Port-au-Prince, 2 décembre 2025 — Le monde sportif et académique haïtien salue la mémoire de Marc-Antoine Moïse, agronome de profession et ancien défenseur central, figure singulière du football gonaisien et port-au-princien. Son décès ravive un pan de l’histoire du jeu national, fait de talents réservés, d’engagement silencieux et de passions entretenues loin du tumulte médiatique.
Un homme discret, animé par le football plus que par la mise en scène sociale
Marc-Antoine Moïse affichait un tempérament introverti, presque ascétique. Ceux qui l’ont côtoyé évoquent un homme peu entouré, sinon par quelques compagnons de confiance : Frantz Jean-Charles, Vertus Grand Pierre, l’entraîneur Pierre Monpoint, et certains collègues agronomes de promotion voisine, dont Frantz Calixte.
Cette réserve n’atténuait pourtant pas son lien profond avec le football. Patrice Dumont rappelle qu’il parcourait la route Gonaïves–Port-au-Prince uniquement pour regarder les grandes compétitions, notamment la Coupe Intercontinentale diffusée au Japon. Ces déplacements, rares et ciblés, traduisaient une passion rigoureuse, jamais démonstrative, mais indiscutable.
Un défenseur complet, révélé au Racing et marqué par l’école gonaivienne
Sa trajectoire sportive l’a conduit du Racing des Gonaïves au Racing Club Haïtien, en passant par la Ligue gonaisienne. Lorsque Wilner Nazaire quitta Haïti pour Valenciennes en 1972, c’est Moïse qui prit sa place au centre de la défense du Racing. Le public découvrit alors un joueur d’1,85 m, technique, solide, doté d’un sens aigu du marquage.
Il disputa notamment la finale de la Coupe Pradel du 14 avril 1974, remportée 1–0 par le Racing grâce à Fito Léandre, exploitant un service en retrait d’Eddy Antoine.
Étudiant à la Faculté d’Agronomie (UEH), Moïse formait un trio redouté avec Frantz Calixte et Hébert Docteur. Leur équipe atteignit les finales universitaires de 1972 et 1974, mais échoua face aux formations de Sciences et de Médecine, avant de conquérir le titre en 1974 contre la Faculté de Droit (2–0). Leur entraîneur, Marion Léandre, évoluait lui-même au Racing aux côtés de Moïse.
Une carrière internationale contrariée par les études
La légende populaire a souvent affirmé que Moïse avait été écarté de la sélection pour la Coupe du monde 1974 en raison de Philippe Vorbe. L’intéressé, rapporte Dumont, démentait cette version. Il expliquait que son absence tenait uniquement à la poursuite de ses études d’agronomie et à l’impossibilité de suivre les entraînements de manière régulière.
Cette rigueur personnelle l’a éloigné de l’équipe nationale mais a façonné un profil rare : un joueur doté d’un potentiel international certain, mais qui choisit la voie universitaire avant tout.
Un formateur passionné et un pilier silencieux des Gonaïves
Revenu dans sa ville d’origine, Marc-Antoine Moïse exerça son métier d’agronome tout en poursuivant une activité intense d’entraîneur auprès des jeunes. Chaque après-midi, vers seize heures, on pouvait le voir sur un terrain gonaisien encadrant les apprentis footballeurs, transmettant des principes de jeu qu’il incarnait : sobriété, rigueur, intelligence tactique.
Il évoquait volontiers, après l’entraînement, les milieux de terrain qui marquèrent son époque : Octalus Alexandre, Francen « Kanneya » Alexandre, Serge « Ti Sègo » Auguste et Miguel Saint-Jean, qu’il considérait parmi les meilleurs que le football national ait produits.
Un héritage de finesse et de force tranquille
Selon ses proches, Moïse possédait la fermeté d’un défenseur de haut niveau, sans jamais tomber dans la brutalité. Son caractère réservé donnait parfois l’image d’un homme impénétrable, alors qu’il avait la douceur d’un « mouton », dit Dumont, derrière l’apparence austère du « towo begle ».
Sa santé déclinante, observée tardivement lors de visites forcées de ses amis, témoignait d’un homme retiré, plus en dialogue avec lui-même qu’avec la rumeur du monde. Patrice Dumont parle d’un « stoïcien », peu enclin à se plaindre ou à se mettre en avant.
Une figure du football haïtien qui s’inscrit dans la génération 1974
Même absent de la Coupe du monde de Munich, Marc-Antoine Moïse appartient pleinement à cette génération qui a structuré le football national, notamment le jeu gonaisien, dont il fut l’un des doctrinaires aux côtés de Pierre Monpoint et Vertus Grand Pierre.
Son nom échappe trop souvent aux longues évocations historiques du football haïtien ; pourtant, sa contribution technique, pédagogique et humaine demeure incontestable.
Un dernier adieu
Le départ de Marc-Antoine Moïse laisse un vide palpable dans la mémoire sportive des Gonaïves et dans celle de l’univers du Racing. La photographie conservée — où il apparaît debout, à gauche, près de Marion Léandre — rappelle la trace durable d’un joueur qui redéfinissait le poste de défenseur central par la justesse de son placement et la qualité de son anticipation.
Adieu, Marc-Antoine Moïse.

