25 novembre 2025
Le créole, nouvelle langue officieuse de Montréal?
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Le créole, nouvelle langue officieuse de Montréal?

Montréal ne « parle » plus seulement français : elle swinge en créole. Dans un bus sur Pie-IX, au comptoir d’un Saint-Henri third-wave café, même au centre-ville corporatif, des éclats de « sak pase », « anlè », « kòb » ou « se pa twòp » surgissent comme des feux d’artifice linguistiques. Pas pour faire exotique, pour faire authentiquement montréalais.

L’influence haïtienne ne se limite plus aux quartiers emblématiques de Saint-Michel ou Montréal-Nord. Elle infuse les terrains de soccer, les open mics du Plateau, les party universitaires où un « m’ renmen vibe la » ou « fanm sa bou… » déclenche des rires complices. Le créole haïtien n’entre pas discrètement dans le vocabulaire local : il danse, il improvise, il ajoute du piquant. « Bagay la cho », disent désormais même ceux qui n’ont jamais mis les pieds à Port-au-Prince.

Le phénomène est culturel avant d’être linguistique. Des rappeurs, des humoristes, des animateurs radio utilisent le créole pour dire Montréal autrement : plus spontanée, plus rythmée, plus vraie. Certains mots deviennent des symboles. « Chalè » décrit autant une canicule qu’un match du CF Montréal. « Grimas » résume toute une attitude. « Ti chèf » s’applique au collègue qui se prend trop au sérieux.

Même les marques ont compris la puissance affective de cette langue. Des affiches publicitaires glissent un « respè » ou un « ann ale » pour capter l’énergie de la rue. Les écoles entendent des adolescents passer du français au créole comme on change de beat, naturellement. Ce mélange n’inquiète personne : il reflète la ville, ses flux, ses rythmes migratoires, son audace.

Parce que Montréal n’absorbe pas le créole, elle le célèbre. Elle le laisse redessiner ses intonations, ses imaginaires, ses blagues internes. Le créole n’est pas un slogan de diversité : c’est une preuve que la ville respire par plusieurs poumons. Une langue née de résistance, d’inventivité, de survie, qui devient ici outil de fierté collective.

Alors quand un chauffeur de taxi lance « nou la toujou », et les mecs « shèlbè » parlent de « tyass » ce n’est pas seulement une phrase. C’est une déclaration culturelle : Montréal est debout, mélangée, têtue, chaleureuse. Une métropole qui ne craint pas de se réinventer syllabe par syllabe.

Et franchement, on ne pourrait pas mieux la décrire : Montréal, se se yon « bagay byen dous ».

Erwing Jean Lestain

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