Il faut avoir une audace hors du commun (ou une absence totale de vergogne) pour se présenter comme dirigeant d’un pays ravagé, exsangue, vulnérable… et pourtant trouver l’énergie nécessaire pour piller ce qu’il en reste.
En Haïti, la fonction publique, telle que pratiquée aujourd’hui par nombre de ceux qui se prétendent “responsables”, ressemble moins à un service à la nation qu’à une franchise de braquage permanent. À chaque niveau, à chaque échelle, on retrouve les mêmes méthodes de voleurs de grand chemin qui se disputent des miettes comme si elles étaient des trésors, pendant que la population agonise, abandonnée sur le bas-côté.
Car il faut le dire clairement : l’État haïtien n’est pas gouverné, il est dévalisé. Les maigres ressources publiques (déjà amputées par la pauvreté, la violence et l’instabilité) disparaissent dans les poches de ceux qui, ironiquement, ont juré de les protéger. Pendant que les hôpitaux manquent de compresses, les écoles de pupitres et les rues de sécurité, certains dirigeants eux, ne manquent jamais de contrats douteux, de privilèges indécents et de nouvelles manières d’extraire de l’argent d’un pays qui n’en a plus.
Quel cynisme faut-il pour regarder un peuple mourir à petit feu (littéralement de faim, d’insécurité et d’abandon) tout en se tournant les pouces dans des bureaux climatisés ? À force d’indifférence, ces dirigeants ont transformé la corruption en normalité, l’incompétence en système et la prédation en mode de vie. Dans n’importe quel pays un minimum civilisé, ce serait un scandale. En Haïti, on le nomme simplement : le train-train administratif.
Et pendant ce temps, le citoyen ordinaire survit. Il improvise, il crée, il s’organise, il invente des miracles quotidiens que son propre gouvernement serait incapable d’imaginer. Le peuple haitien, lui, travaille. Le peuple haitien, lui, se bat. Le peuple haitien, lui, mérite mieux. Mais ceux qui dirigent semblent convaincus que leur mission sacrée consiste à vider un coffre-fort déjà presque vide, comme si chaque jour était le dernier jour avant l’effondrement final.
Haïti n’est pas condamnée par la fatalité, mais par ceux qui la dirigent comme une caisse à piller, pas comme une nation à sauver. Tant que le pouvoir restera une entreprise criminelle respectabilisée, tant que l’État sera traité comme une vache maigre que l’on trait jusqu’à son dernier souffle, tant que le peuple ne sera pour eux qu’un détail gênant, alors oui :
En Haïti, diriger, c’est braquer.
Et il est plus que temps que le braquage cesse.
Josette Larosine

