1 décembre 2025
Andrikson Descollines : l’homme qui bâtit des esprits et transforma une génération
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Andrikson Descollines : l’homme qui bâtit des esprits et transforma une génération

Par Ralf Dieudonné JN MARY 

Il existe des personnes qui marquent une institution par leurs paroles, d’autres par leurs actions, et une poignée, rarement plus, qui la marquent par ce qu’elles sont. Au Séminaire de Théologie Évangélique de Port-au-Prince (STEP), Andrikson Descollines fait indéniablement partie de cette dernière catégorie. Aujourd’hui, alors qu’il s’apprête à quitter le pays pour rejoindre sa famille à l’étranger, c’est toute une communauté qui se retourne pour mesurer l’empreinte qu’il laisse derrière lui.

Un professeur qui raconte l’histoire comme on raconte la vie.

Je me souviens de mon premier cours avec lui, Livres Historiques 1. Je m’attendais à des dates, des noms, peut-être une chronologie. Mais non. Il n’était pas là pour réciter des théories. Non. Le professeur Andrikson Descolines n’enseigne pas un sujet, il le raconte. Avec lui, les récits anciens devenaient des terrains vivants, traversés de stratégies politiques, d’erreurs humaines, de leadership inspirant ou défaillant. Sans formation en sciences politiques, il dévoilait pourtant les mécanismes du pouvoir avec une précision étonnante, comme si chaque roi, chaque peuple, chaque crise contenait une leçon moderne sur la gestion, les relations humaines et la prise de décision.

Dans sa classe, j’avais toujours l’impression d’entrer dans l’histoire, de marcher aux côtés des rois d’Israël, de sentir les vents du désert, les chuchotements du palais, les tremblements de terres. Cet homme, qui n’a pas étudié les sciences politiques, avait pourtant le don de rendre la politique biblique aussi palpable que l’air qu’on respire.

Assis là, j’ai compris que je n’étais pas devant un simple professeur. J’étais devant un lecteur de société, un analyste silencieux, un homme capable d’extraire des leçons utiles, applicables, concrètes pour ceux qui veulent comprendre le monde et y agir.

Un parcours construit sur l’effort, la discipline et la vision

Avant d’être doyen, professeur, conseiller et mentor, Andrikson Descolines est d’abord un travailleur acharné. Il n’est pas arrivé là par hasard. Il a d’abord suivi des études en mathématiques, à l’École Normale Supérieure de l’Université d’État d’Haïti. 1999. Puis, poussé par un appel plus intense, il a plongé dans la théologie : licence en 2009 au Séminaire de Théologie Évangélique de Port-au-Prince, puis maîtrise en 2015 à l’étrange mais exigeante Dallas Theological Seminary aux États-Unis d’Amérique, avec une spécialisation en counseling. il revient au pays en 2015 avec un bagage impressionnant et un objectif simple : servir, transmettre, construire.

Un an plus tard seulement, il devient Doyen académique du STEP. Ceux qui ont travaillé à ses côtés décrivent un homme rigoureux, organisé, déterminé. Pas un dirigeant bruyant, mais un dirigeant efficace. 

Suis-je en train d’élever le professeur Andrikson Descolines ? Non. D’ailleurs, le professeur Descolines et moi ne nous entendons pas toujours, même si nous partageons notre doctrine préférée, la doctrine de la grâce. 

Je suis simplement de ceux qui croient qu’élever une institution, c’est reconnaître la valeur des hommes et des femmes qui la font vivre.

L’enseignant qui crée des ponts et non des distances.

Lorsque la nouvelle de son départ a circulé, une phrase est revenue dans presque tous les témoignages : « Il m’a fait grandir. » Car au-delà du savoir académique, ce que ce professeur transmet, c’est une façon d’être dans le monde. Il invite à réfléchir. À analyser. À comprendre avant d’agir. À considérer les autres comme des partenaires de réflexion et non comme des adversaires.

Il est de ces enseignants qui ne façonnent pas seulement des étudiants, mais des adultes responsables. De ceux qui ne forment pas uniquement des techniciens, mais des citoyens capables de contribuer à la société.

Un départ qui n’efface rien.

Oui, le professeur Andrikson Descolines quitte Haïti pour retrouver son épouse et ses deux fils. Mais ce n’est pas une fuite ni un adieu amer. C’est un choix de responsabilité, familiale, personnelle, humaine. Un choix que beaucoup comprennent, car il reflète la maturité d’un homme qui sait où se trouvent ses priorités essentielles.

Mais ce départ n’est pas une rupture. Il continuera d’enseigner à distance avec la même passion. Il continuera de préparer des étudiants, de former des leaders, de développer des compétences, même à travers un écran.

Il ne tourne pas une page. Il change simplement d’adresse.

Un moteur de développement humain.

Dans un pays où les repères se font parfois rares, des figures comme Andrickson Descollines rappellent quelque chose d’essentiel : le développement ne commence pas avec des routes, des devises ou des réformes. Il commence avec des personnes qui élèvent d’autres personnes.

Pendant presque une décennie, il a contribué à structurer l’un des espaces de formation les plus influents du pays. Il a formé des penseurs, des éducateurs, des analystes, des leaders communautaires. Il a influencé des approches de résolution de conflits, de gestion, d’accompagnement humain.

Son impact ne se mesure pas en bâtiments ni en chiffres, mais en vies. Des vies transformées, réorientées, réveillées.

Ce que nous retiendrons de lui.

Nous retiendrons sa voix calme qui dénouait les situations complexes. Nous retiendrons son intelligence analytique, précise comme un scalpel, sa capacité à le reconnaître quand il a tort, son courage d’avancer même quand il savait que ses propositions rencontreraient de la résistance, sa fidélité à sa mission. Construire, toujours construire.

Aujourd’hui ou Demain, lorsque la surprise lui sera dévoilée au STEP, il ne verra pas seulement des sourires et des applaudissements. Il verra ce qu’il a construit. Il verra les fruits. Il verra que rien n’a été vain.

Et nous, en le regardant partir, nous comprendrons une vérité simple : le véritable développement d’un pays commence dans une salle de classe, et il porte parfois un nom discret, comme celui d’Andrikson Descollines.

Ralf Dieudonné JN MARY 

Auteur, conférencier, mentor et enseignant haïtien.

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