Sachant pertinemment qu’il a perdu la confiance de la majorité des Haïtiens, Augustin se déplace sur la pointe des pieds ; ce n’est qu’après le décollage de son avion que le pays apprend qu’il est au Brésil.
Port-au-Prince — Le conseiller-président Smith Augustin, visé par plusieurs rapports de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) pour abus de fonction et pots-de-vin présumés dans l’affaire de la Banque Nationale de Crédit (BNC), multiplie les déplacements internationaux, suscitant un malaise croissant dans les milieux diplomatiques. Haïti reste, à ce jour, le seul État caribéen représenté à l’étranger par un dirigeant formellement indexé pour corruption active.
Entre avril et mai 2025, Augustin s’est rendu à Washington pour solliciter un appui renforcé auprès de l’Organisation des États Américains (OEA). Reçu par le secrétaire général Luis Almagro, il a plaidé pour une « coopération régionale accrue » en faveur du déploiement d’une mission multinationale de sécurité en Haïti. Malgré des propos encourageants, aucune promesse de financement ni plan d’action concret n’a émergé de ces entretiens. Dans la capitale américaine, plusieurs observateurs de la diaspora ont qualifié cette initiative de « diplomatie de façade », davantage tournée vers la visibilité du régime transitoire que vers des avancées réelles.
Le 22 mai, Augustin a également présidé l’ouverture d’un symposium organisé par l’OEA sur la crise sécuritaire haïtienne. Les conclusions en ont été jugées peu concluantes : absence de feuille de route, engagements flous et silence complet sur la responsabilité du Conseil présidentiel dans les violations de droits humains attribuées à des groupes armés proches du pouvoir.
Le 4 novembre, un communiqué de la Présidence annonçait son départ discret pour participer à deux événements internationaux : la 30ᵉ Conférence des Parties (COP30) à Belém, au Brésil, et le 4ᵉ Sommet CELAC-UE consacré à la « Résilience et coopération ». Le texte évoquait six priorités — transition énergétique, protection des écosystèmes, transformation agricole, résilience urbaine, développement humain et financement de l’innovation. Mais le rôle exact d’Haïti, les engagements pris et les suites prévues demeurent indéterminés.
Cette tournée s’inscrit dans une logique plus symbolique que stratégique. Dans un pays où la transparence budgétaire et la responsabilité publique sont constamment remises en question, ces missions donnent l’impression d’un exercice diplomatique sans consistance. Financé par le Trésor public, ce ballet d’escales extérieures reflète, selon plusieurs analystes, une diplomatie d’apparat : beaucoup de voyages, peu de résultats, et une crédibilité affaiblie.
Les accusations portées contre Augustin entachent durablement cette image à l’international. Aucun rapport public n’a précisé le coût de ces déplacements, ni leur impact réel sur les relations étrangères du pays. Transparency International classe encore Haïti parmi les dix nations les plus corrompues au monde, révélant le contraste entre la rhétorique de restauration de l’État et la pratique politique de ses représentants.
Sous couvert de redorer le blason national, Smith Augustin voyage au nom d’un État disloqué, dans un décor où la diplomatie tient lieu de diversion. Ses escales, faute de résultats, deviennent le miroir d’une transition sans cap, d’une République qui cherche à l’étranger la légitimité qu’elle n’assume plus chez elle.



