par Elensky Fragelus
Le nouveau premier ministre canadien, Mark Carney, a entrepris un virage majeur dans la politique économique du Canada. Son ambition : réduire la dépendance commerciale historique du pays envers les États-Unis et bâtir une économie plus ouverte sur le monde. Un message fort qui résonne particulièrement dans des pays comme Haïti, souvent prisonniers d’un marché unique ou d’une dépendance économique excessive.
Une relation trop déséquilibrée avec les États-Unis
Depuis des décennies, l’économie canadienne repose en grande partie sur les exportations vers son puissant voisin du sud.
En 2024, près de 70 % des exportations canadiennes étaient encore destinées au marché américain. Mais les récents tarifs imposés par Washington sur l’acier, l’aluminium et les véhicules fabriqués au Canada ont mis en évidence les risques de cette dépendance.
Face à cette situation, Carney a déclaré que le Canada devait désormais « marcher sur ses deux jambes économiques » et ne plus « compter sur un seul partenaire, aussi proche soit-il ».
Un plan pour s’ouvrir au reste du monde
Pour y parvenir, le gouvernement Carney a lancé un plan de diversification des exportations inédit. Objectif : doubler les exportations vers les pays autres que les États-Unis d’ici 2035.
Le plan s’appuie sur un fonds stratégique de 5 milliards de dollars canadiens pour soutenir les entreprises prêtes à conquérir de nouveaux marchés.
Les priorités :
- L’Asie et l’Indo-Pacifique, avec un accent sur les technologies propres et les produits énergétiques.
- L’Afrique, où le Canada veut renforcer ses liens historiques et linguistiques.
- Le Moyen-Orient, notamment pour les exportations agricoles et les ressources naturelles.
- L’Europe, pour consolider les partenariats post-CETA (accord de libre-échange Canada-UE).
En parallèle, Carney veut stimuler le commerce intérieur canadien, afin que les provinces coopèrent davantage entre elles avant de s’ouvrir à d’autres marchés mondiaux.
Des secteurs clés en reconversion
Plusieurs industries canadiennes sont directement concernées :
- Le bois d’œuvre, touché par les droits de douane américains, cherche à se repositionner vers l’Europe et l’Asie.
- L’agroalimentaire, soutenu par le programme AgriMarketing, vise les marchés africains et moyen-orientaux.
- Les technologies vertes, fer de lance de la vision Carney, devraient renforcer la présence canadienne dans les domaines de l’énergie propre et de l’innovation environnementale.
Une leçon pour Haïti et la Caraïbe
Ce virage canadien n’est pas seulement une affaire de diplomatie économique : il illustre une philosophie de souveraineté commerciale qui peut inspirer les petites économies de la région.
Haïti, par exemple, reste fortement dépendante des importations dominicaines et américaines pour ses produits de base et de l’aide internationale pour ses finances publiques. De la même manière, ses exportations (textile, mangues, huiles essentielles) se concentrent presque exclusivement sur un seul marché.
Or, l’exemple canadien montre qu’il est possible (même dans un environnement dominé par un grand voisin) de repenser ses alliances économiques et de diversifier ses débouchés.
Cela pourrait signifier, pour Haïti et les pays caribéens, une ouverture accrue vers :
- Les marchés latino-américains, notamment le Mexique, le Brésil et la Colombie ;
- L’Afrique francophone, où la demande pour les produits agricoles et artisanaux augmente ;
- Le Canada lui-même, qui encourage désormais les partenariats Sud-Sud et Nord-Sud dans ses nouveaux accords commerciaux.
Des défis communs
Comme pour le Canada, la diversification n’est pas qu’une question de volonté politique : elle suppose des infrastructures solides, une diplomatie économique active et des investissements dans la logistique, l’éducation et l’innovation. Mais le message de Carney reste clair : une économie dépendante est une économie fragile.
Vers un nouveau partenariat possible ?
Dans ce contexte, plusieurs analystes voient une opportunité pour Haïti et la diaspora haïtienne du Canada.
En cherchant à multiplier ses partenariats, Ottawa pourrait ouvrir des programmes d’investissement et de formation destinés aux pays caribéens, notamment dans les domaines du commerce numérique, de l’agro-industrie et de l’énergie propre — trois secteurs où le potentiel haïtien reste largement inexploit
En diversifiant ses exportations, Mark Carney ne fait pas qu’adapter le Canada à un monde multipolaire : il propose un modèle d’autonomie économique inspirant.
Haïti, qui aspire à sortir de sa dépendance structurelle, pourrait s’inspirer de ce pragmatisme pour construire, elle aussi, un avenir économique plus équilibré et souverain.

