaque Haïtienne et à chaque Haïtien,
dans les rues de Port-au-Prince,
sur les chemins de province,
dans les usines, les salles de classe, les marchés,
dans les avions, les bateaux, les diasporas dispersées aux quatre coins du monde.
On ne vous demande pas l’impossible.
On ne vous demande pas l’argent que vous n’avez pas.
On ne vous demande pas des discours.
On vous demande une seule chose :
croire.
Croire que 2026 n’est pas une illusion.
Croire que 2026 est pour Haïti.
Croire que ce peuple que l’on dit brisé peut encore surprendre le monde.
Croire que notre drapeau n’est pas un souvenir, mais une promesse.
Ceux qu’on a longtemps dressés les uns contre les autres,
les va-nu-pieds et les gens à chaussures,
les oubliés et les visibles,
les silencieux et les puissants,
ce sont eux qui aujourd’hui peuvent faire le choix de se tenir ensemble.
Pas pour un clan.
Pas pour un camp.
Pas contre quelqu’un.
Mais pour Haïti.
Ce texte est aussi un appel aux dirigeants,
non pour accuser, mais pour rappeler :
un peuple qui croit mérite qu’on le serve avec responsabilité.
Il est aussi un appel à ceux qui, parfois, sèment le désordre,
non pour condamner,
mais pour dire :
aucune nation ne se construit contre elle-même.
Il est enfin un message pour tous ceux qui, en silence, attendent notre chute.
À ceux qui nous pensent condamnés d’avance.
À ceux qui confondent nos difficultés avec notre valeur.
Ils seront déçus.
Non par arrogance.
Mais par détermination.
Car un peuple qui décide de croire devient toujours imprévisible pour ceux qui le sous-estiment.
Haïti n’a jamais gagné en écrasant.
Haïti a toujours gagné en se relevant.
2026 ne sera pas un miracle tombé du ciel.
Ce sera le fruit d’une foi tenue debout,
d’un peuple qui recommence à se regarder sans se haïr,
d’une jeunesse qui décide de transformer l’énergie de la rue en force de construction.
Joueurs, vous êtes les éclaireurs.
Peuple haïtien, vous êtes la force tranquille derrière eux.
Le monde nous regarde déjà, parfois sans le savoir.
Que chacun fasse sa part, concrètement :
- encourager plutôt que décourager,
- protéger plutôt que détruire,
- unir plutôt que diviser,
- choisir la vie plutôt que le chaos.
Car les nations ne meurent pas de défaites sportives,
elles meurent quand elles cessent de croire ensemble.
Et alors, peut-être,
dans un stade du monde,
sous les projecteurs de 2026,
on comprendra que ce jour-là,
ce n’est pas seulement une équipe qui a joué, c’est tout un peuple qui s’est remis à croire.
Il faut aussi que cela soit dit, avec calme, avec vérité, avec responsabilité.
Durant tout ce parcours, notre sélection n’a pas joué un seul match chez elle.
Pas une seule fois devant son peuple.
Pas une seule fois dans ses rues, ses gradins, ses chants.
Elle a joué loin de sa terre, loin de sa foule, loin de ce douzième joueur qu’est le peuple.
Non par choix.
Mais parce que l’insécurité a confisqué nos stades, nos soirées, nos rassemblements.
Et pourtant, pendant que les joueurs se battaient loin de chez eux pour porter haut le drapeau, beaucoup regardaient les matchs en secret, dans le confort, dans la distance, dans le silence.
Ils ont vu chaque but.
Ils ont vu chaque combat.
Ils ont vu aussi le match de la qualification.
Ils ont vibré comme tout le monde.
Mais jusqu’ici, trop peu ont encore transformé cette émotion en responsabilité.
Trop peu ont décidé de faire de la sécurité une urgence nationale réelle.
Ce n’est pas un reproche.
C’est un miroir.
Un rappel doux mais ferme qu’un pays ne peut pas applaudir ses héros à distance
tout en laissant sa maison dans l’obscurité.
Haïti a gagné sans jouer chez elle.
Imagine ce que nous deviendrons le jour où Haïti pourra enfin rejouer chez elle, en sécurité, ensemble, debout.
Car quand Haïti croit, Haïti devient possible.
Mais quand Haïti croit ensemble, Haïti devient inarrêtable.
Ralf Dieudonné JN MARY dit Lysius Félicité Salomon Jeune.

