24 novembre 2025
Dadou Pasquet : une voix, une guitare, une légende du kompa s’éteint
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Dadou Pasquet : une voix, une guitare, une légende du kompa s’éteint

Dadou Pasquet: The Visionary Who Transformed Haitian Music - The HMI  Magazine

Haïti perd l’une de ses plus grandes signatures musicales. André « Dadou » Pasquet, guitariste prodige, chanteur, arrangeur et figure fondamentale du kompa moderne, s’est éteint, laissant derrière lui un héritage artistique et humain qui dépasse les frontières et les générations.

« La musique n’est pas ce que je fais, c’est ce que je suis », confiait-il un jour.
Aujourd’hui, cette musique pleure son poète.

-Une famille, une tradition, un destin musical

Né le 19 août 1953, Dadou Pasquet grandit dans une famille où les instruments, les voix et les harmonies étaient presque aussi naturels que le souffle. Dès son plus jeune âge, sa connexion avec la guitare dépasse la simple pratique. Il la « porte », la « comprend », l’habite.

Un musicien qui l’a côtoyé dira un jour :
« Dadou ne jouait pas de la guitare c’était la guitare qui jouait Dadou. »

Cette symbiose deviendra sa marque, son identité, son aura.

-Tabou Combo : le tremplin qui révèle un maître

Dans les années 1970, le jeune guitariste rejoint Tabou Combo, un monstre sacré du kompa, déjà tourné vers l’international. Cette période est fondatrice.
Dadou y découvre le monde, le professionnalisme, les grandes scènes, les longues tournées, les nuits d’enregistrement.

Il y perfectionne une technique fluide, précise, presque chirurgicale.
Il y apprend également l’art de l’arrangement, cette capacité rare d’assembler sons, voix et rythmes pour en faire une œuvre cohérente.

Plusieurs titres auxquels il participe deviennent des classiques, renforçant sa réputation d’instrumentiste brillant au sein de la diaspora haïtienne.

-1976 : naissance du Magnum Band, “La Seule Différence”

L’année 1976 marque un tournant historique. Avec son frère, Claude « Tico » Pasquet, batteur aussi précis qu’inspiré, Dadou fonde Magnum Band.
Très vite, le groupe devient un laboratoire musical, un espace de liberté où le kompa dialogue avec le jazz, le funk, la soul et la musique afro-caribéenne.

Le public et les critiques les baptisent « La Seule Différence », un titre presque prophétique tant leur son se distingue.

Sous la direction de Dadou, Magnum Band offre au kompa :

-une guitare plus expressive et plus raffinée

-des arrangements sophistiqués

-une écriture plus poétique

-une exploration rythmique novatrice.

-Des titres inoubliables

Dadou lègue plusieurs morceaux devenus des références, parmi lesquels :

“Pa Kite Mwen”: un titre poignant porté par une guitare vibrante ;

“Ou La”: l’un des classiques les plus identitaires du groupe ;

“Fanm Sa a Move”: rythmique, audacieux, irrésistible ;

“Wouspiyè”: un mélange riche de nuances et de virtuosité ;

“Juste un peu d’amour”: une ballade chaleureuse qui montre son côté tendre ;

“Lan nuit”: atmosphérique, presque cinématographique.

Ces morceaux révèlent un artiste qui n’interprète pas seulement des notes : il raconte, il respire, il sculpte des émotions.

-Un esprit innovant, une sensibilité rare

Au-delà de la technique, Dadou était un artiste avec une vision.
Pour lui, le kompa devait évoluer, s’ouvrir, dialoguer avec d’autres courants.

Il était reconnu pour :

-sa virtuosité, ses solos demeurent parmi les plus reconnus du kompa moderne ;

-son sens de l’arrangement, précis et élégant ;

-son exigence artistique, toujours tournée vers la qualité ;

-sa sensibilité, souvent perceptible dans ses compositions les plus douces ;

-son humilité, malgré sa stature immense.

Musiciens, journalistes et mélomanes s’accordent à dire que Dadou Pasquet a façonné un style, une école, une manière d’être musicien.

-Les derniers jours : une bataille menée avec dignité

La semaine précédant son décès, une note familiale avait informé qu’il traversait une grave épreuve de santé, tout en précisant qu’aucune collecte de fonds officielle n’était ouverte, un rappel discret mais ferme face aux dérives possibles.

Depuis son lit d’hôpital, Dadou avait pourtant enregistré une courte vidéo.
Il y apparaissait affaibli, mais souriant, affirmant qu’il se sentait un peu mieux.
Un geste de courage, de reconnaissance, de respect envers son public.

Cette vidéo est aujourd’hui l’un des derniers témoignages de sa voix, de son humilité et de son attachement à ceux qui l’ont suivi depuis tant d’années.

-Une perte immense pour Haïti et pour le kompa

Le décès de Dadou Pasquet n’est pas seulement la mort d’un artiste.

Peu après l’annonce de son décès, Le Dr. Robert Léger
Past- District Gouverneur du Rotary International du District 7020 a partagé une vidéo précieuse montrant Dadou interprétant “Okay Chéri”. On y voit un artiste souriant, habité, entièrement connecté à sa musique. Cette séquence, désormais chargée d’une émotion particulière, rappelle la chaleur de sa voix, la finesse de son jeu et cette douceur qui faisait de lui un musicien unique. Plus qu’une simple performance, cette vidéo apparaît aujourd’hui comme un cadeau, un fragment de lumière, un dernier salut du Maestro à tous ceux qui l’ont aimé.

C’est la fin d’une ère, la disparition d’un souffle créatif qui a profondément transformé la musique haïtienne.
Le kompa perd l’un de ses architectes les plus innovants. Magnum Band perd son cœur artistique.

Haïti perd un maître, un patriote culturel, un créateur d’exception.

Mais, comme toutes les grandes légendes, Dadou ne disparaît jamais vraiment.

Son esprit continue de vivre dans :

-les riffs de guitare qui inspirent les jeunes musiciens ;

-les voix qui reprennent ses mélodies dans les bals, les radios, les salons ;

-les foules qui dansent encore sur Magnum Band ;

-les souvenirs de tous ceux qu’il a touchés, de près ou de loin.

« Un artiste ne meurt pas : il se transforme en souvenir éternel. »
Cette phrase semble avoir été écrite pour lui.

Dadou Pasquet lègue à Haïti et au monde :

-une musique intemporelle,

-une signature sonore reconnaissable entre mille,

-une philosophie artistique audacieuse,

-et surtout, une façon d’aimer, de comprendre et de respecter la musique.

Et maintenant que son souffle s’est tu,
c’est toute la musique haïtienne qui retient le sien.
Les guitares semblent jouer un peu moins fort,
les scènes paraissent un peu plus vides,
et les nuits portent un silence qui ressemble à une prière.

Mais quelque part, dans une vibration qui traverse le temps,
la main de Dadou continue de glisser sur les cordes,
comme un vent léger qui raconte une histoire.
Une histoire faite de passion, de lutte, de beauté,
une histoire tissée dans chaque mesure de kompa moderne.

Son départ n’est pas une fin,
mais un passage doux, lumineux vers l’endroit où vont les Grands.
Là où la musique ne s’éteint jamais.
Là où chaque note devient une étoile.

Adieu Maestro.
Dans le ciel du kompa,
une nouvelle lumière vient de s’allumer.

Clément II BENOÎT

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