Cuba célèbre le centenaire de Celia Cruz, la voix qui a défié tous les silences
Elle naquit à La Havane, le 21 octobre 1925, dans une maison modeste du quartier Suárez. Personne n’aurait alors imaginé que cette petite fille noire, fille d’un chauffeur de locomotive et d’une mère au foyer, deviendrait la voix la plus emblématique de la salsa, symbole d’exil, de liberté et de joie caribéenne. Cent ans plus tard, l’écho de Celia Cruz résonne encore, vibrant comme son cri éternel : « ¡Azúcar ! »
Dans une Cuba encore marquée par les hiérarchies raciales malgré l’abolition de l’esclavage, la jeune Celia rêvait d’enseigner. Mais son destin s’écrivait dans les nuances de sa voix. Son cousin Serafín l’inscrivit à des concours radiophoniques ; elle les remporta presque tous. En 1944, elle décrocha son premier contrat à Radio Mil Diez, « la station du peuple », où elle interprétait boléros et rumbas nourries des rythmes yorubas.
Le tournant survint en 1950 : Celia Cruz remplaça la chanteuse portoricaine Mirta Silva au sein de la Sonora Matancera. Beaucoup doutaient d’elle : elle était pauvre, noire, et sa voix ne ressemblait à aucune autre. Mais il suffit d’une chanson pour faire taire les sceptiques. Dès lors, Cuba la couronna « Reine de la Rumba ».
L’exil marqua la seconde moitié de sa vie. En 1960, Celia quitta l’île pour le Mexique, puis s’installa aux États-Unis. Elle ne reviendrait jamais. Depuis New York, aux côtés de Tito Puente puis de la Fania All Stars, elle fit de la salsa une langue universelle. Sa voix fit vibrer les stades : du Yankee Stadium à Kinshasa, lors du mythique combat Ali-Foreman, où elle chanta avec James Brown et Miriam Makeba.
Trois Grammy Awards, quatre Latin Grammy, plus de quarante albums. Mais au-delà des chiffres, Celia Cruz incarna la joie indomptable, celle qui transforme la douleur en danse et la mémoire en fierté. Son nom brille sur le Walk of Fame à Hollywood, une rue de Miami porte son nom, et même un astéroïde lui rend hommage.
Celia Cruz s’est éteinte en 2003, mais sa voix, elle, ne s’est jamais tue. Cent ans après sa naissance, elle demeure cette flamme qui fit du mot « azúcar » un cri de résistance et d’espérance pour tout un peuple.


