27 novembre 2025
Le Pont Fragile : Naviguer la souveraineté dans un monde déchiré
Actualités Politique

Le Pont Fragile : Naviguer la souveraineté dans un monde déchiré

Par Patrick Prézeau Stephenson*

OTTAWA – Dans une perspective de patriote nourri par l’esprit du Manifeste L’Appel du Lambi, il faut tenir ensemble deux vérités qui semblent se contredire, mais qui, en réalité, se complètent.

D’un côté, les inquiétudes sur la souveraineté et les critiques de l’ingérence étrangère sont pleinement légitimes — et même nécessaires. Haïti porte en elle une mémoire fondatrice : celle d’un peuple qui, en 1804, a imposé au monde une vérité radicale, à savoir qu’aucune domination n’est éternelle, et qu’aucun « ordre international » ne peut être moral s’il se construit sur l’asservissement d’un peuple. Que cette nation-là soit aujourd’hui traitée comme un simple « dossier » à gérer dans les chancelleries occidentales est une blessure historique et philosophique.

Mais l’exigence de souveraineté ne peut pas servir de paravent à toutes les manœuvres politiques internes.

Car il faut aussi reconnaître ceci : tandis que les préoccupations de souveraineté et les critiques de l’ingérence étrangère sont légitimes, lancer une nouvelle aventure politique avec des figures hautement controversées, à seulement trois mois d’une échéance nationale décisive, risque d’approfondir la fragmentation et de compromettre les fragiles perspectives d’une transition minimale mais stable.

En d’autres termes, résister à l’ingérence ne signifie pas se jeter dans les bras de n’importe quel projet porté par des acteurs discrédités ou profondément divisifs. La souveraineté n’est pas seulement un rapport de force avec l’extérieur ; c’est aussi une responsabilité intérieure envers le peuple, envers la continuité minimale de l’État, envers la possibilité d’un avenir qui ne soit pas perpétuellement saccagé au nom de l’urgence.

Sur le plan philosophique, la question est la suivante :
Que vaut une souveraineté proclamée, si elle se traduit concrètement par l’incapacité à assurer ne serait-ce qu’un minimum de stabilité pour les plus vulnérables ?
Quelle est la valeur d’un rejet de l’ingérence, si ce rejet sert de couverture à des calculs de pouvoir qui ignorent, encore une fois, le peuple réel — celui qui subit l’insécurité, la faim, l’exil forcé ?

L’histoire nous enseigne que les nations ne sont pas détruites seulement par les forces extérieures, mais aussi par l’accumulation de choix internes qui sacrifient le bien commun à court terme pour le bénéfice de quelques-uns. Haïti connaît trop bien cette dialectique empoisonnée : des puissances qui abusent de leur influence, des élites locales qui instrumentalisent la colère légitime contre l’ingérence pour avancer leurs propres ambitions, sans projet cohérent pour la cité.

Dans cette optique, Le Manifeste l’appel du lambi ne peut être ni l’appel à une soumission sophistiquée à l’ordre international, ni l’appel à une aventure politique hasardeuse, improvisée autour de personnages contestés, à la veille d’un moment critique pour la nation. Il doit être l’appel à une troisième voie :

  • une souveraineté assumée, qui refuse l’humiliation diplomatique et la normalisation de l’ingérence ;
  • mais aussi une responsabilité éthique, qui refuse de jouer avec le destin collectif comme avec un pari tactique.

Une transition, même « minimale », n’est pas un simple arrangement institutionnel. C’est une passerelle fragile entre un présent abîmé et la possibilité d’un futur un peu moins violent. Multiplier les fractures, la confier à des figures déjà largement discréditées, à quelques mois d’une étape cruciale, c’est prendre le risque de briser cette passerelle avant même d’avoir tenté de la traverser.

La leçon, pour qui se réclame du patriotisme haïtien et de la conscience citoyenne, est claire :
On peut — et on doit — dénoncer l’ingérence, mais sans renoncer à la lucidité sur les dangers des aventures politiques internes qui, sous couvert de rupture, ne produisent que plus de chaos.

La véritable souveraineté ne se mesure pas seulement à la capacité de dire non aux autres États, mais à la capacité de dire non à nos propres tentations d’imprudence, de fragmentation et de répétition des mêmes erreurs.

*Patrick Prézeau Stephenson is a Haitian scientist, policy analyst, financial advisor and author specializing in Caribbean security and development.

Contact Médias Patrick Prézeau Stephenson: Éditeur manifeste1804@gmail.com

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Kilès nouye :  Manifeste L’Appel du Lambi – Unité et Action pour Haïti

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