29 octobre 2025
Me Frédo Jean Charles : le Conseil Présidentiel et le Premier Ministre doivent rendre des comptes
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Me Frédo Jean Charles : le Conseil Présidentiel et le Premier Ministre doivent rendre des comptes

Lettre ouverte de Me Frédo Jean Charles, Avocat, Militant des droits humains et Président de lINDDESC 

Objet : le Conseil Présidentiel et le Premier Ministre doivent rendre des comptes Monsieur le Premier Ministre, 

Madame et Messieurs les membres 

Du Conseil Présidentiel de Transition, 

Depuis plusieurs mois, le peuple haïtien subit une détresse sans précédent, dans un contexte de désagrégation de l’État et d’effondrement institutionnel. La République semble désormais incapable d’assurer ses fonctions essentielles : garantir la sécurité publique, rendre justice, protéger les droits fondamentaux et préserver la dignité nationale. 

Les faits observés par l’Institut National pour la Défense des Droits Économiques, Sociaux et Culturels (INDDESC), corroborés par les rapports du RNDDH, de l’OIM et des Nations Unies, dressent un tableau alarmant : plus de 3 000 personnes tuées et 1 500 enlevées entre janvier 2024 et septembre 2025 ; plus de 80 % de la capitale sous contrôle de groupes armés ; des milliers de familles déplacées, sans abris ni vraie assistance. Cette situation constitue une crise nationale majeure et un échec manifeste de la gouvernance publique. 

Une République fragilisée dans ses fondements 

Les zones de Martissant, Croix-des-Bouquets, Pernier, Carrefour-Feuilles, Solino, Gressier, Thomazeau et Cité Soleil demeurent hors de tout contrôle étatique. Les institutions de sécurité sont affaiblies, démotivées et souvent dépourvues de moyens adéquats. Les tribunaux, pour la plupart, ne fonctionnent plus ; des juges sont menacés ; des avocats sont exécutés de manière extrajudiciaire ; des détenus s’accumulent dans des conditions inhumaines sans jugement ni procès. 

L’État, en tant qu’institution de régulation, de justice et de protection, s’est ainsi progressivement effacé, laissant place à un ordre de fait imposé par les groupes armés. Cette réalité traduit une défaillance grave de l’autorité publique et une atteinte directe à la souveraineté nationale. 

Les droits humains quotidiennement violé

Je constate avec profonde préoccupation la détérioration continue des droits humains dans toutes leurs dimensions : civiles, politiques, économiques, sociales et culturelles. Le droit à la vie, à la sécurité, à la santé, à l’éducation, au travail et au logement est quotidiennement bafoué. Or, dans un véritable État démocratique, garantir le droit à la sécurité et à la vie des citoyens n’est pas un privilège, mais un devoir sacré de l’État, conformément à l’article 7.1 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme, que la République d’Haïti a librement ratifiée. 

Ces violations massives constituent également une méconnaissance flagrante de la Constitution de 1987 (articles 19, 22 et 35), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et du Protocole de San Salvador, engagements

internationaux librement souscrits par la République d’Haïti. En ne respectant pas ces instruments, l’État haïtien s’expose à une responsabilité internationale pour non-exécution de ses obligations de protection et de garantie des droits fondamentaux de l’homme. 

Un pouvoir de transition en défaut de mission 

Le Conseil Présidentiel de Transition et le Gouvernement dirigé par M. Alix Didier Fils Aimé ont été investis d’une mission claire : Rétablir la sécurité et l’ordre public ; Restaurer le fonctionnement régulier des institutions républicaines par la transparence dans la gestion de l’État ; Préparer et organiser des élections libres, inclusives et crédibles. À ce jour, aucun de ces objectifs n’a été atteint. Aucune route nationale n’a été sécurisée. Aucune stratégie nationale de sécurité n’a été définie. Aucun calendrier électoral n’a été annoncé. Ce constat appelle un devoir d’explication et de reddition de comptes, conformément aux principes de transparence et de responsabilité publique consacrés par la Constitution et les normes de gouvernance démocratique. 

Le scandale du référendum constitutionnel : un gaspillage inacceptable 

L’INDDESC dénonce avec vigueur le gaspillage des fonds publics alloués au projet de référendum constitutionnel malheureux, aujourd’hui annulé, mais dont les sommes ont bel et bien été débloquées et dilapidées. Pourtant, par la voix de son président, Me Frédo Jean Charles, l’INDDESC avait, bien avant cette débâcle, tiré la sonnette d’alarme pour avertir du caractère illégitime, illégal et arbitraire d’une telle initiative. Le Conseil Présidentiel de Transition, qui ne détient ni mandat populaire ni légitimité politique suffisante, ne saurait modifier la Constitution par voie référendaire. 

En persistant dans cette voie malgré les avertissements des forces vives de la nation, puis en reconnaissant son incapacité à organiser le référendum, le CPT s’est discrédité et a infligé à la République une double perte : financière et institutionnelle. Cet épisode symbolise à lui seul l’incohérence, l’improvisation et le manque de reddition de comptes qui minent la gouvernance actuelle. 

Pour un sursaut de responsabilité nationale 

J’estime que le moment est venu pour les plus hautes autorités de l’État de reconnaître la gravité de la crise nationale et d’assumer leurs responsabilités. Il faut d’urgence un plan national de sécurité publique, un programme humanitaire pour les déplacés et une feuille de route électorale crédible, élaborés avec la société civile et les institutions de défense des droits humains. Or, le Conseil Présidentiel de Transition et le Premier Ministre n’ont pas su répondre à ces attentes essentielles. Leur gestion hésitante a affaibli la confiance du peuple haïtien et compromis le retour à l’ordre constitutionnel. À l’approche du 7 février 2026, une nouvelle orientation nationale s’impose pour restaurer la légitimité, la justice et la souveraineté en Haïti. 

Pétion-Ville, le 29 octobre 2025 Frédo JEAN CHARLES

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